Mamadou Dème, Directeur des assurances : « La pénétration des produits d'assurance demeure encore faible »

Mardi 1 Août 2023

Au Sénégal, le marché des assurances se porte bien. L’affirmation est de Mamadou Dème, directeur des assurances au ministère des Finances et du Budget. Dans un entretien au Journal de l’économie sénégalaise (Lejecos), il a révélé qu’en fin 2022, on dénombre 29 compagnies dont 19 spécialisées en assurance non vie et 10 en assurance Vie et 83 sociétés de courtage, ainsi que différents types d’intermédiaires agréés, interviennent dans la distribution et le conseil en assurance. Cependant malgré ce dynamisme, il relève une faible pénétration des produits d’assurance au Sénégal en 2021, avec un taux de 1,47%, contre une moyenne africaine de 2,70%. Dans cet entretien, M. Dème passe en revue les questions telles que, l’augmentation du capital des compagnies d’assurance, la réglementation du secteur, l’impact de l’entrée du Sénégal dans l’économie pétrolière et gazière, mais également le traitement des litiges, les mesures pour la promotion du secteur.
Entretien.


Monsieur le Directeur, comment se porte le secteur des assurances au Sénégal à fin décembre 2022 ? Quelle est la place de Dakar par rapport aux autres pays de l’espace CIMA?
 
 A fin décembre 2022, le secteur des assurances se porte globalement bien, poursuivant sa dynamique de résilience aux effets de la Covid 19, ainsi que des chocs exogènes nés du conflit russo-ukrainien avec leurs conséquences sur la reprise amorcée de notre économie post Covid.
 
Le marché sénégalais des assurances est animé à fin 2022 par 29 compagnies d’assurance dont 19 spécialisées en assurance Non vie et 10 en assurance Vie ; différents types d’intermédiaires agréés interviennent dans la distribution et le conseil en assurance, dont des sociétés de courtage au nombre de 83 en 2022.
 
Sur la base des données provisoires que nous avons, le secteur devrait réaliser une croissance de 9,59% contre 9,36%, avec un chiffre d’affaire de FCFA 246,671 Milliards, contre 225, 094 Milliards  en 2021.
 
Si nos prévisions se confirment, le chiffre d'affaires définitif devrait approcher les 249 milliards en 2022, plaçant ainsi le marché sénégalais à la troisième place dans la zone CIMA, après la Côte d'Ivoire et le Cameroun.
Et pour traduire la robustesse du marché, vous noterez que sur les 29 sociétés qui animent l’activité, 11 sociétés dépassent la barre de 10 Milliards de chiffre d’affaires réalisé, concentrant 44% de parts de marché en assurance dommage et 74% en assurance Vie.
 
Il est également important de souligner que le marché sénégalais a réalisé la deuxième plus forte croissance cumulée sur la période allant de 2011 à 2021, juste derrière la Côte d'Ivoire. Cette performance démontre la dynamique et le potentiel de croissance du secteur des assurances au Sénégal.
 
Malgré ces tendances, il se pose avec acuité la faiblesse de la densité de l’assurance et de la prime moyenne. Quels sont les facteurs explicatifs?
 
Effectivement, vous touchez là l’un des défis majeurs auxquels doit faire face le secteur, au Sénégal bien sûr, mais plus globalement en Afrique et dans la zone CIMA.
Malgré la dynamique de croissance relevée tantôt, la pénétration des produits d'assurance demeure encore faible, comparée notamment à d’autres pays ou zones économiques du Monde. En effet, les statistiques montrent que le taux de pénétration de l'assurance qui est calculé comme le rapport entre les primes d'assurances collectées (pour l'assurance vie et non-vie) et le Produit Intérieur Brut (PIB) d'un pays, était de 1,47% au Sénégal en 2021, contre une moyenne africaine de 2,70% et une moyenne mondiale de 7%.
 
Plusieurs facteurs pourraient expliquer ce phénomène, tels que :
  • le manque de connaissance et de compréhension des produits d'assurance, lié à un réel déficit de communication de la part des acteurs,
  • les perceptions négatives envers les compagnies d'assurance, en plus  des obstacles culturels et sociaux,
  • les contraintes financières, ou encore les régulations ou les offres d’assurance inadéquates.
Cette situation est préoccupante, car l'assurance joue un rôle crucial dans la protection des individus et des entreprises contre les risques et les aléas de la vie, en plus de contribuer à la stabilité économique et sociale d'un pays.
 
La lancinante question de la survie financière est dans les débats actuels avec notamment l’augmentation du capital à 5 milliards de FCFA. Peut-elle être compatible avec les objectifs de rentabilité assignés aux compagnies par leurs états-majors?
 
La question de l'augmentation du capital minimum à 5 milliards de FCFA pour les compagnies d'assurance est effectivement une question importante dans le contexte actuel. L'objectif de cette mesure est d'assurer la solvabilité et la stabilité financière des compagnies d'assurance, et conséquemment, d’améliorer la qualité des prestations au profit des assurés et bénéficiaires de contrats d’assurance
 
Il est vrai que ces nouvelles exigences  de capital minimum, peuvent mettre sous pression la rentabilité des compagnies, surtout pour celles qui sont plus petites ou qui ont des marges de profit plus faibles. L'augmentation du capital signifie que ces compagnies devront générer des profits plus importants pour maintenir le même niveau de rentabilité.
 
Mais il faut également noter que l’un des objectifs sous jacents de cette réforme sur le capital, c’est justement de réduire cet émiettement que connait le marché de la zone CIMA, avec un nombre important de petits acteurs centrés autour d’un actionnariat familial, et souvent pas très performants sur des risques de masse qui sont leur spécificité.

Le vœu du législateur CIMA à travers la réforme, c’était aussi de pouvoir créer les conditions d’une certaine concentration par le biais de mécanismes de fusion, d’ouverture de capital à des actionnaires de référence, ou alors de renforcement des structures par apport supplémentaire de fonds propres.
 
Cette exigence de capital minimum devrait alors être perçue comme une opportunité. Avec des fonds propres plus solides, les compagnies d'assurance pourraient être en mesure de souscrire à des risques plus importants et potentiellement plus rentables ; c’est d’ailleurs le sens de la réforme sur la domiciliation qui accompagne ce mouvement, et qui interdit désormais, sans possibilité de dérogation, l’assurance directe à l’étranger des risques situés localement.

De plus, une solidité financière accrue est de nature à améliorer la confiance des clients, notamment les investisseurs directs étrangers,  et attirer davantage de nouveaux souscripteurs.

Compte tenu des perspectives économiques que nous observons dans notre pays, dans les secteurs du pétrole et du gaz, de la construction, des infrastructures et notamment la modernisation du transport de masse, il est possible de croire que les objectifs de rentabilité des sociétés d’assurance ne sont pas vraiment menacés.
 
En fin de compte, la compatibilité de cette augmentation du capital avec les objectifs de rentabilité dépendra de la capacité de chaque compagnie à s'adapter à cette nouvelle réalité, en optimisant ses opérations, en diversifiant ses sources de revenus et en innovant dans ses offres de produits.

C’est d’ailleurs l’occasion pour les acteurs de revenir à l’orthodoxie du métier ; il convient de rappeler que l’un des effets induits de cette réforme, c’est le renforcement de la capacité de rétention des Assureurs, et par ricochet une réduction de leur dépendance à la réassurance. Ceci devrait s’accompagner d’un ensemble de comportements dans la gestion technique.

Compte tenu des craintes liées d’une part, aux objectifs de rentabilité visés par les compagnies et d’autre part, l’incapacité affichée par certaines d’entre elles pour hisser leur capital au niveau requis, n’est-il pas temps de s’entendre sur des mesures d’adoucissement de cette nouvelle règlementation. Existe-t-il des démarches ayant été initiées dans ce sens, si oui lesquelles? Et quels en ont été les résultats ?
 
La problématique liée à l’augmentation du capital social des sociétés d’assurance ou du fonds d’établissement des sociétés mutuelles d’assurance est bien suivie au niveau du Secrétariat de la CIMA. Au-delà du Sénégal, elle concerne tous les Etats membres de notre organisation communautaire. C’est un projet qui est géré en bonne intelligence alternant souplesse et rigueur à tous les niveaux de la Commission Régionale de Contrôle des Assurances (CRCA) jusqu’au Conseil des Ministres des Assurances en passant par le Secrétariat général et le Comité des Experts.

Pour dire que les préoccupations des acteurs, que vous soulignez dans votre question, sont bien prises en comptes à travers des concertations avec les organes de la CIMA.

Ces concertations avaient permis déjà de différer la seconde phase de l’augmentation de capital de décembre 2021 à décembre 2024, après la première phase où le passage à un capital de 3 Milliards a été finalisé en 2019.
Cette souplesse a pu être justifiée par le contexte économique lié à la crise sanitaire de 2020, avec les contraintes de levée de fonds à cette période par les actionnaires et potentiels  nouveaux investisseurs.

Pour les sociétés d’assurance vie, la décision a été retenue de suspendre la mise en œuvre de la réforme afin d’approfondir l’étude sur les besoins réels de capitalisation de ce segment dont les marges de profit sont encore assez faibles dans notre zone. Il s’y ajoute que dans ce segment, les calculs actuariels des engagements souscrits sont d’une précision telle que le risque d’incertitude est mieux maitrisé que pour l’assurance non vie.

En somme, il y a vraiment à apprécier ces mesures d’adoucissement adoptées pour accompagner les acteurs à se conformer à cette réforme.
 
 
Le Sénégal entre dans la production du pétrole et du Gaz, peut-on- voir cet impact dans le contenu local pour les entreprises sénégalaises d’assurances?
 
L’entrée du Sénégal dans l’économie pétrolière et gazière devrait contribuer à renforcer la dynamique de croissance du marché des assurances dont nous avons parlé déjà. Incontestablement, on devrait assister à un impact réel avec la couverture des risques pétroliers et gaziers, et cet effet ira au-delà de notre seul marché d’assurance pour impacter la zone CIMA globalement, en raison du volume des investissements dans ce secteur et de la capacité requise pour leur bonne couverture.

C’est dans ce sens qu’il convient d’analyser la vision du Président de la République, son Excellence Macky SALL, relativement à l’adoption d’une loi sur le contenu local.
Cette loi vise à encadrer le secteur de l’exploitation pétrolière et gazière, en y faisant participer au maximum les acteurs économiques sénégalais ; son objectif est dès lors d’accroitre la valeur ajoutée locale et la création d’emplois locaux dans le cycle de vie des projets pétroliers et gaziers, afin de stimuler l’économie locale à divers niveaux ; cette vision vient d’être récemment traduite dans le secteur de l’industrie minière qui s’est également doté d’une loi sur le contenu local.

Le secteur de l’assurance est donc bien placé pour bénéficier de cette nouvelle dynamique économique, en raison des risques importants liés à cette industrie et le besoin de services d’assurance spécialisés. Les sociétés d’assurance sénégalaises ont ainsi l’opportunité de proposer leurs services aux entreprises intervenant sur toute la chaine de valeurs de l’industrie pétrolière et gazière, depuis l’exploration jusqu’à la distribution.

L'augmentation de l'activité pétrolière et gazière peut également générer une croissance économique globale, ce qui pourrait stimuler la demande d'assurance dans d'autres secteurs. Par exemple, l'industrie pétrolière et gazière nécessite souvent des services de construction, de transport et de logistique, ce qui peut accroître les besoins en assurance dans ces domaines.

Pour bénéficier pleinement de cette opportunité, les compagnies d'assurances sénégalaises devront être en mesure de répondre aux exigences spécifiques de l'industrie pétrolière et gazière en termes de couverture d'assurance, de capacité financière et de gestion des risques.
 
Mais le défi majeur auquel devra faire face le secteur dans ce domaine, c’est le renforcement de la capacité de souscription, au niveau de tous les acteurs, Assureurs comme réassureurs ; et ceci justifie, si besoin en était encore, les réformes règlementaires auxquelles nous avons fait cas tantôt, sur les exigences de capital minimum, la domiciliation de l’assurance ainsi que certains aspects de la réassurance.

Les compagnies d'assurances agréées au Sénégal ont compris la pleine mesure de cet enjeu, en mettant en place le "Pool d'assurance des Risques Pétroliers & Gaziers", une initiative qui vise à fédérer, autour de la Société nationale de Réassurance, l’ensemble des Assureurs dommage du marché afin de disposer d’une capacité accrue de couverture des risques pétroliers, mais aussi de négociation avec le marché international de la réassurance.
 
Par ailleurs, il peut être nécessaire d'investir dans le renforcement des capacités et dans la formation du personnel pour être compétitif dans ce domaine spécialisé, ce que les acteurs de l’assurance sénégalaise ont bien pris en compte à travers différentes sessions de formation dans le domaine.
 
Quelles sont les mesures d’ordre règlementaire qui ont été prises ces dernières années pour donner une nouvelle impulsion au secteur et le rendre plus attractif?
 
 
Il faut dire qu’il y a eu ces dernières années un ensemble de mesures  règlementaires, toutes allant dans le sens d’un meilleur encadrement de l’industrie des assurances en zone CIMA, qui est encore très jeune.

Nous avons rappelé certaines de ces mesures qui sont toutes des réformes du cadre règlementaire existant, soit pour le rendre plus attractif, soit plus protectionniste des intérêts de notre zone d’intégration.

Je veux parler des réformes de 2016 sur l’article 308, portant interdiction absolue d’une assurance directe à l’étranger, et sur l’article 329-3 relatif au capital social minimum et à l’exigence sur les fonds propres.

Nous pouvons également penser à la règlementation de la réassurance, dont un des pans de la réforme est contenu dans l’article 308 cité.

Il y a également l’introduction d’une règlementation porteuse du développement de la micro assurance, comme instrument de lutte contre la pauvreté et en faveur de la résilience des populations à revenus faibles, notamment dans le secteur rural et informel. Une nouvelle règlementation qui répond à l’un des premiers objectifs du Traité CIMA, à savoir l’offre de produits adaptés aux réalités et aux capacités contributives des africains.

Nous voudrions également penser à la nouvelle règlementation sur le Takaful ou assurance islamique, une règlementation qui répond à un intérêt manifeste des investisseurs pour ce pan de la finance, en plus de traduire l’implication grandissante des Etats de la zone dans la finance islamique, à travers les émissions d’obligations islamiques « SUKUK », détenues par des sociétés d’assurances, qui ont connu un franc succès ces dernières années.

Pour vous dire le rythme assez soutenu de la règlementation, que les opérateurs ont d’ailleurs pu trouver très contraignant.

Aujourd’hui la promotion de la microassurance et celle de l’assurance agricole sont souvent citées comme de nouveaux leviers susceptibles d’être mis à profit pour booster la croissance du secteur et répondre aux attentes des assurés et bénéficiaires de contrats. Dans cette perspective, en votre qualité de régulateur, vous a-t-il été donné d’initier une campagne de vulgarisation desdits produits, qui sont tout de même, encore largement méconnus, malgré les innombrables avantages qu’ils présentent pour les populations, notamment les segments les plus vulnérables.
 
Vous avez raison d’évoquer ce segment comme axes d’élargissement de l’activité d’assurance dans nos Etats, et spécialement au Sénégal.
En effet, il est incontestable aujourd’hui qu’une assurance inclusive constitue un défi fondamental auquel le secteur doit apporter une réponse pour approfondir davantage la masse assurable ; la structure de nos économies, dominées par les activités informelles, justifie pleinement cette nécessité d’une assurance inclusive.
Dans ce domaine, je voudrais rappeler l’une des plus grandes initiatives déclinées par la direction des assurances, et qui a abouti à la mise en place de la Compagnie d’assurances agricoles sénégalaise, dans un modèle de partenariat public-privé. Le Sénégal devenait ainsi le précurseur en zone CIMA d’une assurance inclusive, orientée vers la couverture des risques du Monde agricole, avec un appui public à travers une subvention des primes d’assurance
 
Par la suite, dans le cadre d’un partenariat avec l’UNCDF, la direction des assurances a initié et participé à dérouler un programme d’accompagnement des opérateurs dans la mise en œuvre de projets de développement de la  Microassurance au Sénégal.
Enfin, la direction des assurances produit régulièrement des notes faisant la situation de la Microassurance au Sénégal, et permettant de dégager des pistes de réflexion à l’adresse des opérateurs et investisseurs potentiels.
 
Aujourd’hui, l’Education Financière semble s’imposer comme le maître mot devant guider la plupart des initiatives ressortant de la Stratégie Régionale d’Inclusion Financière au sein de l’UEMOA, la Direction des Assurances est-elle engagée dans des actions de formation à l’endroit des assurés ainsi que de promotion et de vulgarisation des produits et services offerts par les compagnies, de façon à réduire les risques potentiels de litiges opposant les assureurs à leurs clients.
 
Effectivement la direction des assurances, en collaboration avec d’autres intervenants, est très engagée dans l’éducation financière, et plus globalement dans la Stratégie Nationale d’Inclusion Financière, dont l’élaboration et la mise en œuvre est pilotée par la Direction Générale du Secteur Financier (DGSF) dont la direction des assurances est une des composantes.

La direction des assurances est partie prenante à travers tous les axes de cette stratégie, et plus particulièrement au titre de son Axe 3, consacré à « l’amélioration de la culture financière des populations et de la protection des usagers des services financiers » et de son Axe 4, relatif aux « cadres règlementaires et institutionnels propices et efficaces », l’objectif étant dans ce dernier axe d’élargir les champs couverts par la règlementation et d’accompagner les acteurs financiers dans l’innovation.

Dans ce domaine, la direction des assurances travaille également en parfaite collaboration avec l’Observatoire de la Qualité des Services Financiers, très présent dans la mise en œuvre de programmes d’éducation financière, pour en finalité, parvenir à une meilleure compréhension des services financiers.
 
 
Comment de tels litiges sont-ils traités, le cas échéant ? Et quelles sont les structures habilitées pour connaitre des différends entre assureurs et assurés ?
Lesdites structures sont-elles parvenues à obtenir des résultats satisfaisants?
 
Il faut d’abord rappeler qu’en raison de l’asymétrie de l’information entre les parties au contrat d’assurance, toute clause ambigüe est généralement interprétée en faveur de l’assuré ou le bénéficiaire du contrat d’assurance, qui est fortement protégé par le législateur.

En cas de litige, des solutions alternatives à la voie judiciaire sont disponibles.
Il y a principalement, le rôle joué par le régulateur, à travers la direction des assurances, dont la mission « s’exerce dans l’intérêt des assurés, souscripteurs et bénéficiaires de contrats d’assurance et de capitalisation » ; il s’agit là d’une disposition fondamentale du code des assurances.

Même si ça ne doit pas être une fonction principale au niveau du régulateur, ce qui traduirait une permanence des dysfonctionnements chez les acteurs, la direction des assurances est régulièrement saisie pour connaitre de différends opposant des parties au contrat, et généralement dans le respect des engagements souscrits, à savoir paiement des sinistres.

Au sein de l’Association des Assurances, il existe également une Commission d’arbitrage chargée de connaitre certains types de différends dans la mise en œuvre du contrat d’assurance automobile notamment.

Il y a enfin l’Observatoire de la Qualité des Services Financiers (OQSF) dont l’une des missions principales est d’effectuer une médiation entre les usagers du secteur financier et les institutions financières en cas de litige.

La promotion de ces modes alternatifs de règlement des litiges est d’ailleurs très encouragée aujourd’hui dans le traitement du contentieux économique, avec une implication de l’ensemble des secteurs financiers autour du Tribunal du Commerce, en partenariat avec l’OQSF.

Un ensemble d’actions prioritaires est entrain d’être déroulé dans ce sens afin de rendre opérationnel le Comité National de Médiation et de Conciliation institué par le décret 2014-1653 du 24 décembre 2014.

Au titre de l’objectif général de cette démarche, il est attendu la création d’un cadre de réflexion réunissant les acteurs concernés par le contentieux économique, en vue de déterminer les conditions de sa prise en charge rapide et efficace par la voie amiable, dans une perspective de désengorgement des tribunaux et de promotion d’un climat des affaires favorable à l’investissement et à la compétitivité de l’économie sénégalaise.
 
 
Depuis le 1er janvier 2023, s'applique la norme révisée IFRS 17 visant à harmoniser l'évaluation des contrats d'assurance entre pays pour rendre plus transparente leur présentation comptable. L’unification des polices à l’international ne pourrait-il pas avoir un impact sur la pérennité des compagnies d’assurances nationales et ainsi réduire leur compétitivité ainsi que leur marge bénéficiaire ? Quels sont les effets induits dans l’exercice et le contrôle des compagnies assujetties?
 
Je voudrais d’abord préciser que cette norme IFRS 17, comme d’autres normes de supervision de type solvabilité 2, n’est pas encore introduite dans notre dispositif règlementaire.

Elle n’en présente pas moins d’intérêt pour notre industrie, et il est concevable que l’évolution règlementaire soit orientée vers l’adoption des meilleures normes de supervision prudentielle.

Il s’agit en effet de s’approprier, en tenant compte de l’évolution de notre propre industrie des assurances, des règlementations plus solides et plus cohérentes, aux standards internationaux, ce qui devrait d’ailleurs participer à renforcer la confiance dans le secteur des assurances de notre zone  et à stimuler sa croissance. Le sens de nos réformes est dans cette voie et nous y allons dans la bonne dynamique.
 
 
Quels sont les principaux risques auxquels font actuellement face les compagnies d’assurances? Quelles sont les actions réglementaires préconisées par la Direction des Assurances pour une prévention et une bonne maîtrise de ces risques?
 
En l’état actuel de son évolution, le secteur fait face principalement à un risque de réputation, en raison de la persistance de dysfonctionnements dans le respect des engagements souscrits.

Ce risque de réputation est fortement corrélé au risque de non-conformité avec la règlementation, les dysfonctionnements soulignés étant généralement liés à un ensemble d’autres risques de type opérationnel (risques technique, actuariel, financier,…) ; et il appartient au régulateur d’accompagner la gestion efficace de ces risques auxquels peuvent être confrontés les acteurs, au besoin par la mise en œuvre de textes règlementaires encadrant davantage l’exploitation.

Dans ce cadre, le régulateur a beaucoup mis l’accent, dans les réformes du dispositif légal, sur la gouvernance d’entreprise, et notamment sur la place du dispositif de contrôle interne dans les entreprises d’assurance.

Ce dispositif de contrôle interne, qui prend en charge l’ensemble des postes de sécurité dans les activités de l’entreprise, doit lui permettre, par l’identification des sources d’instabilités financières, d’atteindre ses objectifs et de garantir ses performances opérationnelles.
 
Aujourd’hui, sont également apparus un ensemble de risques nouveaux de nature à compromettre la solidité et la stabilité des acteurs : je veux penser aux risques cybernétiques, les risques naturels catastrophiques, etc.

Pour rester dans l’actualité récente de la pandémie à COVID 19, nous avons pu mesurer l’étendue de l’incertitude à laquelle peuvent être confrontés les acteurs économiques, et notamment les sociétés d’assurance, face à une crise sanitaire qui a repoussé les limites du risque avec un impact global sur le système économique et financier en général.

Il s’agit là de la problématique des risques systémiques, qui peuvent mettre en péril les moyens financiers dont disposent les Assureurs pour tenir l’ensemble des engagements souscrits.

Des risques systémiques qui appellent, de la part du régulateur, l’adoption de mesures visant à renforcer la résilience du secteur face aux chocs extrêmes.
 
Je voudrais aussi relever le blanchiment des capitaux et la fraude à l’assurance qui constituent des risques de déséquilibre financier pour les entreprises d’assurance
 
Pour prévenir et lutter contre les risques de BC/FT dans le secteur des assurances, le régulateur CIMA a mis en place en 2021 un dispositif règlementaire y relatif.
Au plan national, la Direction des assurances s’est inscrite ces dernières années dans une politique de formation et de sensibilisation des acteurs (Assureurs, intermédiaires) au dispositif anti-blanchiment.
Des contrôles spécifiques sur le respect du dispositif règlementaire sont effectués au sein des compagnies d’assurances.
 
 
Le secteur sénégalais des assurances fait également face à plusieurs défis au nombre desquels la culture et l’inclusion assurancielle, la digitalisation des polices d’assurance, la généralisation à l’échelle nationale du mécanisme «TAXAWULEEN », la transparence dans les clauses contractuelles, la production tardive des rapports d’expertise dédiés à l’évaluation des indemnités de sinistres, etc.  Pour faire face à ces défis, quel est le rôle de la Direction des Assurances en tant qu’acteur chargé de la régulation du secteur?
 
Vous me donnez l’occasion de mieux camper la place de la Direction des assurances dans cette évolution de l’environnement du secteur, même si j’ai eu à le rappeler sur certaines questions spécifiques.

Globalement, le rôle du régulateur est d’accompagner l’ensemble des mutations auxquelles fait face le secteur, notamment par la mise en place d’un cadre règlementaire favorable.

Ceci est valable aussi bien dans la digitalisation de l’assurance, avec l’introduction dans notre environnement des Fintech ou Assurtech ; la démarche du législateur est cependant empreinte de prudence, pour une bonne compréhension des risques liés à ces innovations et leur meilleure prise en compte en vue de garantir l’équilibre du marché.

Cette démarche prudente a pu expliquer que sur certaines questions, un cadre règlementaire spécifique ait pu prendre du temps pour arriver à maturation ; c’est le cas pour l’assurance électronique, dont le projet de texte devrait être adopté très bientôt, après beaucoup de discussions avec les différentes parties prenantes.
Mais il convient de relever que sur ces aspects, la position du régulateur a toujours été d’accompagner les initiatives ayant précédé le cadre règlementaire et d’évaluer leur mise en œuvre pour pouvoir adapter le dispositif d’encadrement.
 Lejecos Magazine
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