« Je pars, mais je laisse une Banque forte, solide, respectée et tournée vers l’avenir », avait déclaré Dr. Akinwumi Adesina, il y a trois jours, dans son discours d’adieu à Abidjan, à l’ouverture, le 29 mai dernier, des 60èmes Assemblées annuelles de la Banque Africaine de Développement (BAD).
L’avenir, c’est désormais Sidi Ould Tah, 9ème président de la Banque Africaine de développement (BAD) dont il prendra les rennes en septembre prochain. Une nouvelle fonction qui aura valeur de test dans un contexte plutôt chahuté, marqué d’abord par l'annonce par Donald Trump, de la suppression des financements américains accordés à la FAD, le guichet concessionnel de la BAD. Celui-ci serait amputé d’une contribution de 555 millions de dollars (près de 400 milliards de Fcfa), ce qui aurait des conséquences significatives pour les pays africains les plus vulnérables. Le FAD qui fournit des prêts à taux très préférentiels et des subventions à 37 des pays les plus pauvres d'Afrique, verrait ainsi ses capacités de financement diminuer, compromettant des projets essentiels dans les domaines de l'infrastructure, de la santé, de l'éducation et de la résilience climatique. Ce d’autant plus que le retrait des États-Unis pourrait faire tâche d’huile sur d'autres bailleurs de fonds à réduire également leurs contributions, affaiblissant davantage la capacité du FAD à soutenir les pays africains.
La désignation de Sidi Ould Tah reflète un compromis entre différentes puissances africaines (Afrique de l’Ouest, Afrique du Nord, Afrique centrale) et entre les partenaires internationaux (Europe, pays arabes, Asie). Aussi, l’équipe Ould Tah aura-t-elle à cœur de tester plusieurs stratégies visant à attirer des contributions d'autres partenaires internationaux, tels que la Chine, l'Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis ; augmenter des contributions des pays africains membres de la BAD pour compenser le déficit ; renforcer l’intégration économique de l’Afrique et mobiliser ses propres ressources pour assurer un développement durable.
A ce défi majeur, s’ajoute la nécessité de préserver la crédibilité financière de l’institution que lui confère sa notation AAA, dans un contexte d’endettement africain et mondial croissant ; de hausse des taux d’intérêt, et de pression sur les flux d’investissements, tout en maintenant la confiance des marchés et mobilisant davantage de ressources.
Triple urgence
L’équipe Ould Tah devra se retrousser les manches pour améliorer la productivité agricole, renforcer les chaînes de valeur, et développer les capacités locales de transformation afin de nourrir les 282 millions d’Africains qui souffrent d’insécurité alimentaire (source : FAO, 2023), dans une Afrique qui importe environ 35 milliards de dollars de denrées alimentaires, chaque année, alors qu’elle dispose de 60 % des terres arables non exploitées de la planète ; et à cause de l’insuffisance des infrastructures et de la conservation, les pertes post-récolte représentent jusqu’à 30 % de la production agricole.
Sous la direction de Sidi Ould Tah, la Bad devra intégrer les questions climatiques dans les politiques agricoles et sociales, et mobiliser des financements verts, étant donné le coût de l’adaptation climatique en Afrique, estimé à 50 milliards USD/an d’ici à 2050.Conformément au thème central des 60èmes Assemblées annuelles de la Bad, pour « tirer le meilleur parti du capital de l’Afrique pour favoriser son développement », il faudra à l’équipe Tah investir dans l’éducation de base, les soins de santé primaires et les filets sociaux pour bâtir un capital humain solide. Sur plus de 244 millions d’enfants non scolarisés, plus du tiers sont en Afrique (UNESCO, 2023). En Afrique subsaharienne, 1 enfant sur 13 meurt avant l’âge de 5 ans (contre 1 sur 199 en Europe) et moins de 10 % de la population africaine a accès à une couverture santé de base.
La tâche est d’autant plus ardue que le financement externe représente encore plus de 50 % des budgets de développement dans plusieurs pays africains. Or, les besoins en financement du développement de l’Afrique sont estimés à 400 milliards USD par an. Dans ces conditions, le secteur privé ne représente que 10 à 15 % du financement de l’agriculture, malgré son rôle clé. Ces chiffres ne sont pas une fatalité et l’enjeu pour l’équipe Ould Tah, sera non seulement de diversifier les sources de financement, mais aussi de renforcer la coordination avec les États, les banques régionales et le secteur privé. Sous son premier mandat (2025-2030), les perspectives pour la BAD se déclinent tout de même en opportunités, avec une nouvelle dynamique de coopération Sud-Sud, en particulier avec les pays arabes, la Chine, l’Inde ; une Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), catalyseur d’investissements régionaux ; une croissance démographique et urbanisation rapide, moteur de demande en infrastructures, énergie et services.
En définitive, Sidi Ould Tah arrive à la BAD à un moment où l’Afrique doit faire face à une triple urgence : nourrir sa population, préparer sa jeunesse à un avenir digne, et renforcer sa résilience face aux chocs mondiaux. Son élection représente tout de même une opportunité de recentrage stratégique, de restauration de la discipline financière et de modernisation de l’outil BAD. Il devra cependant faire preuve d’agilité et d’innovation pour renforcer le rôle de la BAD dans une Afrique à la fois plus ambitieuse et plus vulnérable. Des problématiques qui ont inspiré sa feuille de route qui repose sur quatre piliers : Impact ; Inclusion ; Intégration ; Innovation.
Malick NDAW, Envoyé spécial à Abidjan
L’avenir, c’est désormais Sidi Ould Tah, 9ème président de la Banque Africaine de développement (BAD) dont il prendra les rennes en septembre prochain. Une nouvelle fonction qui aura valeur de test dans un contexte plutôt chahuté, marqué d’abord par l'annonce par Donald Trump, de la suppression des financements américains accordés à la FAD, le guichet concessionnel de la BAD. Celui-ci serait amputé d’une contribution de 555 millions de dollars (près de 400 milliards de Fcfa), ce qui aurait des conséquences significatives pour les pays africains les plus vulnérables. Le FAD qui fournit des prêts à taux très préférentiels et des subventions à 37 des pays les plus pauvres d'Afrique, verrait ainsi ses capacités de financement diminuer, compromettant des projets essentiels dans les domaines de l'infrastructure, de la santé, de l'éducation et de la résilience climatique. Ce d’autant plus que le retrait des États-Unis pourrait faire tâche d’huile sur d'autres bailleurs de fonds à réduire également leurs contributions, affaiblissant davantage la capacité du FAD à soutenir les pays africains.
La désignation de Sidi Ould Tah reflète un compromis entre différentes puissances africaines (Afrique de l’Ouest, Afrique du Nord, Afrique centrale) et entre les partenaires internationaux (Europe, pays arabes, Asie). Aussi, l’équipe Ould Tah aura-t-elle à cœur de tester plusieurs stratégies visant à attirer des contributions d'autres partenaires internationaux, tels que la Chine, l'Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis ; augmenter des contributions des pays africains membres de la BAD pour compenser le déficit ; renforcer l’intégration économique de l’Afrique et mobiliser ses propres ressources pour assurer un développement durable.
A ce défi majeur, s’ajoute la nécessité de préserver la crédibilité financière de l’institution que lui confère sa notation AAA, dans un contexte d’endettement africain et mondial croissant ; de hausse des taux d’intérêt, et de pression sur les flux d’investissements, tout en maintenant la confiance des marchés et mobilisant davantage de ressources.
Triple urgence
L’équipe Ould Tah devra se retrousser les manches pour améliorer la productivité agricole, renforcer les chaînes de valeur, et développer les capacités locales de transformation afin de nourrir les 282 millions d’Africains qui souffrent d’insécurité alimentaire (source : FAO, 2023), dans une Afrique qui importe environ 35 milliards de dollars de denrées alimentaires, chaque année, alors qu’elle dispose de 60 % des terres arables non exploitées de la planète ; et à cause de l’insuffisance des infrastructures et de la conservation, les pertes post-récolte représentent jusqu’à 30 % de la production agricole.
Sous la direction de Sidi Ould Tah, la Bad devra intégrer les questions climatiques dans les politiques agricoles et sociales, et mobiliser des financements verts, étant donné le coût de l’adaptation climatique en Afrique, estimé à 50 milliards USD/an d’ici à 2050.Conformément au thème central des 60èmes Assemblées annuelles de la Bad, pour « tirer le meilleur parti du capital de l’Afrique pour favoriser son développement », il faudra à l’équipe Tah investir dans l’éducation de base, les soins de santé primaires et les filets sociaux pour bâtir un capital humain solide. Sur plus de 244 millions d’enfants non scolarisés, plus du tiers sont en Afrique (UNESCO, 2023). En Afrique subsaharienne, 1 enfant sur 13 meurt avant l’âge de 5 ans (contre 1 sur 199 en Europe) et moins de 10 % de la population africaine a accès à une couverture santé de base.
La tâche est d’autant plus ardue que le financement externe représente encore plus de 50 % des budgets de développement dans plusieurs pays africains. Or, les besoins en financement du développement de l’Afrique sont estimés à 400 milliards USD par an. Dans ces conditions, le secteur privé ne représente que 10 à 15 % du financement de l’agriculture, malgré son rôle clé. Ces chiffres ne sont pas une fatalité et l’enjeu pour l’équipe Ould Tah, sera non seulement de diversifier les sources de financement, mais aussi de renforcer la coordination avec les États, les banques régionales et le secteur privé. Sous son premier mandat (2025-2030), les perspectives pour la BAD se déclinent tout de même en opportunités, avec une nouvelle dynamique de coopération Sud-Sud, en particulier avec les pays arabes, la Chine, l’Inde ; une Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), catalyseur d’investissements régionaux ; une croissance démographique et urbanisation rapide, moteur de demande en infrastructures, énergie et services.
En définitive, Sidi Ould Tah arrive à la BAD à un moment où l’Afrique doit faire face à une triple urgence : nourrir sa population, préparer sa jeunesse à un avenir digne, et renforcer sa résilience face aux chocs mondiaux. Son élection représente tout de même une opportunité de recentrage stratégique, de restauration de la discipline financière et de modernisation de l’outil BAD. Il devra cependant faire preuve d’agilité et d’innovation pour renforcer le rôle de la BAD dans une Afrique à la fois plus ambitieuse et plus vulnérable. Des problématiques qui ont inspiré sa feuille de route qui repose sur quatre piliers : Impact ; Inclusion ; Intégration ; Innovation.
Malick NDAW, Envoyé spécial à Abidjan