SENEGAL : Le Naufrage Social et la Reconquête Sociale

Vendredi 22 Mars 2019

Après une élection présidentielle 2019 très disputée, il convient de réfléchir plus sereinement à ce qui préoccupe les Africains notamment les Sénégalais à savoir le Naufrage Social et son remède qu’est la Reconquête Sociale.


Vendredi 17h, assis dans ma voiture, j’attends patiemment un ami qui doit m’accompagner à un rendez-vous. Tout d’un coup je sens une présence humaine très proche de moi, je soulève la tête et vois une jeune étudiante (elle portait le badge de son école) qui avait environ vingt ans qui me salue poliment et me demande un peu d’argent pour manger à sa faim. Son visage exprimait le Naufrage Social qui  peut être  défini comme la perte absolue de la maitrise de son présent et de son devenir en tant que simple être humain.
Le Sénégal occupait en 2015 la 162e place (sur 188 pays) dans le classement de l’indice de développement humain (IDH). Un taux de pauvreté de 47% était déclaré en 2011, notre ressenti actuel dépasse le taux de 50% en 2019.
L’éclatement de la base sociale que représente la famille est patent « le repas familial » est devenu invisible sinon rare. La grande majorité du sénégalais vit dans l’angoisse de:
  • ne pas se faire exclure de son toit (non-paiement location),
  • ne pouvoir payer une facture échue (Eau, Electricité, santé, école, …)
  • ne pas simplement manger à sa faim.
Il convient de constater que depuis 1960 et en dehors de la  période faste de 1960 à 1972, les sénégalais sont de plus en plus minés par le naufrage social.
Notons un plongeon depuis l’indépendance  avec les repères suivants :
  • 1960/1972 : les belles années au début des indépendances ;
  • 1973 : première sécheresse et première Récession (1er choc pétrolier) ;
  • 1979 : deuxième choc pétrolier qui confirme la lourde tendance au naufrage social avec les premiers maitrisards /chômeurs (A noter juste 19ans après les indépendances ou la période Senghor et apparition PDS (1978) ;
  • 1980/1999 : Période Diouf et de l’ajustement structurel qui consacre l’abandon relatif par l’Etat de deux secteurs clés de la Nation c’est-à-dire l’éducation et la santé ;
  • 2000/2019 : une époque libérale (Wade/Macky) qui se singularise par des infrastructures mais aussi une accélération du délitement social. A tel point qu’on peut se demander quel contrat social lie les sénégalais aujourd’hui. Quels sont les causes de ce naufrage social, au-delà des aspects économiques.
Notons le délitement du système éducatif et du système de santé publique
Depuis les années 1980, l’ajustement structurel, « Du mercurochrome pour toutes les maladies », demandé par les bailleurs internationaux a fini par vider nos Etats de toute vitalité entrainant nos populations dans l’ignorance et la misère la plus abjecte.
Le taux de scolarisation était en 2017, de 84% au primaire, 45% au secondaire et 11% au supérieur.
Il faut dire que la corruption organisée par certaines élites occidentales et africaines avaient vite vidé les caisses de nos Etats qui ne pouvant même plus payer ses fonctionnaires, étaient à la merci des prédateurs affutés.
 
 
Notons l’absence d’une démocratie endogène
Si nous acceptons de juger toute chose par ce qu’elle produit, la démocratie importée de la Baule suivant l’appel du 20 juin 1990 de François Mitterrand, chef de l’état français doit être remise en cause car pour le moment sa plus puissante production est d’attiser la Haine entre les communautés qui ont le partage d’un même Etat (Mali, Guinée, RCI pour ne citer que les plus proches de nous)
L’Afrique doit faire renaitre et moderniser son propre système démocratique qui existe depuis l’Egypte pharaonique et les empires précoloniaux.
Notons l’absence de civisme
L’incivisme, qui est le non-respect des règles de la vie en communauté est devenu notre compagnon quotidien entrainant une intolérance qui frise la violence.
La méconnaissance de notre culture liée à celle de notre histoire fait que l’homme sénégalais (Africain) ne sait même pas « traverser une route ». A chacun son « code de la route »… d’où l’anarchie que l’on partage tous les jours sans oublier la non codification de nos cérémonies (mariage, baptême, décès, …). Europe, Amérique, Asie, Océanie ont gardé et sauvegardé leur culture. Ici on confond beaucoup culture et religion….
Aujourd’hui il est rare de passer une journée sans entendre l’appel au secours d’un proche via le téléphone portable ou les réseaux sociaux.
L’anarchie et la corruption gangrènent notre société et empêchent tout développement économique. Cependant ces deux notions ne sont pas en elles-mêmes des causes mais des conséquences de l’absence de sanction et la culture du MASLA (consiste à ne pas sanctionner pour garder la cohésion sociale) .
 
 
 
 
Notons la méconnaissance de l’histoire 
Quel est le pourcentage de sénégalais et africains qui connaissent notre propre histoire depuis l’Egypte ancienne en passant par l’empire du GHANA/Aoudaghost, puis le Mali, le Djolof et ses lamanats qu’était le Cayor, le Baol, le Sine, le Saloum etc… avant que le Cayor ne se rebelle en 1549 contre le Djolof et favorisant l’apparition de multiples petits royaumes alors que tout le monde vivait ensemble au WALAF (Actuel région du Fleuve) avant.
 
A partir de cette revue sommaire des causes profondes du ‘naufrage social’, quels seraient les leviers de la nécessaire reconquête sociale ?
Malgré l’immensité de la tâche, nous espérons à juste titre nous relever car la reconquête sociale est sous nos pieds.
Nous le disons, le Sénégal d’aujourd’hui est en crise. Cependant là où il y a des hommes,  vivre dans un cadre social favorable à l’émancipation est bien possible si nous puisons dans notre patrimoine culturel commun.
 
La Reconquête Sociale
Les petits et grands projets économiques sont certes nécessaires mais il faudra d’abord s’accorder sur des notions et des principes simples qui sont le socle de notre volonté de bien vivre ensemble :
  • La ponctualité : l’organisation d’un groupe d’hommes et de femmes ne peut se faire sans ce principe simple. Et pour autant, il est piétiné sous nos cieux à tel point que lorsqu’on va à leur baptême on ne sait pas à quelle heure (9h, 10h, 11h, 12h, 13h) va-t-on donner le nom du bébé afin que les gens puissent vaquer aux autres occupations notamment le TRAVAIL.
  • La sanction positive ou négative qui récompense ou réprimande une bonne ou une mauvaise action de manière proportionnelle.
A ce propos il serait bon de réfléchir de l’utilité de garder le MASLA comme une valeur de notre société et surtout de promouvoir les valeurs consensuelles comme :
  • Le JOMM (sens du devoir et de la dignité)
  • Le JOMBE (la responsabilité individuelle qui refuse tout ce qui est mauvais)
  • Le FUULA (avoir confiance en son propre jugement versus les influences externes)
  • Le FAYDA (qui consiste de ne choisir que ce qui est bien en toute chose)
 
De manière pratique, le volontariat allié à la professionnalisation des jeunes permettront de refonder la nation à la base. Les nations développées ont fait du volontariat un pilier du développement humain. Chez nous en dehors de quelques épisodes de « set settal » très éphémères, nous ne développons pas ce concept.
Le Sénégal (Siin-ghana) et ses populations sont les héritiers de l’empire du Ghana/Wagadou (-3eme au 13eme siècle), puis du Mali à un moment ou la quasi-totalité de sa population vivait dans la région du fleuve appelée WA LAF à l’époque. Diolas, Sérères, Soninkés, Toucouleurs, Wolofs, sont tous cousins depuis cette époque et ont émigré pour habiter les autres régions du pays suite à l’éclatement de l’empire du Ghana au 13eme siècle, correspondant aussi à l’avènement de Ndiadiane Ndiaye qui bien qu’étant l’ancêtre mythique des wolofs porte un nom sérère donné dit-on par le roi sérère Maissa Waly Dionne (qui lui-même est un Mané). Cela suffit pour comprendre que nos populations ont une parenté commune incontestable. Tout cela doit s’intégrer dans le programme de l’éducation nationale qui doit prendre en charge notre histoire et nos langues (au moins à l’école primaire pour les langues) afin de produire des citoyens aptes à relever les défis du 21eme siècle et du futur.
L’association  Faj Aajo que je dirige a fait des propositions faciles à mettre en œuvre  en actionnant 3 leviers :
 
 
  1. " FAJ AJO : Valeurs africaines et culture"
Dans un continent africain déstructuré au sein d’un environnement mondialisé par  le net, nos jeunes (mais aussi nos adultes) ont besoin de revisiter une histoire africaine écrite par ses vaillants fils pour se revigorer et affronter les défis du présent et du futur où l’échange avec les autres continents sera un aspect fondamental de notre devenir.
Nous souhaitons construire avant tout bien matériel, un individu africain confiant, serein, imbibé de sa culture qui pourra s’ouvrir aux autres continents avec ses propres valeurs dans un vaste système d’échange que nous souhaitons équitable.
"FAJ AJO" insistera sur les valeurs d’intégrité, de discipline, de travail, d’équité, de créativité et de solidarité pour créer une dynamique de développement au service de l’homme.
La méthode passera par 3 axes :
  • Revisiter l’histoire positive de l’Afrique (Egypte, Ghana, Mali…)
  • Vivre la culture africaine à travers les contes et le théâtre
  • Promouvoir Le sport grâce à l’encadrement d’un éducateur
 
  1. " FAJ AJO : Ecoles des métiers"
Le constat général est que le sous-développement et le chômage sont très liés à la non formation à un métier des populations et notamment des jeunes.
Le manque criard de mécaniciens, plombiers, électriciens, etc, s’explique par le fait que ses métiers étaient mal vus et par conséquent aucun effort n’a été fait pour motiver les populations à s’y former. C’est une grosse erreur car ce sont ces métiers qui permettent l’employabilité d’une grande partie de la population active. Ces métiers permettent donc de résorber le chômage et d’assurer un travail de qualité si la formation précède.
"FAJ AJO" fait donc le pari de réhabiliter les métiers au sein des quartiers.
La méthode :
  • Nous sélectionnerons des ateliers fonctionnels basés dans un quartier donné  avec lesquels nous signerons des accords-cadres pour l’apprentissage des jeunes du quartier et des environs.
  • Nous irons vers les familles du quartier pour leur expliquer la démarche qui consiste à inscrire des jeunes dans les ateliers de métiers du quartier pour un apprentissage pendant l’année scolaire et/ou pendant les vacances, avec pour chaque période un format adapté.
  • Des possibilités de se faire accompagner par les chambres des métiers, le génie militaire, FFFPT, des associations, existent.
 
  1. " FAJ AJO : Aide à l’entreprenariat"
La démarche participative de" FAJ AJO"  vers les sociétés bénéficiaires aura comme cellule de base le Quartier :
Le quartier est le lieu de vie et de socialisation des familles. Notre conviction est que pour redonner force à la cellule familiale, il faut y créer une unité de production (PME/PMI/TPE) qui permettra d’offrir des opportunités d’emplois aux membres de la famille qui sont dans le besoin.
Cette unité appartiendra à un des parents ou à un des enfants ou membres vivant dans l’espace familial. Il peut aussi appartenir à plusieurs membres.
L’essentiel tient à la compétence et au sérieux du gérant à qui le prêt sera accordé.
Nous avons une approche genre car les filles et les femmes se sont montrées les plus aptes à sauvegarder la sécurité alimentaire et sociale des familles, surtout en temps de crise : chaque fois que nous financerons un homme, deux femmes seront financées, c’est une discrimination positive.
Nous n’avons pas ici évoqué les aspects économiques à dessein car je considère qu’ils sont rapidement accessibles et bénéfiques à partir du moment où un contrat social rédigé sur des bases claires gagne l’adhésion des individus qui composent la nation.
Mais une seconde partie sera largement consacrée aux aspects matériels notamment au développement économique.
RP221.COM Amadou DIAGNE Economiste Diplômée ESSEC-Paris 1988
Président de l’association Faj Aajo « D
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