Après plusieurs années de fortes tensions sur ses équilibres externes, le Sénégal a vu son déficit courant se réduire de 39,1 % en 2024, passant de 3 683 milliards FCFA en 2023 à 2 244,7 milliards FCFA, soit 11,3 % du PIB, contre près de 20 % un an plus tôt. Ce rééquilibrage partiel reflète principalement l’amélioration du solde commercial, dont le déficit s’est contracté de 26,2 %.
Cette évolution est largement attribuable aux premières exportations de pétrole brut issues du champ de Sangomar, démarrées en juin 2024. Celles-ci ont fortement contribué à la hausse des exportations de biens (+21,3 %), avec des ventes de brut évaluées à 472 milliards de FCFA sur l’année. Ainsi que l’a rappelé François Sène, Directeur National de la BCEAO, « Dans un contexte international encore empreint d’incertitudes économiques et géopolitiques, ces résultats reflètent notamment les premières retombées de la production d’hydrocarbures ainsi que l’allègement progressif des charges liées aux investissements massifs réalisés ces dernières années dans ce secteur. »
Grâce à cette performance, le taux de couverture des importations par les exportations a atteint 63 %, un niveau inédit sur les cinq dernières années. Parallèlement, la facture des importations a été allégée par un effet prix favorable sur les produits alimentaires et énergétiques.
Malgré cette amélioration, la balance commerciale demeure structurellement déficitaire. La forte dépendance du pays aux importations de biens essentiels, notamment alimentaires et énergétiques, continue d’exposer l’économie sénégalaise aux fluctuations des prix internationaux. La baisse des aides budgétaires extérieures et la suspension du programme soutenu par le FMI renforcent, par ailleurs, l’urgence de consolider l’autonomie financière du pays.
Sur le plan macroéconomique, la mise en production du gisement de Sangomar a fortement irrigué l’activité économique. Le secteur secondaire a enregistré une croissance remarquable de 18,7 %, contribuant à porter la progression du PIB réel à 6,1 % en 2024, contre 4,3 % en 2023. Toutefois, cette embellie ne s’est pas traduite par un redressement de la position extérieure globale, qui continue de se dégrader.
La charge financière reste lourde
En dépit de la réduction du déficit courant, l’économie sénégalaise reste largement dépendante des financements extérieurs pour équilibrer sa balance des paiements. Certes, les besoins de financements de l’économie se sont réduits à près de 41% et se situent à 2058 milliards FCFA contre 3517 milliards FCFA en 2023 ; « Cette évolution est le résultat de l’atténuation du compte courant et de la progression du compte de capital ressorti à 186,7 milliards de FCFA soit une hausse de 21 milliards FCFA », souligne Alioune Ndiaye, Conseiller technique du ministre des Finances et du Budget.
L’excédent du compte de revenu secondaire, principalement alimenté par les transferts de fonds des migrants, demeure un amortisseur essentiel. En 2024, ces envois ont atteint 2 139,8 milliards de FCFA, confirmant leur rôle central dans la stabilité externe, tout en restant une source de financement exogène et peu maîtrisable.
Le compte des services, structurellement déficitaire, s’est légèrement amélioré en 2024, en lien avec la baisse des importations de services techniques et de construction associées à la phase d’investissement des projets pétroliers et gaziers. Cette tendance pourrait toutefois s’inverser à moyen terme avec la montée en régime de la phase de production, marquée par des rapatriements accrus de revenus, sous forme de dividendes et d’intérêts.
Dans le même temps, le déficit du compte de revenu primaire s’est creusé pour atteindre 1 096,8 milliards de FCFA, sous l’effet de l’augmentation des intérêts sur la dette extérieure et des dividendes versés dans les secteurs extractifs et manufacturiers. Cette charge financière externe atténue l’impact positif de l’amélioration commerciale sur le compte courant.
Entre opportunité et vigilance
Malgré un besoin de financement extérieur encore élevé, le solde global de la balance des paiements est demeuré excédentaire, à 89 milliards de FCFA, après 120 milliards en 2023. Cet excédent a contribué au renforcement des actifs extérieurs nets de la BCEAO, dans un contexte de mutualisation des réserves de change au sein de l’UEMOA.
Les flux d’Investissements Directs Étrangers (IDE) ont toutefois reculé de manière significative, passant de 2 862,6 milliards de FCFA en 2023 à 1 963,1 milliards en 2024. Cette baisse s’explique principalement par le début du remboursement de la dette contractée pour le projet Sangomar. Bien que des investissements aient été mobilisés dans des secteurs stratégiques tels que les télécommunications, les mines et l’industrie, ce recul des IDE pourrait peser sur la dynamique économique à moyen terme.
Le principal point de vigilance demeure ainsi la Position Extérieure Globale Nette (PEGN), qui s’est dégradée, passant de –20 548,9 milliards de FCFA en 2023 à –22 852,8 milliards en 2024. Cette détérioration résulte d’une hausse des engagements extérieurs (+3 599,8 milliards FCFA) nettement supérieure à celle des avoirs (+1 295,8 milliards FCFA), traduisant une dépendance accrue aux financements extérieurs, notamment sous forme de prêts et d’eurobonds.
Le point d’inflexion
Dans ce contexte, le démarrage des exportations de pétrole brut constitue indéniablement un tournant historique pour l’économie sénégalaise. Le pétrole apparaît comme un levier structurel de rééquilibrage extérieur, à condition que les recettes soient stabilisées et que le pays évite une dépendance excessive aux hydrocarbures.
A condition surtout, que ces évolutions positives qui constituent des signaux encourageants, « s’inscrivent dans une gestion rigoureuse et une stratégie économique claire, accompagnée d’efforts soutenus en matière de diversification des exportations, de renforcement de la compétitivité et de valorisation du potentiel productif national », ainsi que l’a suggéré François Sène, Directeur National de la BCEAO.
L’enjeu central réside désormais dans la capacité du Sénégal à transformer cette manne en un moteur durable de diversification économique, de renforcement du tissu productif local et de réduction progressive de la dépendance extérieure. À défaut, l’amélioration observée en 2024 pourrait rester transitoire et exposer l’économie aux chocs liés à la volatilité des cours internationaux.
En définitive, l’année 2024 marque un point d’inflexion pour les comptes extérieurs du Sénégal. Sans une inflexion claire de la trajectoire d’endettement, une meilleure mobilisation des ressources internes et une diversification accrue des sources de devises, cette amélioration restera fragile. La trajectoire future dépendra étroitement de la gestion de la rente pétrolière, du contrôle de l’endettement extérieur et de la capacité à élargir la base exportatrice au-delà des ressources naturelles.
Malick NDAW
Cette évolution est largement attribuable aux premières exportations de pétrole brut issues du champ de Sangomar, démarrées en juin 2024. Celles-ci ont fortement contribué à la hausse des exportations de biens (+21,3 %), avec des ventes de brut évaluées à 472 milliards de FCFA sur l’année. Ainsi que l’a rappelé François Sène, Directeur National de la BCEAO, « Dans un contexte international encore empreint d’incertitudes économiques et géopolitiques, ces résultats reflètent notamment les premières retombées de la production d’hydrocarbures ainsi que l’allègement progressif des charges liées aux investissements massifs réalisés ces dernières années dans ce secteur. »
Grâce à cette performance, le taux de couverture des importations par les exportations a atteint 63 %, un niveau inédit sur les cinq dernières années. Parallèlement, la facture des importations a été allégée par un effet prix favorable sur les produits alimentaires et énergétiques.
Malgré cette amélioration, la balance commerciale demeure structurellement déficitaire. La forte dépendance du pays aux importations de biens essentiels, notamment alimentaires et énergétiques, continue d’exposer l’économie sénégalaise aux fluctuations des prix internationaux. La baisse des aides budgétaires extérieures et la suspension du programme soutenu par le FMI renforcent, par ailleurs, l’urgence de consolider l’autonomie financière du pays.
Sur le plan macroéconomique, la mise en production du gisement de Sangomar a fortement irrigué l’activité économique. Le secteur secondaire a enregistré une croissance remarquable de 18,7 %, contribuant à porter la progression du PIB réel à 6,1 % en 2024, contre 4,3 % en 2023. Toutefois, cette embellie ne s’est pas traduite par un redressement de la position extérieure globale, qui continue de se dégrader.
La charge financière reste lourde
En dépit de la réduction du déficit courant, l’économie sénégalaise reste largement dépendante des financements extérieurs pour équilibrer sa balance des paiements. Certes, les besoins de financements de l’économie se sont réduits à près de 41% et se situent à 2058 milliards FCFA contre 3517 milliards FCFA en 2023 ; « Cette évolution est le résultat de l’atténuation du compte courant et de la progression du compte de capital ressorti à 186,7 milliards de FCFA soit une hausse de 21 milliards FCFA », souligne Alioune Ndiaye, Conseiller technique du ministre des Finances et du Budget.
L’excédent du compte de revenu secondaire, principalement alimenté par les transferts de fonds des migrants, demeure un amortisseur essentiel. En 2024, ces envois ont atteint 2 139,8 milliards de FCFA, confirmant leur rôle central dans la stabilité externe, tout en restant une source de financement exogène et peu maîtrisable.
Le compte des services, structurellement déficitaire, s’est légèrement amélioré en 2024, en lien avec la baisse des importations de services techniques et de construction associées à la phase d’investissement des projets pétroliers et gaziers. Cette tendance pourrait toutefois s’inverser à moyen terme avec la montée en régime de la phase de production, marquée par des rapatriements accrus de revenus, sous forme de dividendes et d’intérêts.
Dans le même temps, le déficit du compte de revenu primaire s’est creusé pour atteindre 1 096,8 milliards de FCFA, sous l’effet de l’augmentation des intérêts sur la dette extérieure et des dividendes versés dans les secteurs extractifs et manufacturiers. Cette charge financière externe atténue l’impact positif de l’amélioration commerciale sur le compte courant.
Entre opportunité et vigilance
Malgré un besoin de financement extérieur encore élevé, le solde global de la balance des paiements est demeuré excédentaire, à 89 milliards de FCFA, après 120 milliards en 2023. Cet excédent a contribué au renforcement des actifs extérieurs nets de la BCEAO, dans un contexte de mutualisation des réserves de change au sein de l’UEMOA.
Les flux d’Investissements Directs Étrangers (IDE) ont toutefois reculé de manière significative, passant de 2 862,6 milliards de FCFA en 2023 à 1 963,1 milliards en 2024. Cette baisse s’explique principalement par le début du remboursement de la dette contractée pour le projet Sangomar. Bien que des investissements aient été mobilisés dans des secteurs stratégiques tels que les télécommunications, les mines et l’industrie, ce recul des IDE pourrait peser sur la dynamique économique à moyen terme.
Le principal point de vigilance demeure ainsi la Position Extérieure Globale Nette (PEGN), qui s’est dégradée, passant de –20 548,9 milliards de FCFA en 2023 à –22 852,8 milliards en 2024. Cette détérioration résulte d’une hausse des engagements extérieurs (+3 599,8 milliards FCFA) nettement supérieure à celle des avoirs (+1 295,8 milliards FCFA), traduisant une dépendance accrue aux financements extérieurs, notamment sous forme de prêts et d’eurobonds.
Le point d’inflexion
Dans ce contexte, le démarrage des exportations de pétrole brut constitue indéniablement un tournant historique pour l’économie sénégalaise. Le pétrole apparaît comme un levier structurel de rééquilibrage extérieur, à condition que les recettes soient stabilisées et que le pays évite une dépendance excessive aux hydrocarbures.
A condition surtout, que ces évolutions positives qui constituent des signaux encourageants, « s’inscrivent dans une gestion rigoureuse et une stratégie économique claire, accompagnée d’efforts soutenus en matière de diversification des exportations, de renforcement de la compétitivité et de valorisation du potentiel productif national », ainsi que l’a suggéré François Sène, Directeur National de la BCEAO.
L’enjeu central réside désormais dans la capacité du Sénégal à transformer cette manne en un moteur durable de diversification économique, de renforcement du tissu productif local et de réduction progressive de la dépendance extérieure. À défaut, l’amélioration observée en 2024 pourrait rester transitoire et exposer l’économie aux chocs liés à la volatilité des cours internationaux.
En définitive, l’année 2024 marque un point d’inflexion pour les comptes extérieurs du Sénégal. Sans une inflexion claire de la trajectoire d’endettement, une meilleure mobilisation des ressources internes et une diversification accrue des sources de devises, cette amélioration restera fragile. La trajectoire future dépendra étroitement de la gestion de la rente pétrolière, du contrôle de l’endettement extérieur et de la capacité à élargir la base exportatrice au-delà des ressources naturelles.
Malick NDAW


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