Birahim DIOUF, Directeur général du Dépositaire central/Banque de Règlement : «En tant que Banque de règlement, nous jouons un rôle stratégique dans la sécurisation des transactions »

Lundi 30 Juin 2025

L’année 2024 a confirmé la montée en puissance du Dépositaire central/Banque de règlement (Bc/Br) avec des indicateurs en nette progression. L’annonce est faite par M. Birahim Diouf, Directeur général du Dc/Br de la Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm). Dans un entretien exclusif au « Journal de l’économie sénégalaise » (Lejecos), M. Diouf, révèle que la valorisation totale des titres en conservation a atteint 21768 milliards de FCFA au 31 décembre 2024, enregistrant ainsi une croissance annuelle de 13,73 %. Dans cette interview, il revient sur le rôle de cette structure de la Brvm créée en 1996, qui est le garant de l’intégrité, de la confiance et de l’efficacité du marché financier régional.


Monsieur le Directeur général, en quoi consiste le rôle du Dépositaire central/Banque de règlement dans le marché financier de l’Umoa?

Bonne question... Le Dépositaire central/Banque de règlement (Dc/Br), je précise d’abord qu’il a été créé en 1996 mais est devenu opérationnel à partir de 1998. Il constitue l’une des pierres angulaires du marché financier régional de l’Union monétaire ouest-africaine. Il assure la fluidité et la sécurité des opérations grâce à deux fonctions essentielles : la conservation centralisée des titres dématérialisés, et le règlement des transactions issues des négociations boursières.

Au centre des échanges entre intermédiaires financiers et investisseurs, le Dc/Br garantit le bon déroulement des opérations post-marché. Il codifie les titres selon la norme internationale ISO 6166, centralise les comptes-titres de ses membres, et assure à la fois, le dénouement des opérations de bourse, la compensation, le règlement des soldes et le paiement des intérêts et dividendes.

Aussi, en tant que Banque de règlement, il joue un rôle stratégique dans la sécurisation des transactions. Il administre également les opérations sur titres (transferts, nantissements, pensions livrées, mainlevées), tout en assurant la gestion du Fonds de Garantie du marché. En somme, le Dc/Br est le garant de l’intégrité, de la confiance et de l’efficacité du marché financier régional.
 
Quels sont les chiffres clés du Dc/Br en 2024 ? En termes de paiements de dividendes, d’intérêts et de remboursement du capital pour les investisseurs ?

L’année 2024 a confirmé la montée en puissance du Dc/Br avec des indicateurs en nette progression. La valorisation totale des titres en conservation a atteint 21 768 milliards de FCFA au 31 décembre 2024, enregistrant une croissance annuelle de 13,73 %. Sur la même période, le montant global des revenus distribués aux investisseurs, comprenant dividendes, intérêts et remboursements de capital, s’est élevé à 2 332 milliards de FCFA, soit une hausse notable de 20,94 %.

Cette performance s’accompagne d’un renforcement du nombre d’adhérents. Ainsi on enregistre en 2024, 48 émetteurs d’actions contre 47 en 2023, 36 Sociétés de Gestion et d’Intermédiation (SGI) contre 35, et 12 Banques teneurs de compte/conservateurs (Btcc) contre 10 l’année précédente. En revanche, le nombre d’émetteurs obligataires a légèrement reculé, passant de 45 à 41, traduisant une évolution conjoncturelle du marché de la dette.

Ces chiffres traduisent la confiance accrue des acteurs dans les infrastructures post-marché et le rôle structurant du Dc/Br dans la distribution sécurisée de la valeur aux investisseurs de l’Umoa.
 
A quand un classement des acteurs ou « leagues tables » dans notre zone ?

Le classement des acteurs du marché existe bel et bien dans notre zone, même s’il ne prend pas encore la forme publique ou médiatisée des « leagues tables ».  Les leagues tables je rappelle, ce sont les classement des banques dans différents métiers : fusion-acquisition, placements d'obligations ou d'actions, prêts bancaires, etc . Au Dc/Br, nous réalisons périodiquement des classements internes fondés sur des indicateurs objectifs, tels que la valeur des transactions dénouées, le volume des nouvelles inscriptions, ou encore l’activité de conservation.

Ces données sont partagées chaque année avec les parties prenantes concernées, notamment au moment de la présentation du bilan des activités en fin de période, afin de favoriser la transparence, l’émulation et l’amélioration continue au sein de l’écosystème. Notre ambition est, à terme, de renforcer la diffusion structurée de ces classements, dans une optique de dynamisation du marché et de reconnaissance de la performance des différents acteurs.

Comment le Dc/Br assure-t-il une meilleure sécurité et une transparence du dénouement des transactions et des opérations du marché ?

La sécurité et la transparence du dénouement des transactions sont au cœur des missions du Dc/Br. En tant qu’infrastructure post-marché centrale, nous travaillons en synergie avec deux piliers du système : les Sociétés de gestion et d’intermédiation (Sgi), les Banques teneurs de compte-conservateur (Btcc) qui sont nos adhérents directs, et la Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm), plateforme de négociation.

Avec les Sgi et le Btcc, nous garantissons la fluidité des opérations post marché et de gestion des titres, tout en assurant une traçabilité complète des mouvements. Avec la Brvm, notre rôle consiste à sécuriser l’ensemble du cycle post-marché : de la confirmation des transactions à l’assurance de la bonne fin des transactions.

Notre dispositif repose sur des processus automatisés, des normes internationales et une surveillance quotidienne des flux. Ce cadre rigoureux permet de réduire les risques opérationnels et de renforcer la confiance des investisseurs, qui est essentielle au bon fonctionnement et à l’attractivité du marché financier de l’Umoa.

Dans un contexte spécifique marqué par la faiblesse de la culture boursière, quelles sont les initiatives du Dc/Br pour une promotion et un développement du Marché et de ses outils ?

Le développement de la culture boursière constitue un axe stratégique pour le Dc/Br, qui d’ailleurs, est inscrit dans ses obligations contractuelles et institutionnelles. En tant que concessionnaire d’un service public communautaire, notre action est encadrée par la règlementation du marché financier régional et le cahier des charges de la concession, qui nous impose notamment d'organiser des actions de promotion dans un pays de l’Umoa, ainsi qu’une activité de développement.

Conformément à ces engagements et à notre Plan d’affaires 2021-2025, nous avons multiplié les initiatives ces dernières années pour aller au contact des investisseurs, des émetteurs et des intermédiaires. Parmi les actions majeures figurent la co-organisation de la deuxième édition des « Rendez-vous de l’Apsgi-Umoa » à Abidjan en décembre 2024, qui a réuni plus de 800 participants et 17 exposants autour du thème « Avec la Bourse, investir aujourd’hui pour mieux vivre demain », ainsi que la deuxième étape tenue le 16 avril 2025 à Dakar.

Notre implication s’est également traduite par une forte présence dans les principaux forums de l’Union : la Régional Exchange Conference (Rec) organisée par la Sgi Hudson en septembre 2024, les deux éditions du Forum du patrimoine et de l’investissement (Fpi) avec Cgf Bourse, et la 2e édition du Forum international sur l’investissement boursier (Fiib) à Ouagadougou, en janvier 2025.
Au-delà des acteurs professionnels, nous avons intensifié notre engagement auprès du monde universitaire. En novembre 2024, nous avons animé une conférence à l’Université Soumaré d’Abidjan sur le rôle du Dc/Br dans l’écosystème financier, et en mars dernier, nous avons accueilli une délégation d’étudiants de l’Institut africain de management (Iam) de Dakar pour une immersion institutionnelle à Abidjan.

Ces actions concrètes traduisent notre volonté de contribuer à une meilleure compréhension du marché, à l’élargissement de la base d’investisseurs, et au renforcement de la confiance dans les mécanismes boursiers de l’Umoa.
 
Des sujets majeurs qui découlent de l’évolution technologique et de la digitalisation des activités financières à savoir la Big Data, le Crowdfunding, le BlockChain et le changement climatique, constituent des enjeux pour les acteurs du Marché. Quel pourrait être leur impact sur le fonctionnement et le développement du Dc/Br ?

Les mutations technologiques et les défis liés au développement durable transforment en profondeur l’écosystème financier mondial. Le Dc/Br, en tant qu’infrastructure stratégique du marché régional de l’Umoa, s’inscrit résolument dans cette dynamique d’adaptation et d’innovation.

Nous assistons à l’essor de technologies disruptives telles que la Big Data, le Crowdfunding ou encore la Blockchain, qui redéfinissent les modèles d’intermédiation, de traitement de l’information et de sécurisation des transactions. Ces technologies offrent des opportunités concrètes pour renforcer l’efficacité opérationnelle, améliorer la transparence et favoriser l’inclusion financière. Leur adoption progressive par les acteurs du marché appelle, bien entendu une évolution des métiers et des systèmes, y compris ceux du dépositaire central.

Conscient de ces enjeux, le Dc/Br a fait de la digitalisation un axe prioritaire de son Plan d’Affaires 2021-2025. L’un des projets phares en cours est Digiape, une plateforme numérique innovante destinée à automatiser les opérations d’appel public à l’épargne. Ce dispositif permettra d'élargir l'accès au marché primaire, d'accroître la sécurisation de l’inscription en compte des titres des émetteurs et de réduire les délais de traitement. Il incarne notre volonté de moderniser l’architecture post-marché et de répondre aux exigences de l’économie numérique.

En parallèle, nous suivons de près les applications de la Blockchain dans la traçabilité des titres, les modèles de Crowdfunding réglementés comme leviers de financement des Pme, ainsi que les usages de la Big Data dans l’analyse comportementale des investisseurs et l’optimisation des services.

Enfin, le changement climatique impose à tous les acteurs financiers une nouvelle responsabilité. Le Dc/Br entend jouer son rôle dans l’accompagnement de la finance verte, en facilitant la mobilisation de l’épargne en faveur de projets durables. À terme, nos plateformes digitales pourraient contribuer à l’émission et au suivi d’instruments labellisés durables, comme les obligations vertes ou sociales, renforçant ainsi notre impact positif sur le développement de l’Union et l’adoption des standards des marchés de capitaux.
Lejecos Magazine (Mai 2025)
Actu-Economie


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