L’ASSURANCE VIE A LA CROISEE DES CHEMINS : La souveraineté par une fiscalité intelligente

Mercredi 3 Décembre 2025

Entre exonérations fiscales et réductions d’impôt pour les primes payées, une fiscalité qui oriente sans punir, et qui encourage sans contraindre, serait de nature à accroître le taux de couverture de l’assurance vie et ainsi contribuer à renforcer l’épargne nationale. Le deuxième panel du Salon de l'Assurance Vie qui s’est tenu à Dakar du 8 au 9 mai 2025 a permis de mettre en lumière le rôle crucial que peuvent jouer les incitations fiscales dans la dynamisation du marché de l'assurance vie.


C’est un constat : aucune économie moderne ne s’est construite sans une fiscalité intelligente, c’est-à-dire pensée non pas comme un fardeau, mais plutôt comme un levier. Ce constat repris par Adama Ndiaye, Directeur général de la Société Sénégalaise de Réassurance (SENRE), lors de la deuxième session qu’il a animée dans le cadre de la première édition du Salon de l’Assurance vie, qui s’est tenu à Dakar les 8 et 9 mai 2025, est en introduction à un thème qui, bien que technique en apparence, porte en lui une puissance transformatrice  silencieuse : « Le dispositif fiscal comme levier de développement de l’assurance vie », en est une parfaite illustration, selon Adama Ndiaye.

Pour une bonne mise en bouche, le modérateur a pris le parti de camper le contexte de l’assurance vie qui, a-t-il rappelé, a un double levier : social parce qu’elle protège la famille, prépare les retraites, sécurise l’éducation des enfants, soutient les ayants droits en cas de décès prématuré ; économique parce qu’elle transforme l’épargne dispersée et difficilement mobilisable, incertaine, en un capital mobilisé dans des projets structurants.

Adama Ndiaye, Directeur général SENRE
Adama Ndiaye, Directeur général SENRE
Elle améliore surtout le taux de remplacement de revenu d’activité, cet indicateur qui mesure la chute de revenus au moment de la retraite. Un indicateur, souligne M. Ndiaye, « que nous surveillerons avec inquiétude et espoir, vue la promesse de l’Ipres de porter ce revenu de remplacement à 60% de revenu d’activité alors qu’en réalité elle est aujourd’hui de 30% en moyenne avec moins de 10% pour les hauts cadres. Ce qui est quand même alarmant », regrette-t-il.  En somme, pour l’expert en assurances, la fiscalité qui devrait être le moteur reste bien souvent un des freins au développement de l’assurance vie. « Neutre, parfois pénalisante et souvent instable et, le régime fiscal applicable est souvent généraliste, sans ciblage ni progressivité, encore moins de soutien stratégique ». 

Matar Sy, Directeur général adjoint de FACE AFRICA
Matar Sy, Directeur général adjoint de FACE AFRICA
Après ce bref diagnostic du dispositif fiscal, Matar Sy, Directeur général de FACE Africa, fort de sa double expertise en droit fiscal et assurance, a apporté un éclairage sur les dispositions fiscales incitatives visant à dynamiser l’assurance vie, en soulignant que « Le cadre fiscal sénégalais est relativement similaire à certains pays qui cherchent à promouvoir le secteur des assurances, même si au Sénégal il y a pas mal d’insuffisances à corriger. » Entre autres mesures incitatives, M. Sy évoque les exonérations relatives à la fiscalité à l’entrée, à travers la souscription d’un contrat d’assurance vie que le législateur a jugé nécessaire d’exonérer d’un certain nombre de taxes.

Chadwick Van Vacas , Directeur général de SanlamAllianz Sénégal au milieu
Chadwick Van Vacas , Directeur général de SanlamAllianz Sénégal au milieu
Concrètement, il évoque la taxe sur les conventions d’assurance qui s’applique aux conventions d’assurance souscrites avec les assureurs, mais que le Code général des impôts prévoit d’exonérer à l’assurance vie. Sur cette question des incitations, Chadwick Van Vacas, Directeur général de  SanlamAllianz Sénégal, trouve « encourageant » que la prime vie ne soit pas taxée à l’instar de pays comme le Maroc, la Côte d’Ivoire ou encore l’Egypte. Il estime cependant « nécessaire » de revoir la limite de 10% du salaire brut non imposable (qui exclut l’équivalent de 10 % du revenu brut annuel ou mensuel d’un salarié du calcul de l’impôt sur le revenu s’il est affecté par exemple à une cotisation à un contrat d’assurance vie ou retraite complémentaire) qui, dit-il, « est encore trop faible pour rendre le produit individuel beaucoup plus intéressant par rapport au long terme », dit-il.

Talla Niang, Inspecteur des Impôts et Domaines
Talla Niang, Inspecteur des Impôts et Domaines
Le prélèvement qui handicape
 
Du côté de l’Etat représenté au panel par M. Talla Niang, Inspecteur des Impôts et Domaines, chef du Bureau du contentieux à la Direction de la Législation et de la Coopération internationale à la Direction Générale des Impôts et Domaines (DGID), on ne voit pas les choses avec les mêmes lunettes et on s’interroge quelque peu sur l’impact présumé de la fiscalité sur le développement de l’assurance vie au Sénégal. Le représentant du bureau du Contentieux à la DGID, se demande par exemple s’ « il y a véritablement une étude scientifique pour corroborer cet impact dont on parle ? », ou encore « Est-ce que la fiscalité est la première préoccupation de l’assuré qui se présente auprès d’une compagnie ? » Tout ceci pour dire qu’au niveau du Code général des impôts, « il y a quand même pas mal de mesures incitatives pour booster l’assurance vie », estime t-il.
 
A titre d’exemple, il revient sur la taxe sur le chiffre d’affaires et les produits d’assurances vie, ainsi que les exonérations y afférentes, consacrées par les dispositions des points 4 et 6 de l’article 540 dudit code. Enfin pour le représentant du bureau du contentieux de la DGID , « Il y a probablement un problème d’interprétation par rapport à ces dispositions surtout relativement aux opérations qui sont assimilées à l’assurance vie. »

Mohamed Diéye, Expert Fiscal, Membre de l'ONES
Mohamed Diéye, Expert Fiscal, Membre de l'ONES
Partant des interrogations de M. Talla Niang qui porte la réflexion sur la nécessité de reconsidérer le dispositif fiscal comme levier de développement de l’assurance vie ou des recettes fiscales, Mohamed Dieye, Directeur général du Groupe EURAF, estime que les deux sont concomitants car, « En ayant une fiscalité adaptée, on booste l’assurance vie et ainsi, au-delà des recettes fiscales, il y a des ressources très longues qui peuvent être mobilisées par ce secteur et destinées aux financements à long terme. »
 
Aussi selon M. Dièye, l’assurance de manière générale, mais surtout l’assurance vie devrait être incitée. L’autre aspect qu’il défend c’est qu’« il faut éviter d’arriver à une situation où cette niche d’épargnants notamment chez les gros salariés, soit poussée à aller faire des placements à  court terme et c’est là que la fiscalité doit jouer un rôle pour promouvoir l’assurance vie. »    
​Le modérateur a relancé sur le Prélèvement sur les compagnies d’assurances (PCA) qui est une des problématiques qui secoue le 
Pour une bonne mise en bouche, le modérateur a pris le parti de camper le contexte de l’assurance vie qui, a-t-il rappelé, a un double levier : social parce qu’elle protège la famille, prépare les retraites, sécurise l’éducation des enfants, soutient les ayants droits en cas de décès prématuré ; économique parce qu’elle transforme l’épargne dispersée et difficilement mobilisable, incertaine, en un capital mobilisé dans des projets structurants.
 
Elle améliore surtout le taux de remplacement de revenu d’activité, cet indicateur qui mesure la chute de revenus au moment de la retraite. Un indicateur, souligne M. Ndiaye, « que nous surveillerons avec inquiétude et espoir, vue la promesse de l’Ipres de porter ce revenu de remplacement à 60% de revenu d’activité alors qu’en réalité elle est aujourd’hui de 30% en moyenne avec moins de 10% pour les hauts cadres. Ce qui est quand même alarmant », regrette-t-il.  En somme, pour l’expert en assurances, la fiscalité qui devrait être le moteur reste bien souvent un des freins au développement de l’assurance vie. « Neutre, parfois pénalisante et souvent instable et, le régime fiscal applicable est souvent généraliste, sans ciblage ni progressivité, encore moins de soutien stratégique ».
 
Après ce bref diagnostic du dispositif fiscal, Matar Sy, Directeur général de FACE Africa, fort de sa double expertise en droit fiscal et assurance, a apporté un éclairage sur les dispositions fiscales incitatives visant à dynamiser l’assurance vie, en soulignant que « Le cadre fiscal sénégalais est relativement similaire à certains pays qui cherchent à promouvoir le secteur des assurances, même si au Sénégal il y a pas mal d’insuffisances à corriger. » Entre autres mesures incitatives, M. Sy évoque les exonérations relatives à la fiscalité à l’entrée, à travers la souscription d’un contrat d’assurance vie que le législateur a jugé nécessaire d’exonérer d’un certain nombre de taxes.
 
Concrètement, il évoque la taxe sur les conventions d’assurance qui s’applique aux conventions d’assurance souscrites avec les assureurs, mais que le Code général des impôts prévoit d’exonérer à l’assurance vie. Sur cette question des incitations, Chadwick Van Vacas, Directeur général de  SanlamAllianz Sénégal, trouve « encourageant » que la prime vie ne soit pas taxée à l’instar de pays comme le Maroc, la Côte d’Ivoire ou encore l’Egypte. Il estime cependant « nécessaire » de revoir la limite de 10% du salaire brut non imposable (qui exclut l’équivalent de 10 % du revenu brut annuel ou mensuel d’un salarié du calcul de l’impôt sur le revenu s’il est affecté par exemple à une cotisation à un contrat d’assurance vie ou retraite complémentaire) qui, dit-il, « est encore trop faible pour rendre le produit individuel beaucoup plus intéressant par rapport au long terme », dit-il.
 
 
Le prélèvement qui handicape
 
Du côté de l’Etat représenté au panel par M. Talla Niang, Inspecteur des Impôts et Domaines, chef du Bureau du contentieux à la Direction de la Législation et de la Coopération internationale à la Direction Générale des Impôts et Domaines (DGID), on ne voit pas les choses avec les mêmes lunettes et on s’interroge quelque peu sur l’impact présumé de la fiscalité sur le développement de l’assurance vie au Sénégal. Le représentant du bureau du Contentieux à la DGID, se demande par exemple s’ « il y a véritablement une étude scientifique pour corroborer cet impact dont on parle ? », ou encore « Est-ce que la fiscalité est la première préoccupation de l’assuré qui se présente auprès d’une compagnie ? » Tout ceci pour dire qu’au niveau du Code général des impôts, « il y a quand même pas mal de mesures incitatives pour booster l’assurance vie », estime t-il.
 
A titre d’exemple, il revient sur la taxe sur le chiffre d’affaires et les produits d’assurances vie, ainsi que les exonérations y afférentes, consacrées par les dispositions des points 4 et 6 de l’article 540 dudit code. Enfin pour le représentant du bureau du contentieux de la DGID , « Il y a probablement un problème d’interprétation par rapport à ces dispositions surtout relativement aux opérations qui sont assimilées à l’assurance vie. »
 
Partant des interrogations de M. Talla Niang qui porte la réflexion sur la nécessité de reconsidérer le dispositif fiscal comme levier de développement de l’assurance vie ou des recettes fiscales, Mohamed Dieye, Directeur général du Groupe EURAF, estime que les deux sont concomitants car, « En ayant une fiscalité adaptée, on booste l’assurance vie et ainsi, au-delà des recettes fiscales, il y a des ressources très longues qui peuvent être mobilisées par ce secteur et destinées aux financements à long terme. »
 
Aussi selon M. Dièye, l’assurance de manière générale, mais surtout l’assurance vie devrait être incitée. L’autre aspect qu’il défend c’est qu’« il faut éviter d’arriver à une situation où cette niche d’épargnants notamment chez les gros salariés, soit poussée à aller faire des placements à  court terme et c’est là que la fiscalité doit jouer un rôle pour promouvoir l’assurance vie. »   
 
Le modérateur a relancé sur le Prélèvement sur les compagnies d’assurances (PCA) qui est une des problématiques qui secoue le secteur particulièrement l’assurance vie. Pour une interprétation assez simple de ce prélèvement, l’expert en droit fiscal et assurance, Matar Sy, explique « C’est comme si on réclamait 1% d’un dépôt qu’un souscripteur viendrait faire au niveau d’une compagnie d’assurance vie, ce qui n’existe pas chez le banquier, par exemple… ».
 
L’épargne et la prévoyance sont les deux composantes de l’assurance vie, « la prévoyance étant de l’assurance pure, parce qu’adossée à la mutualisation, tandis que l’épargne c’est de la capitalisation donc un capital garanti. Le fait d’assoir une imposition sur une prime qui a été versée à une compagnie devient très pénalisante et c’est toute la problématique du PCA », explique M. Sy. A défaut de sa suppression, il avait été question de limiter son application à la prévoyance. Finalement, il a été constaté une réduction du taux qui est passé de 1% à 0,5%.
 
Par ailleurs, au-delà de la question de sa pertinence ou pas, sa mise en œuvre-même a fait l’objet de débats notamment en termes d’assiette. « Aujourd’hui la profession est secouée par les derniers contrôles effectués par les vérificateurs qui, pour liquider le PCA, retiennent quasiment tous les produits qui sont comptabilisés par les compagnies alors que, lorsque la Loi de Finance Rectificative 2018 instituait le PCA, elle parlait de prélèvement juste sur le chiffre d’affaires qui est composé de primes nets émises. » Or, pire encore, dans le cadre des contrôles fiscaux, il apparaît que les vérificateurs, au-delà de retenir les primes nettes d’annulations, les cumulent fictivement avec les commissions de réassurance, biaisant même ainsi les agrégats économiques. Or, souligne encore M.Sy, « Aucune compagnie ne peut à la fois considérer qu’elle a comme avoirs des primes brutes de réassurance et des commissions qui ne peuvent être perçues qu’à partir d’une cession. »           
 
 

Le débat très instructif du panel a abouti aux perspectives relative à la révision annoncée du Code général des impôts qui, selon les représentants de l’Etat, est en cours d’élaboration au niveau des termes de référence. Toutefois, le représentant du bureau du Contentieux, rassure quant à l’inclusivité dans le processus en promettant que tous les acteurs notamment des assurances seront impliqués. 

Il est en tout cas apparu, du côté du public venu participer à ce Salon, comme de celui des experts et autres acteurs du privé, la nécessité de pérenniser pareille rencontre qui permet aux uns et aux autres, de mieux cerner les spécificités liées aux assurances en relation avec l’administration fiscale. Proposition a d'ailleurs été faite d'inscrire cela dans le marbre des résolutions.   

​En baissant le rideau sur le panel, le modérateur, M. Adama Ndiaye, Directeur général de la SENRE, a tenu à rappeler que la fiscalité, du point de vue de l’assureur, « est un formidable compagnon incitateur permettant de développer l’activité, étant entendu que l’activité d’assurance dans sa phase technique, joue un rôle de sécurité et un rôle de bureau d’études de l’économie et de pourvoyeur de moyens financiers, dans sa phase conceptuelle ». Dès lors, dit-il, la perception du secteur est parfois figée, même du point de vue fiscal. Il faudrait désormais raisonner, non pas seulement en termes de fiscalité et de densité, mais plutôt selon lui, en termes de ruissellement et d’effet de levier.

Les chiffres en donnent une parfaite illustration avec 290 milliards de Fcfa de chiffre d’affaires, 600 milliards de Fcfa de placements. S’est-on seulement interrogé sur la destination des 290 milliards, dont les 119 milliards représentent pourtant les sinistres payés et qui vont irriguer les cliniques, les hôpitaux, les concessionnaires automobiles, les réparateurs, des ménages et qui vont faire vivre des pans entiers de l’économie et davantage de recettes fiscales ?

Ce panel qui a réuni experts, acteurs du secteur privé et autorités fiscales, a insisté, entre autres, sur la nécessité de simplification fiscale, d’adaptation des régimes fiscaux, de facilitation de l’accès aux produits. Il a conclu sur la nécessité d’une coordination renforcée entre les acteurs privés et publics, pour établir des régulations fiscales qui soient non seulement avantageuses pour les assurés, mais également pour les économies locales, en permettant à l’assurance vie de devenir un véritable moteur de croissance économique et d'inclusion sociale.
Lejecos Magazine Août 2025
Actu-Economie

La rédaction

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