Au cœur des grands enjeux de gouvernance, le foncier reste l’un des secteurs administratifs les plus complexes et les plus conflictuels du pays, marqué par la lourdeur des démarches, la fragmentation des responsabilités et une forte dépendance aux dossiers papier. Cette situation alimente les doubles attributions, les contentieux judiciaires et une méfiance persistante des citoyens à l’égard des procédures. La dématérialisation apparaît ainsi comme un levier de réforme majeur.
Depuis plusieurs années, plusieurs initiatives sont en cours au niveau de la DGID dans le cadre du Projet de modernisation de la gestion foncière visant à améliorer la qualité de la gouvernance foncière, à travers l’intégration progressive d’outils numériques pour le traitement des dossiers fonciers et l’interconnexion avec les systèmes cadastraux.
Des outils qui, selon Serigne Moussa Diop, Inspecteur Principal des Impôts et Domaines, « nous permettrons de mieux conduire la gouvernance foncière à travers la sécurisation de sa gestion ».
L’infrastructure silencieuse
Dans son rôle de modérateur, M. Diop, soulignant le principe fondamental qu’« Il ne peut y avoir de transformation durable sans sécurisation du modèle foncier », introduisait ainsi, le mardi 23 décembre 2025, un panel de haut niveau consacré à la « Dématérialisation des procédures foncières » et animé par la Direction générale des Impôts et Domaines (DGID), en marge de la 33ᵉ édition de la Foire internationale de Dakar (FIDAK).
L’exercice a tourné autour de trois thématiques dont l’important Projet Cadastre et Sécurisation Foncière (PROCASEF), lancé en 2021, financé par la Banque mondiale à hauteur d’environ 80 millions de dollars (44,5 milliards FCFA) et aujourd’hui en phase de finalisation. D’autant plus important que ce projet logé au sein du cabinet du Ministre des Finances et du Budget, œuvre à la cartographie des parcelles et à la constitution de bases de données foncières fiables, préalables indispensables à toute digitalisation efficace.
Ousseynou Niang, responsable des bases de données et des systèmes d'information du Procasef, souligne que « Le projet vient appuyer les collectivités territoriales vers une digitalisation intégrale des procédures foncières et dans ce sens, l’ambition c’est d’interconnecter le niveau central qu’est la DGID et le niveau territorial. »
Concrètement, aujourd’hui le Procasef intervient dans 136 communes réparties dans les 14 régions du Sénégal. Sa composante essentielle est relative à la mise en place de l’infrastructure de données géospatiales dont le référentiel de données est le premier élément. « Si nous voulons partager des données entre acteurs, il faut que nous travaillions sur le même référentiel et ainsi assoir l’interopérabilité, et pour moderniser l’infrastructure géospatiale, nous pensons qu’il faut passer par le référentiel géodesique, qui est un système de coordonnées cartographique permettant d'exprimer les positions au voisinage de la Terre », explique le technicien.
La nécessaire articulation
Autre instrument au service de la réforme mis en place par la DGID, le projet structurant du Système de gestion foncière (SGF), une plateforme intégrée de gestion administrative de gestion du foncier, utilisé par l’administration sénégalaise (DGID, services des domaines, parfois communes pilotes) pour enregistrer, suivre et sécuriser les opérations foncières. À ce titre, il marque une rupture avec les registres papier, souvent incomplets, difficiles à consulter et vulnérables aux pertes ou aux manipulations.
C’est un prérequis à la dématérialisation, un levier de transparence potentielle. Le SGF est souvent présenté comme un outil de dématérialisation, mais en réalité, c’est la colonne vertébrale technique de la dématérialisation.
Dans sa présentation, Tidiane Badji, Coordonnateur du Programme de Modernisation de la Gestion Foncière (PROMOGEF), explique que « Le SGF va permettre, entre autres, la mise à disposition d’une base de données fiables et régulièrement mise à jour. »
C’est aussi là que le SGF croise des projets comme le Procasef, chargé de produire des données foncières fiables sur le terrain. Le raisonnement est simple : le Procasef identifie et cartographie, le SGF conserve et gère dans le temps.
Pour l’administration, l’enjeu est clair : mieux organiser l’information foncière, améliorer la traçabilité des actes et limiter les doubles attributions. Pour les usagers, l’espoir est celui d’une procédure plus lisible et moins arbitraire. Objectifs spécifiques : « Sécurisations des transactions, célérité, fiabilité traçabilité dans le traitement des dossiers », ajoute M. Badji.
Au passage, il a rappelé que le SGF est une acquisition financée par la coopération allemande à hauteur de 25 millions d’Euros (un peu plus de 16 milliards FCFA).
L’expertise sénégalaise
C’est au mois de décembre 2023 que le marché du SGF a été attribué à ModelSis, une société de droit sénégalais de conseils et d’ingénierie informatique spécialisée dans la modélisation de procédures, pour une mise en œuvre devant durer dix-huit (18) mois de développement et trois (3) années de support et maintenance.
L’innovation majeure dudit projet dont la mise en œuvre est placée sous la supervision du Coordonnateur du PROMOGEF (Programme de Modernisation de la Gestion Foncière), consiste, selon le représentant de ModelIsis au panel, en un co-développement du système avec la Direction informatique de la DGID et une gouvernance inclusive du projet qui implique les agents opérationnels qui sont répartis en cinq groupes de travail à savoir, le Cadastre, les Domaines, la Conservation foncière, le Conduite du changement et les aspects techniques.
Pour sa part, le Directeur du Cadastre, par ailleurs Commissaire du Gouvernement auprès de l’Ordre des Géomètres Experts du Sénégal, François Ndiaye, a insisté sur le rôle stratégique du cadastre dans la réforme foncière. Selon lui, « La dématérialisation constitue un levier essentiel pour réduire les conflits fonciers, améliorer la traçabilité des titres et restaurer la confiance entre l'administration et les usagers », a-t-il déclaré.
Techniquement, le SGF en gestation va embarquer différents modules parmi lesquels une solution de Gestion électronique de documents (GED), un mécanisme de signature électronique, un module de gestion des flux (workflows), un portail ouvert au grand public et aux professionnels, et un système d’information géographique (SIG) pour la partie cadastrale.
À travers ce panel, la DGID a souhaité mettre en lumière les efforts engagés par l’administration pour moderniser les procédures, améliorer la traçabilité des décisions et renforcer la sécurité juridique des droits fonciers.
Il en ressort que la dématérialisation des procédures foncières représente ainsi le test de vérité de la gouvernance foncière au Sénégal.
Il n’est pas inutile de rappeler que le Sénégal fait partie des champions de l’administration en ligne sur le continent, selon les Nations unies. Son rapport « E-Government Survey 2024: Accelerating Digital Transformation for Sustainable Development » indique que le pays affichait en 2024 un score de 0,5142 sur 1 à l’indice mondial de l’administration en (EGDI). Bien qu’il soit en dessous de la moyenne mondiale (0,6382), il est au-dessus de la moyenne continentale qui s’était établie à 0,4247.
Malick NDAW
Depuis plusieurs années, plusieurs initiatives sont en cours au niveau de la DGID dans le cadre du Projet de modernisation de la gestion foncière visant à améliorer la qualité de la gouvernance foncière, à travers l’intégration progressive d’outils numériques pour le traitement des dossiers fonciers et l’interconnexion avec les systèmes cadastraux.
Des outils qui, selon Serigne Moussa Diop, Inspecteur Principal des Impôts et Domaines, « nous permettrons de mieux conduire la gouvernance foncière à travers la sécurisation de sa gestion ».
L’infrastructure silencieuse
Dans son rôle de modérateur, M. Diop, soulignant le principe fondamental qu’« Il ne peut y avoir de transformation durable sans sécurisation du modèle foncier », introduisait ainsi, le mardi 23 décembre 2025, un panel de haut niveau consacré à la « Dématérialisation des procédures foncières » et animé par la Direction générale des Impôts et Domaines (DGID), en marge de la 33ᵉ édition de la Foire internationale de Dakar (FIDAK).
L’exercice a tourné autour de trois thématiques dont l’important Projet Cadastre et Sécurisation Foncière (PROCASEF), lancé en 2021, financé par la Banque mondiale à hauteur d’environ 80 millions de dollars (44,5 milliards FCFA) et aujourd’hui en phase de finalisation. D’autant plus important que ce projet logé au sein du cabinet du Ministre des Finances et du Budget, œuvre à la cartographie des parcelles et à la constitution de bases de données foncières fiables, préalables indispensables à toute digitalisation efficace.
Ousseynou Niang, responsable des bases de données et des systèmes d'information du Procasef, souligne que « Le projet vient appuyer les collectivités territoriales vers une digitalisation intégrale des procédures foncières et dans ce sens, l’ambition c’est d’interconnecter le niveau central qu’est la DGID et le niveau territorial. »
Concrètement, aujourd’hui le Procasef intervient dans 136 communes réparties dans les 14 régions du Sénégal. Sa composante essentielle est relative à la mise en place de l’infrastructure de données géospatiales dont le référentiel de données est le premier élément. « Si nous voulons partager des données entre acteurs, il faut que nous travaillions sur le même référentiel et ainsi assoir l’interopérabilité, et pour moderniser l’infrastructure géospatiale, nous pensons qu’il faut passer par le référentiel géodesique, qui est un système de coordonnées cartographique permettant d'exprimer les positions au voisinage de la Terre », explique le technicien.
La nécessaire articulation
Autre instrument au service de la réforme mis en place par la DGID, le projet structurant du Système de gestion foncière (SGF), une plateforme intégrée de gestion administrative de gestion du foncier, utilisé par l’administration sénégalaise (DGID, services des domaines, parfois communes pilotes) pour enregistrer, suivre et sécuriser les opérations foncières. À ce titre, il marque une rupture avec les registres papier, souvent incomplets, difficiles à consulter et vulnérables aux pertes ou aux manipulations.
C’est un prérequis à la dématérialisation, un levier de transparence potentielle. Le SGF est souvent présenté comme un outil de dématérialisation, mais en réalité, c’est la colonne vertébrale technique de la dématérialisation.
Dans sa présentation, Tidiane Badji, Coordonnateur du Programme de Modernisation de la Gestion Foncière (PROMOGEF), explique que « Le SGF va permettre, entre autres, la mise à disposition d’une base de données fiables et régulièrement mise à jour. »
C’est aussi là que le SGF croise des projets comme le Procasef, chargé de produire des données foncières fiables sur le terrain. Le raisonnement est simple : le Procasef identifie et cartographie, le SGF conserve et gère dans le temps.
Pour l’administration, l’enjeu est clair : mieux organiser l’information foncière, améliorer la traçabilité des actes et limiter les doubles attributions. Pour les usagers, l’espoir est celui d’une procédure plus lisible et moins arbitraire. Objectifs spécifiques : « Sécurisations des transactions, célérité, fiabilité traçabilité dans le traitement des dossiers », ajoute M. Badji.
Au passage, il a rappelé que le SGF est une acquisition financée par la coopération allemande à hauteur de 25 millions d’Euros (un peu plus de 16 milliards FCFA).
L’expertise sénégalaise
C’est au mois de décembre 2023 que le marché du SGF a été attribué à ModelSis, une société de droit sénégalais de conseils et d’ingénierie informatique spécialisée dans la modélisation de procédures, pour une mise en œuvre devant durer dix-huit (18) mois de développement et trois (3) années de support et maintenance.
L’innovation majeure dudit projet dont la mise en œuvre est placée sous la supervision du Coordonnateur du PROMOGEF (Programme de Modernisation de la Gestion Foncière), consiste, selon le représentant de ModelIsis au panel, en un co-développement du système avec la Direction informatique de la DGID et une gouvernance inclusive du projet qui implique les agents opérationnels qui sont répartis en cinq groupes de travail à savoir, le Cadastre, les Domaines, la Conservation foncière, le Conduite du changement et les aspects techniques.
Pour sa part, le Directeur du Cadastre, par ailleurs Commissaire du Gouvernement auprès de l’Ordre des Géomètres Experts du Sénégal, François Ndiaye, a insisté sur le rôle stratégique du cadastre dans la réforme foncière. Selon lui, « La dématérialisation constitue un levier essentiel pour réduire les conflits fonciers, améliorer la traçabilité des titres et restaurer la confiance entre l'administration et les usagers », a-t-il déclaré.
Techniquement, le SGF en gestation va embarquer différents modules parmi lesquels une solution de Gestion électronique de documents (GED), un mécanisme de signature électronique, un module de gestion des flux (workflows), un portail ouvert au grand public et aux professionnels, et un système d’information géographique (SIG) pour la partie cadastrale.
À travers ce panel, la DGID a souhaité mettre en lumière les efforts engagés par l’administration pour moderniser les procédures, améliorer la traçabilité des décisions et renforcer la sécurité juridique des droits fonciers.
Il en ressort que la dématérialisation des procédures foncières représente ainsi le test de vérité de la gouvernance foncière au Sénégal.
Il n’est pas inutile de rappeler que le Sénégal fait partie des champions de l’administration en ligne sur le continent, selon les Nations unies. Son rapport « E-Government Survey 2024: Accelerating Digital Transformation for Sustainable Development » indique que le pays affichait en 2024 un score de 0,5142 sur 1 à l’indice mondial de l’administration en (EGDI). Bien qu’il soit en dessous de la moyenne mondiale (0,6382), il est au-dessus de la moyenne continentale qui s’était établie à 0,4247.
Malick NDAW


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