Mamadou FAYE, Administrateur Directeur Général Sen Assurances Vie : « Quatre leviers pourraient être actionnés pour rendre le secteur plus attrayant et booster le taux de pénétration... »

Lundi 5 Mai 2025

La Sénégalaise de l’Assurance vie est une société d’assurance vie créee en 2012, en partenariat public-privé, autour d’un promoteur, en la personne de son Administrateur Directeur Général Mamadou FAYE, ancien commissaire contrôleur des assurances à la CIMA, jouissant d’une grande renommée dans le secteur des assurances avec une expertise avérée dans les divers domaines de la statistique de l’assurance, de l’actuariat et de la finance. Entretien.


 
  • Monsieur le Directeur général, parlez-nous de la santé de Sen Assurances Vie et, si l’innovation est au cœur de la stratégie de votre compagnie, à quoi peut–on s'attendre en 2025 ?
 
La compagnie Sen Assurances Vie a clôturé son premier exercice en 2013. Elle est bénéficiaire depuis une dizaine d’années et justifie d’une marge de solvabilité avec des fonds propres de plus de cinq milliards de FCA et d’une couverture de ses engagements réglementés conformes à la réglementation.

En fait, comme vous le dites si bien, l’innovation est au cœur de notre stratégie : notre expertise nous permet de satisfaire tous nos clients, aucun segment de la population n’est laissé en rade ; plus d’une dizaine de produits, aussi bien en collective pour les entreprises ou toutes formes de groupements qu’en individuel, est proposée à nos clients. Nous sommes la première et unique société vie du marché des assurances au Sénégal à proposer une assurance dite TAKAFUL, c’est à dire conforme à la charia islamique avec un charia board composé d’érudits qui veillent à la conformité de nos opérations sur ce segment. En 2025, nous avons comme objectif la poursuite de notre politique d’innovation avec plus de produits nouveaux aussi bien en TAKAFUL, qu’en conventionnel, mais surtout le respect de nos engagements envers les assurés et bénéficiaires de contrats. Nous poursuivons également nos projets de digitalisation pour gérer tout le processus dans nos relations avec la clientèle, de la souscription au règlement des prestations.
  • On reproche souvent à votre secteur de ne pas financer suffisamment l’économie nationale. Partagez-vous cette opinion et comment faire pour accroître ce financement ?
Vous savez l’assurance est une activité complexe dont le fonctionnement est ignoré généralement, surtout, par certaines personnes qui s’improvisent en experts ; elle est fortement régulée, comme d’ailleurs les banques. Toute la richesse des assureurs qui n’est que la contrepartie des engagements contractés envers les assurés et bénéficiaires de contrats est représentée par des immeubles, des actions, des obligations des prêts et de la trésorerie dans les banques, suivant un catalogue de placements bien précis prévu par la réglementation CIMA. En 2023, les assureurs sénégalais ont investi sur les différents véhicules prévus par la réglementation, un cumul de 518 milliards de FCFA nets de prestations  dont 217 milliards dans les banques et 114 milliards soit 22% en titres publiques. Ce n’est pas négligeable !

Pour rendre le secteur plus attrayant et booster le taux de pénétration qui mesure la contribution du secteur dans la richesse nationale, plusieurs leviers pourraient être actionnés ; j’en citerai quatre dont deux dépendent des acteurs : une bonne tarification c’est-à-dire le paiement d’une prime correctement calculée (la sous tarification est entrain de gangrener nos marchés) et le règlement rapide des sinistres ; d’ailleurs les deux sont liés, vous ne pouvez pas vous acquitter correctement de vos sinistres si, à la souscription du contrat, vous n’avez pas réclamé la bonne prime, surtout la faire payer à la bonne date : la sous tarification et l’assurance à crédit tuent l’assurance.

Les deux autres leviers dépendent des autorités : il s’agit d’une fiscalité souple et adaptée à notre métier ; je donnerai deux exemples : nous avons été frappés par deux types d’ajustements, la réforme sur la patente qui a vu les montants à payer tripler et le prélèvement sur les compagnies d’assurances, 1% du CA qui s’est poursuivi, alors qu’il a été décidé dans le cadre d’une loi des finances rectificative en 2018.

Le deuxième levier porte sur les assurances obligatoires : il est démontré que le chiffre d’affaires des marchés est fortement corrélé au nombre d’assurances obligatoires ; dans nos pays la seule assurance obligatoire, en dehors de certaines assurances de responsabilité civile, moins bien contrôlées, c’est la RC automobile à laquelle certains véhicules de transport terrestre à moteur arrivent d’ailleurs à se soustraire. L’exemple de l’Afrique du Sud (14%), du Maroc (4%) avec des taux de pénétration honorables contre une moyenne mondiale de 9%, au Sénégal ce taux oscille entre 1 et 2%, illustre bien ces propos. Ces pays ont mis en place plusieurs assurances obligatoires à l’instar de ce qui se passe dans les pays développés où l’assurance occupe une place de choix dans l’économie.
  • Quels sont les différents types de produits d’assurance vie proposés ? Existe-t-il des offres spécifiquement pensées pour les personnes du secteur informel ? Une personne sans revenus fixes peut-elle quand même souscrire à un produit d’assurance vie?
Les produits d’assurance vie proposés sont les deux familles de produits classiques : en cas de vie et en cas de décès. Ils peuvent être souscrits en collective ou en individuel. En collective, nous avons la retraite complémentaire et la prévoyance collective souscrites par les entreprises ou les décès emprunteurs groupe souscrites par les banques et les sociétés de crédit pour couvrir leurs clients en cas de décès et en individuel, c’est celle souscrite par les personnes physiques pour soigner leur retraite, l’éducation de leurs enfants ou en cas de décès, le paiement d’un capital pour leurs ayants droit ou le remboursement de leur crédit contracté auprès d’une banque ou d’une société de microfinance. Plusieurs combinaisons sont possibles pour rendre le produit plus attrayant.

S’agissant du secteur informel que nos autorités tentent de structurer, compte tenu de leur poids dans la vie active, qui d’ailleurs représente une énorme niche, plusieurs initiatives avec des solutions innovantes sont mises en œuvre par les acteurs, notamment dans le cadre de regroupements auxquels il est proposé des produits de micro-assurance avec des primes accessibles et des conditions de paiement flexibles.

Bien entendu, on n’a pas besoin d’être un salarié avec un revenu fixe pour souscrire à un produit d’assurance vie, mais il faut juste avoir un revenu qui vous permette de payer vos primes : vous pouvez être maraîcher, éleveur, tailleur, mécanicien, artisan, vendeur de légumes, de poisson, ou d’arachide etc… Vos revenus peuvent être saisonniers, irréguliers, temporairement suspendus. Votre activité comportera toujours un risque auquel vous pouvez être sensible ou sensibilisé : ainsi, les vendeurs des marchés ou le patron d’un atelier de tailleurs peuvent redouter les conséquences d’un incendie de leur fonds de commerce ; des pêcheurs peuvent craindre les périls professionnels des gens de mer ; des membres d’un groupement peuvent se prémunir pour se porter assistance, en cas de décès ou de survenance d’une catastrophe particulière à laquelle ils peuvent être exposés.

L’assurance étant un contrat qui fait naître des obligations entre deux parties, l’une (l’assuré) s’oblige au paiement de la prime, l’autre (l’assureur), à la réparation du préjudice en cas de réalisation du risque ou au paiement de la prestation contractuelle comme le paiement du capital dû à l’échéance convenue. Et les moyens modernes permettent de personnaliser la collecte et de porter l’indemnité, via les outils de télépaiement. Il s’agit là du grand défi de l’inclusion et de la prise en compte des besoins réels du marché, auquel tous les assureurs sont confrontés.

Les efforts d’adaptation et d’écoute des assureurs, la bonne volonté des structures et groupements d’intérêt professionnel et l’encadrement des mesures d’accompagnement publiques appropriées, apporteront les réponses conduisant à l’extension du champ des assurances privées.
 
Malick NDAW
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