Enjeux de la durée du mandat des Directeurs généraux, face à l’impératif de la légalité : Cas de l’Autorité de Régulation des Marchés publics

Vendredi 27 Mars 2020

Jacques Mariel Nzouankeu  ancien Professeur à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Jacques Mariel Nzouankeu ancien Professeur à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar
         Introduction : Vue d’ensemble
 
1. La durée du mandat constitue un élément déterminant du statut de l’Agent public. La conception large de l’Agent public est celle qui rend compte, de manière satisfaisante, des réalités administratives. Elle est ainsi donnée par l’article 2a de la Convention des Nations Unies Contre la Corruption.
 
a) On entend par ‘’agent public’’ : i) toute personne qui détient un mandat législatif, exécutif, administratif ou judiciaire d’un Etat Partie, qu’elle ait été nommée ou élue, à titre permanent ou temporaire, qu’elle soit rémunérée ou non rémunérée, et quel que soit son niveau hiérarchique ; ii) toute autre personne qui exerce une fonction publique, y compris pour un organisme public ou une entreprise publique, ou qui fournit un service public, tels que ces termes sont définis dans le droit interne de l’État Partie et appliqués dans la branche pertinente du droit de cet État ; iii) toute autre personne définie comme ‘’agent public’’ dans le droit interne d’un État Partie Toutefois, aux fins de certaines mesures spécifiques prévues au chapitre II de la présente Convention, on peut entendre par ‘’agent public’’ toute personne qui exerce une fonction publique ou qui fournit un service public tels que ces termes sont définis dans le droit interne de l’État Partie et appliqués dans la branche pertinente du droit de cet Etat ;                              
 
La durée du mandat indique la période pendant laquelle l’Agent public a reçu l’investiture pour agir ; c’est le temps qu’il est  habilité à passer au service.
 
2. La fixation de la durée du mandat de l’Agent public comporte pour lui-même, comme pour les citoyens, des intérêts pratiques.
La durée du mandat détermine l’horizon de la compétence temporelle de l’Agent public. Les droits et obligations de l’Agent public, ses autres compétences, matérielles, spatiales s’exercent dans l’horizon temporel de son investiture.
La durée du mandat constitue également le repère de la légalité des actes de l’Agent public. Ses actes sont présumés légaux dès lors qu’il les prend dans l’espace temporel de son investiture. En sens inverse, ses actes sont présumés illégaux lorsqu’ils sont pris en dehors du temps pour lequel il a reçu l’investiture.
 
3. La bonne application de ce principe suppose que les dates d’entrée et de cessation de fonction des Agents publics, ou les modalités de cette cessation soient publiées, que chaque Agent public n’exerce sa compétence que dans ces limites temporelles, et que chaque citoyen soit en mesure de vérifier la compétence temporelle de tout Agent public. Le non-respect de ce principe jette la suspicion sur la légalité des actes pris par l’Agent public. En particulier, sont présumés illégaux
les actes posés avant son investiture, comme ceux pris après l’expiration de son mandat autrement dit, du temps pour lequel il a reçu l’investiture.

4. Le respect de la compétence temporelle s’impose plus particulièrement à la catégorie supérieure d’Agents publics constitués de Directeurs ou Directeurs généraux des entreprises du Secteur parapublic, des Agences d’exécution et des organes et Institutions de régulation. Cette catégorie d’agents publics se trouve au sommet de la hiérarchie administrative. Ils constituent les rouages entre l’Administration et le pouvoir politique. La durée de leur mandat est, dans les faits,  plus longue que celle de leurs ministres utilisateurs ou de tutelle. Il en est ainsi, bien que les ministres ne fassent pas carrière dans le Gouvernement, à la manière dont les Directeurs font carrière dans la Fonction publique. Ainsi, certains Directeurs généraux sont, comme les Ministres, nommés pour une durée indéterminée ; la plupart mettent plus de temps à leurs postes que les  Ministres. D’autres Directeurs généraux, nommés pour une durée déterminée, occupent leurs fonctions plus longtemps que la plupart des Ministres.
Dans ces conditions, les Directeurs généraux font partie de la mémoire de l’Administration. Le respect de la compétence temporelle, pour eux,  devient une condition de l’efficacité de l’Etat. En sens inverse, lorsqu’il y a une incertitude sur la durée du mandat de cette catégorie d’Agents publics, ou lorsque cette durée n’est pas respectée, l’autorité de l’État en est affectée négativement et les conséquences des illégalités qui peuvent en découler sont souvent difficilement réparables.
 
5. La durée du mandat est un élément du statut de l’Agent public. Pour avoir une vision globale de ce statut, il faut le compléter par d’autres éléments, tels que : le profit que doit avoir l’Agent public, les immunités ou privilèges auxquels le bénéficiaire peut prétendre par exemple la protection contre les poursuites, l’inamovibilité ou l’inviolabilité, les sujétions particulières à certains corps, les avantages particuliers dont peuvent bénéficier d’autres corps.
La réflexion sur la durée du mandat, comme sur chaque élément du statut du reste, comporte trois dimensions.
La dimension de politique législative qui relève de la loi et des règlements : la fixation de la durée des mandats ainsi que ses modalités, par exemple, s’il est ou non révocable, renouvelable et dans quelles limites, si le type déterminé de mandat est le même pour un secteur d’activités, ou pour tous les organes d’une même institution.
La dimension politique décrit l’usage que le pouvoir exécutif fait des textes : le respect des textes organisant la durée des mandats, la conformité aux textes du profit des personnes nommées, les nominations et les éventuels renouvellements à bonne date.
La dimension juridique concerne l’état des lieux de la législation et de la règlementation en matière de durée des mandats, la cohérence de la législation et de la réglementation sur la question, l’appréciation de la légalité des textes, ainsi que des conséquences juridiques de l’usage qu’en fait le pouvoir Exécutif.
 
6. L’état des lieux sur les textes relatifs à la durée des mandats des Directeurs généraux révèle une grande disparité ainsi que des incohérences dans la réglementation (1ère partie). L’étude de cas de l’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) montre la complexité de la mise en œuvre des textes par le Pouvoir Exécutif (2ème Partie).
 
 
1ère partie   
État des lieux des textes
sur la durée du mandat des Directeurs
généraux
Exemples choisis
 
7. Les exemples choisis portent sur le Secteur parapublic, les Agences d’exécution et les organes ou Institutions de régulation. Les textes relatifs au mandat des directeurs généraux de ces secteurs sont disparates en ce sens que la réglementation est différente d’un secteur à l’autre et même, à l’intérieur d’un même secteur, selon les structures. Ils présentent également des incohérences en ce que,  dans certains cas, les mandats des organes de certaines structures sont soumis à des régimes juridiques différents. Au plan juridique, le principal inconvénient, de cette situation c’est la difficulté d’élaborer un critère de classement de ces mandats, ainsi que des standards permettant leur rationalisation. L’état des lieux se présente ainsi comme un recensement de cas d’espèce.
 
L’examen des textes des secteurs choisis confirmant ces dysfonctionnements.
 
    
A Le Secteur parapublic
 
8. Le Secteur parapublic est régi par la loi 90-07 du 26 juin 1990 modifiée, relative à l’organisation et au contrôle des entreprises du Secteur parapublic et au contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique.
Le mandat du Directeur général des entreprises de ce secteur est réglementé comme suit par l’article 19 de la loi.
 
Art 19 : Le Directeur général.
 
Un Directeur général est placé à la tête de chaque entreprise du Secteur parapublic. Dans les sociétés nationales et les établissements publics à caractère industriel et commercial, il est nommé après avis du ministre chargé de la tutelle technique par décret, pour trois ans                                    renouvelables, sur proposition du Conseil d’Administration. Dans les sociétés anonymes à participation publique majoritaire, il est nommé par le Conseil d’Administration sur proposition du ministre chargé de la tutelle technique. En cas de faute grave ou de mauvaise gestion, il peut être révoqué à tout              moment, sans préjudice de poursuites pénales ou disciplinaires qu’il peut encourir par             ailleurs.
 
En d’autres termes, le Directeur général des entreprises de ce secteur est nommé pour un mandat de trois (3) ans indéfiniment renouvelables. Il peut être révoqué à tout moment pour faute grave, ou pour faute de gestion.
Aux termes de l’article 9 de la loi,
 
La durée (du mandat) des administrateurs est de deux ans  renouvelables sans limitation : toutefois, le mandat cesse de  plein droit lorsque l’administrateur perd la qualité en raison de laquelle il a été désigné ou lorsqu’il s’est abstenu de se rendre à  trois séances consécutives du Conseil d’administration sauf cas de  force majeure. La cessation de plein droit du mandat est prononcée  par l’autorité qui a pouvoir de nomination.
 
Selon l’article 17 de la loi, ‘’Sur proposition du président de la République, le Conseil d’Administration élit en son sein son Président.’’
 
Le Président du Conseil d’Administration est, donc nommé pour une durée indéterminée.
 
     B Les Agences d’exécution
 
9. Les Agences d’exécution sont encadrées par la loi
d’orientation n° 2009-20 du 4 mai 2020. Son article 6 est ainsi conçu :
 
Article 6.- Modalités de gestion et d’administration.
L’agence comprend deux organes : un Conseil de surveillance et une direction générale ou direction.
Le président du Conseil de surveillance est nommé par décret.
Les autres membres du Conseil de surveillance sont nommés par arrêté du chef de l’Administration assurant la tutelle technique.
L’agence est gérée par un directeur général ou directeur nommé par   décret.
 
Ainsi :
  • Le Directeur général est nommé par décret sans limitation de durée
  • Le Président du Conseil de Surveillance est nommé par décret sans limitation de durée
  • Les autres membres du Conseil de Surveillance sont nommés par arrêté sans limitation de durée.
Ce dispositif, institué par la loi, s’impose à toutes les Agences d’exécution crées par décret. L’article 16 de la loi dispose à cet effet :
 
Art. 16.- Dispositions finales
 
Les agences et les autres structures administratives similaires existantes sont tenues de se conformer aux présentes dispositions dans un délai de douze mois, à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi.
 
Or, contrairement à ces dispositions, les décrets portant création d’Agences règlementent la durée des mandats de leurs organes au cas par cas. Il en va ainsi, bien des Agences créées avant comme après la promulgation de la loi d’orientation. A titre d’illustration
  • L’Agence de l’Informatique de l’État est créée par décret 2004-1038 du 23 juillet 2004. Le Directeur général est nommé pour une durée illimitée, mais les membres du Conseil de Surveillance sont nommés pour un mandat de trois ans renouvelable
  • L’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie est créée par décret 2005-436 du 23 mai 2005 : les membres de son Conseil d’orientation sont nommés pour une durée de deux ans renouvelable ; et le Directeur général est nommé sans limitation de durée du mandat.
  • L’Agence nationale pour les Énergies Renouvelables (ANER) est créée par décret 2013-684 du 17 mai 2013.  Son Directeur général est nommé pour une durée illimitée ; mais les membres au Conseil de Surveillance sont nommés pour un mandat de trois (3) ans renouvelable une seule fois.
 
10. Pour les Agences d’exécution, on observe ainsi que la tendance consiste à nommer le Directeur général pour une durée illimitée et à limiter la durée de mandat des autres organes de l’Institution.
 
     C Les Institutions de régulation
11. Les Institutions de régulation  sont encadrées par la loi n° 2002-23 du 4 septembre 2002, portant cadre de régulation pour les entreprises concessionnaires de services publics.  L’article 10 de cette loi dispose :
 
Art. 10.- Statut juridique et organisation des Institutions de régulation
Les Institutions de régulation disposent de la personnalité morale.  L’organisation des Institutions de régulation fera l’objet d’une loi pour chaque secteur régulé.
 
Il résulte de ces dispositions que c’est le texte portant création de chaque institution ou organe de régulation qui détermine la durée de mandat de ces organes, et éventuellement de son Directeur général. A titre d’illustration, on peut relever
 
  1. L’Agence de Régulation des Marchés (ARM) est créée par décret 2013-997 du 16 juillet 2013 : Le Directeur général est nommé par décret pour une durée illimitée ; le Président du Conseil de Surveillance est nommé pour une durée illimitée, et les membres du Conseil de Surveillance pour  un mandat de trois (3) ans renouvelable une seule fois.
  2. L’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) régie par le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007. Aux termes de son article 24 al. 2, le Directeur général est nommé pour un mandat de trois (3) ans  renouvelable une (1) fois. Son article 9 dispose que les membres du Conseil de Régulation sont nommés pour un mandat de trois (3) ans renouvelable une (1) fois
  3. L’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) est régie par la loi n° 2018-28 du 12 décembre 2018 portant Code des Télécommunications électroniques.
 
Le régime des mandats des organes de l’ARTP comporte quelques particularités. S’agissant de son Directeur général, l’article 237 de la loi est ainsi conçu :
 
Article 237.- Nomination et révocation du Directeur général  de l’Autorité de régulation
 
La Direction générale de l’Autorité de régulation est placée sous  l’autorité d’un Directeur général nommé par décret.
Le Directeur général de l’ARTP est assujetti à un contrat de performance lors de sa prise de fonction dont les contours fixent les conditions de performance astreintes au Directeur général. Le  contrat de performance est conclu entre le Ministère chargé des  Finances, le Ministre chargé des Télécommunications, le Collège et le Directeur général pour une période déterminée en vue de la réalisation des objectifs de la mission confiée au Directeur
 
A priori, aux termes de cet article, le Directeur général est nommé pour une durée illimitée. Toutefois, l’alinéa 2 de l’article dispose qu’il est assujetti à un contrat de performance pour une durée limitée. Les textes d’application devraient préciser l’impact du contrat de performance sur la durée de son mandat.
L’article 225 de la loi comporte également des particularités ; il concerne la durée du mandat des membres du Collège et de son Président. Il est ainsi conçu :
 
Article 225.- Composition, durée du mandat  des membres du Collège de l’ARTP
Le Collège de l’Autorité de régulation est composé de sept membres nommés par décret pour un mandat irrévocable de trois (3) ans renouvelable une seule fois, que le second mandat soit consécutif ou non au premier.
Le Président du Collège est nommé par décret parmi ces sept membres.
 
Selon ce texte, les membres du Collège sont nommés pour un mandat de trois ans renouvelable une seule fois. En principe, et d’une manière générale, un tel régime s’applique aux mandats consécutifs ; le bénéficiaire, s’il est renouvelé, se succède à lui-même. L’innovation consiste ici à décider que chaque membre pourra prétendre à deux mandats, qu’ils soient ou non consécutifs.
Quant au Président du Collège, il est nommé pour une durée illimitée ; toutefois, il est choisi parmi les membres du collège.
 
  d) Le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel CNRA, créé par la loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006 se particularise par le laconisme des dispositions relatives à la nomination et à la durée du mandat de ses organes.  En effet, aux termes de son article 3, le Président de cette Institution est nommé par le Président de la République pour une durée illimitée. Le CNRA ne dispose pas de Directeur général. L’article 4 de la loi est ainsi conçu :
 
 
Art. 4.- La durée du mandat des membres du Conseil national  de Régulation de l’Audiovisuel est de six ans.
Ce mandat n’est  ni renouvelable, ni révocable. Les membres du Conseil national de  Régulation de l’Audiovisuel ne peuvent être poursuivis, recherchés,  arrêtés ou jugés à l’occasion des actes accomplis ou des opinions émises dans l’exercice de leurs fonctions.  Les indemnités du Président et des membres du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel sont fixées par décret.
 
Au regard des observations qui précèdent, une réflexion sur la rationalisation des régimes juridiques de mandats des Directeurs généraux parait utile. L’étude de cas sur la durée du mandat du Directeur général de l’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) confirme l’utilité de cette démarche.
 

2ème partie 
 
 Étude de cas
La durée du mandat du Directeur général de l’Autorité de
Régulation des Marchés publics (DG/ARMP) en rapport
avec la légalité de ses actes,
 
Présentation du cas
 
12. Dans le souci de garantir la transparence de la gestion publique ainsi que la libre concurrence des acteurs de la commande publique, l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) avait pris entre autres instruments, la Directive n° 05 du 9 décembre 2005, portant contrôle et régulation des marchés publics et des délégations de service public dans son espace.
   Le principal objet de cette directive consistait à séparer, dans cette matière, deux fonctions qui jusque-là étaient confiées à un même organe : la fonction de contrôle et la fonction de régulation. A cet égard l’article 3 de la Directive est ainsi conçu :
 
Article 3 : Du principe de la séparation des fonctions de contrôle et de                                        régulation
Les Etats membres s’engagent à mettre en œuvre des procédures et  mécanismes garantissant la séparation et l’indépendance des fonctions de contrôle et de régulation des marchés publics et des délégations de service  public.
 
   L’article 4 de la Directive décrit les fonctions et mécanismes de contrôle. L’article 5 de la Directive décrit les fonctions et mécanismes de régulation.
 
13. La transposition en droit interne sénégalais de cette Directive a été réalisée par les textes ci-après :
  1. La loi n°  65-51 du 19 juillet 1965 portant Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration, modifiée par la loi n° 06-16 du 30 juin 2006. Son article 30 nouveau distingue la régulation et le contrôle des marchés publics, il prescrit que la régulation est confiée à l’Autorité de Régulation des Marchés publics, et lui confère le statut d’Autorité administrative indépendante. Le même article 30 de la loi prescrit la création d’un organisme administratif chargé du contrôle a priori de la procédure de passation des marchés publics.
  2. Le décret n° 2007 -546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP)
  3. Le décret n° 2007-547 du 25 avril 2007, portant création de la Direction centrale des Marchés publics (DCMP)
 
14. Le décret 2007-546 du 25 avril  2007 portant organisation et fonctionnement de l’ARMP dispose, dans son article 24 al 2 : le Directeur général est nommé par décret du Président de la République, sur proposition du Conseil de Régulation, pour un mandat de trois (3) ans, renouvelable une (1) fois. Ainsi, selon ce texte, le Directeur général ne peut rester en fonction plus de six (6) années consécutives.
   Le décret 2011-143 du 27 janvier 2011 nomme le Directeur général, actuellement en fonction, sans limitation de durée du mandat. L’article 1er de ce décret est ainsi conçu : ‘’Article premier : Monsieur…, est nommé Directeur général de l’Autorité de Régulation des Marchés publics’’.
   Ainsi, au regard de l’article 24 du décret 2007-546 du 25 avril 2007 précité, le mandat du Directeur général actuellement en fonction aurait dû prendre fin au  6e anniversaire de la date du décret de sa première nomination, soit le 26 janvier 2017, sous réserve de l’application des règles de computation des délais et dans l’hypothèse ou le renouvellement de son premier mandant de trois (3) ans , qui n’est pas un droit, aurait effectivement été décidé par l’autorité de nomination.
   Or, le Directeur général nommé le 27 janvier 2011 est toujours en fonction. Cette situation mérite de faire l’objet d’explications et de mises au point sur le plan juridique.
   L’intérêt pratique de cette démarche tient au souci d’éviter que l’apparente incohérence, sur le nombre et la durée des mandats, entre le décret 2007-546 du 25 avril 2007 et l’acte de nomination du DG/ARMP, donne l’impression que l’ARMP fonctionne dans l’illégalité, en particulier, que le statut et les actes  de son Directeur général seraient entachés d’illégalité, ou que l’investiture de son Directeur général serait périmée. Laisser se développer de telles suspicions affaiblirait l’ARMP ainsi que son indépendance.
   A cet égard, l’analyse fait apparaitre que, sur le problème du nombre et de la durée des mandats, le décret n° 2011-143 du 27 janvier 2011 portant nomination du Directeur général de l’ARMP est légal (I) et que ce décret fonde légalement les actes pris dans l’exécution de ses missions (II).
 
   Section 1 : Le décret n° 2011-143 du 27 janvier 2011, portant nomination du Directeur général de l’Autorité de Régulation des Marchés publics, en tant qu’il ne prescrit ni le nombre ni la durée de son mandat, est légal.
                  
   15. La hiérarchie des textes concernés par cette analyse s’établit comme suit
  1. La Directive n° 5 du 9 décembre 2005 portant contrôle et régulation des marchés publics et des délégations de service public dans l’espace UEMOA.
  2. La loi n° 65-51 du 19 juillet 1965, portant Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration, modifiée par la loi n° 06-16 du 30 juin 2006.
  3. Le décret n° 2007- 546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des Marchés publics.
 
   En principe, la légalité d’un acte administratif s’apprécie au regard de l’acte hiérarchique immédiatement supérieur. Le décret 2011-143 du 27 janvier 2011 ne devrait s’apprécier qu’au regard du décret 2007-546 du 25 avril 2007. Il se trouve cependant que ce dernier décret comme la loi portant Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration modifiée, sont des actes de transposition de la Directive n° 5 du 9 décembre 2005 de l’UEMOA. Ces trois actes comportent des interférences. Ils constituent le bloc de légalité au regard duquel s’apprécie la légalité du décret 2011-143 du 27 janvier 2011. Cette légalité s’apprécie en tant que ledit décret n’a fixé ni le nombre, ni la durée des mandats du DG/ARMP. La question juridique peut être ainsi formulée : le décret n° 2011-143 du 27 janvier 2011 qui ne fixe ni le nombre, ni la durée des mandats du DG/ARMP, viole-t-il le décret  n° 2007-546 du 25 avril 2007, en tant qu’il prescrit que le DG/ARMP est nommé pour un mandat de trois (3) ans renouvelable une (1) fois ?
 
     I. Au regard de la Directive n° 5 du 9 décembre 2005 de l’UEMOA, le décret  n° 2011-143 du 27 janvier 2011 portant nomination du DG/ARMP est légal.
 
  1. La Directive n° 5 du 9 décembre 2005 de l’UEMOA détermine, dans ses articles 3 à 5, le nouveau dispositif institutionnel applicable aux marchés publics et aux délégations de service public. Le principe de base, énoncé dans son article 3 cité plus haut, est relatif à la séparation des fonctions de contrôle et de régulation. La raison d’être de cette séparation, c’est d’assurer l’indépendance des deux fonctions et, par conséquent, des organes qui en sont chargés. La pièce maîtresse du nouveau système c’est la séparation organique et matérielle des deux fonctions de contrôle et de régulation.
L’article 5 de la Directive n° 5 du 9 décembre 2005 prescrit d’autres mesures à prendre à cet effet. Il paraît utile de relire ces dispositions ainsi conçues :
 
Article 5 : Des fonctions et mécanismes de régulation des marchés publics et des   délégations de service public
              Les États membres s’engagent à mettre en place des mécanismes institutionnels et opérationnels de régulation qui ne peuvent pas être dévolus aux entités administratives chargées des fonctions de contrôle des marchés publics et des délégations de service public telles que définies à l’article 4 de la présente Directive.
              Ces mécanismes doivent garantir une régulation indépendante des marchés publics et des délégations de service public et une représentation tripartie et paritaire de l’Administration, du secteur privé et de la société civile.
              a)   Ces mécanismes de régulation doivent garantir l’exécution des missions comprenant notamment :
                 - la définition des politiques en matière de marchés publics ;
                 - la formation dans le domaine des marchés publics ;
                 - le maintien du système d’information des marchés publics ;
                 - la conduite des audits.
 
On observe ainsi qu’aucune disposition de la Directive n° 5 du 9 décembre 2005 portant contrôle et régulation des marchés publics et des délégations de service public dans l’UEMOA ne fixe, ni le nombre, ni la durée des mandats des organes de régulation, ni de leurs dirigeants. Par conséquent, le décret n° 2011- 143 du 27 janvier 2011 qui nomme le Directeur général de l’ARMP sans spécifier ni le nombre, ni la durée de son mandat ne viole aucune disposition de cette Directive. Ce décret est légal au regard de ladite directive.
             
 
II. Au regard du Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n° 06-16 du 30 juin 2006, le décret n° 2011-143 du 21 janvier 2011 portant nomination des DG/ de l’ARMP est légal.
 
  1. Le Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration + (COA), régi par la loi, n° 65-51 du 19 juillet 1965, a été modifié par la loi n° 06-16 du 30 juin 2006. Son article 30 nouveau légifère sur la régulation et le contrôle des marchés publics. La première phrase du premier paragraphe de cet article 30 nouveau dispose :
 
I. Il est créé une autorité administrative indépendante dénommée :                                 Autorité de Régulation des Marchés publics, bénéficiant de l’autonomie                      financière.
 
La suite de l’article fixe les grandes missions de l’Autorité de Régulation des Marchés publics et renvoie au décret pour le détail de ses compétences, son organisation et son fonctionnement. Cette loi s’attache à conférer à l’organe de Régulation les garanties d’indépendance ; aucune de ces dispositions n’inclut au nombre de ces garanties le statut de ses dirigeants ou membres en général, ni, en particulier, le nombre et la durée de leurs mandats.
 
  1.  
 
III. Au regard du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007, le décret n° 2011-143 du 27 janvier 2011 portant nomination du DG/ARMP est légal
 
  1. . Remarques préliminaires
 
  1. Quelques remarques sur la nature juridique du décret 2007-546 du 25 avril 2007 paraissent indiquées, pour éclairer la problématique de la légalité, à son égard, du décret n° 2011-143 du 27 janvier 2011.
  
1) Le droit administratif d’inspiration française distingue, du point de vue matériel, de leur contenu, trois principaux types d’actes administratifs unilatéraux ; l’acte réglementaire, l’acte non réglementaire et l’acte individuel ou collectif. L’acte réglementaire emprunte ses caractères à la loi ; les destinataires de l’acte individuel ou collectif sont connus ou identifiables. L’acte non réglementaire est hybride ; il emprunte certains de ses caractères à l’acte réglementaire et d’autres à l’acte individuel ou collectif. Ce sont, par exemple, les actes de classement ; les actes de répartition de services ; les actes de tutelle sur les collectivités décentralisées ; les actes sans destinataires identifiés (c’est le cas entre autres, de la déclaration d’utilité publique).
 
A ces trois types d’actes s’en ajoutent deux autres qui s’apparentent à l’acte réglementaire, mais qui sont soumis à des régimes juridiques propres. Il s’agit d’abord des mesures d’ordre intérieur, que tout chef de service doit prendre, même s’il n’est investi d’aucun pouvoir réglementaire, pour le bon fonctionnement de l’Administration placée sous son autorité. Il s’agit ensuite de la directive ; ce sont des règles qu’une autorité administrative titulaire du pouvoir réglementaire se fixe, s’impose, pour l’exercice de ses compétences. Ces directives n’ont pas le même sens que les directives communautaires ; celles-ci regroupent les règles, mécanismes, orientations que la Communauté demande aux Etats parties de transposer dans leurs législations internes. En droit administratif, la directive, ce sont des règles et des orientations qu’une autorité administrative s’impose librement pour l’exercice du pouvoir réglementaire dont elle est chargée. Par exemple, devant octroyer des primes, en l’absence des règles qui en déterminent les modalités, l’autorité administrative fixe la procédure qu’il entend suivre pour l’exercice de cette compétence. Pour éviter la confusion entre ces deux types de directives, il a été proposé d’appeler, lignes directrices celles émanant des autorités administratives.
Les mesures d’ordre intérieur, comme les lignes directrices, peuvent revêtir différentes formes. Quelle que soit leur dénomination ou leur apparence, il faut toujours s’en référer à leur contenu pour déterminer leur nature.
Depuis quelques années, les directives ministérielles, rebaptisées lignes directrices, connaissent un regain d’intérêt, sous l’impulsion du Conseil d’Etat français. Elles sont présentées comme un des outils de promotion du droit souple, (*) destiné à tempérer la rigueur du droit dur classique, contribuant ainsi à l’adaptation du droit administratif aux réalités d’une administration en constante mutation.
 
2) Le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’ARMP a toutes les apparences d’un acte réglementaire. Toutefois, à sa lecture, on constate quelques particularités :
Ce décret se borne à organiser les organes de la commande publique, à décrire leur fonctionnement au sens de relations entre ces organes et à fixer leurs missions et leurs attributions. Contrairement au décret n° 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des Marchés publics qui constitue aussi un acte réglementaire, il ne prescrit ni des droits, ni des obligations à l'égard des tiers. Il ne fait pas grief, n’est pas impératif et l’on n’imagine pas quel intérêt justifierait la recevabilité d’un recours à son encontre, sous réserve qu’un tel recours respecte la délimitation des domaines de la loi et du règlement prescrite par les actes des articles 67 et 76 de la Constitution.
Ce décret emprunte donc certains de ses caractères aux mesures d’ordre intérieur, aux actes non réglementaires, et surtout aux directives ministérielles rebaptisées lignes directrices. Ce décret s’apparente de manière évidente à des lignes directrices que le Gouvernement se serait données pour l’organisation et le fonctionnement des organes de la commande publique.
Les présentes remarques s’appliquent aux actes d’organisation dont la nature juridique mérite d’être précisée (décret de répartition des services ; actes fixant les attributions des organes et agents publics, etc.), d’autant que, même ceux qui ne font pas grief, servent de base légale pour l’exercice des compétences des organes qu’ils régissent.
 
B. Fondement de la légalité du décret n° 2011-143
du 27 janvier 2011 : le rapport de compatibilité
 
20. D’un point de vue statique, le respect de la légalité fait obligation à l’Administration de respecter tous les actes juridiques : les instruments internationaux, régionaux et communautaires, les lois, ainsi que ses propres actes édictés par les autorités administratives, et leurs subordonnées. Cela explique pourquoi, entre autres, l’autorité administrative doit respecter ses propres mesures d’ordre intérieur ou les lignes directrices qu’elle a édictées au même titre que ses propres actes réglementaires, non réglementaires, individuels ou collectifs.
 
D’un point de vue dynamique, on envisage la légalité d’un acte administratif au regard d’actes juridiques hiérarchiquement supérieurs, en l’occurrence, les traités internationaux, les actes communautaires et la loi. C’est cette opération que désigne l’expression rapport de légalité. Le principe de l’égalité s’impose à l’Administration différemment, selon que la règle de droit à respecter est posée par des instruments  internationaux, par une loi, ou par un acte administratif. Lorsque la règle dont le respect s’impose à l’Administration est posée par une loi ou des instruments internationaux, l’Administration est tenue par un rapport de conformité ; son acte doit être conforme à la loi ; l’Administration a compétence liée. Dans le cas d’étude présent, cela signifie que si le nombre et la durée des mandats du DG/ARMP avaient été fixés par la Directive n° 5 de l’UEMOA du 9 mai 2005, ou par le Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration, tel qu’il a été pris, le décret n° 2011-143 du 27 avril 2011 aurait été considéré comme illégal.
 
En revanche, lorsque l’acte de référence, dont le respect s’impose à l’Administration est un acte posé par elle-même, elle est tenue par un rapport de compatibilité. L’Administration dispose du pouvoir discrétionnaire ; l’acte subordonné est légal s’il est compatible avec l’acte de référence. Dans le cas de l’espèce, cela signifie que l’acte de nomination du DG/ARMP, en tant qu’il ne mentionne ni le nombre, ni la durée de son mandat est légal, si malgré l’omission ainsi consacrée, le décret de nomination reste compatible à l’acte de référence, en ce sens qu’il ne remet pas en cause le principe fondamental de la séparation des fonctions de contrôle et de régulation en matière de commande publique, ni l’indépendance de ses organes.
 
C. Aménagement de la légalité : la dérogation
 
21. Le décret n° 2011-143 du 27 janvier 2011 portant nomination du DG/ARMP sans fixation du nombre ni de la durée de son mandat, est une dérogation au décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 qui prescrit dans son article 24 alinéa 2 que ‘’Le Directeur général est nommé par décret, sur proposition du Conseil de Régulation pour un mandat de trois (3) ans renouvelable une (1) fois.
 
1. La dérogation est légale
 
22. L’autorité détentrice du pouvoir réglementaire peut, sous le contrôle du juge, par un acte individuel relevant de sa compétence, déroger à ses propres actes réglementaires ou non réglementaires, à ses mesures d’ordre intérieur ou à ses directives ou lignes directrices lorsque les circonstances ainsi que l’intérêt général du service le justifient.
Les dérogations aux règlements de la circulation en faveur des éléments de la sécurité ou de protection de la santé, les dérogations aux conditions d’exercice de certaines professions, les exonérations fiscales, les mesures de discrimination positive en faveur de certaines catégories de personnes, illustrent ce principe.
En droit français, la pratique des dérogations s’est développée à partir de deux domaines.
D’abord, en matière d’urbanisme. Une abondante jurisprudence sur les dérogations s’est développée depuis l’arrêt d’Assemblée du Conseil d’État du 18 juillet 1972 Ville de Limoges dont le principal considérant était ainsi conçu :
 
Considérant qu’une dérogation aux règles prescrites par un  règlement d’urbanisme ne peut légalement être autorisée que  si les atteintes qu’elle porte à l’intérêt général, que les prescriptions  du règlement ont pour objet de protéger, ne sont pas excessives eu   égard de l’intérêt général que présente la dérogation.
 
L’encadrement juridique des dérogations a permis un assouplissement remarqué du droit français de l’urbanisme.
Ensuite la technique des dérogations s’est développée à partir de l’arrêt de Section du Conseil d’État du 11 décembre 1970, Crédit Foncier de France relatif aux
directives ministérielles rebaptisées plus tard lignes directrices.
 
Ces deux arrêts, enrichis par la jurisprudence ultérieure ont posé les conditions de recours aux lignes directrices ainsi que des conditions de légalité aux dérogations qui peuvent leur être apportées. Il en résulte que les directives/lignes directrices ne sont pas assimilées aux actes réglementaires ou non réglementaires, mais constituent le fondement des mesures prises par les autorités qui les ont élaborées. Dans ces conditions, le juge de l’excès de pouvoir les soumet au même contrôle de légalité que celui réservé aux actes réglementaires et non réglementaires. Toutefois, l’autorité compétente peut déroger à ses propres lignes directrices lorsque l’examen de la situation individuelle ainsi qu’un motif d’intérêt général le justifient. Cette jurisprudence a joué un rôle important dans la promotion du droit souple par le Conseil d’État français (*).
 
Le décret n° 2007- 546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’ARMP, bien que, dans son contenu, comporte des similitudes avec des lignes directrices, est un acte réglementaire en droit positif sénégalais. C’est un acte pris dans le contexte du retour de l’État à l’économie, coexistant, paradoxalement avec certaines formes de libéralisme économique. On peut le considérer comme un acte de droit économique, ou de droit de l’économe. Pour des raisons différentes, ces doctrines économiques ne s’accommodent pas de la rigidité des textes, notamment en raison de la tendance des dirigeants à s’en affranchir au nom de l’efficacité. Dans un tel environnement, les textes juridiques se caractérisent par une grande mutabilité. Ils doivent constamment s’adapter aux mutations de l’économie. Pour s’inscrire dans la durée, ils devraient se borner à énoncer les standards, à poser des principes, laissant à l’Administration, sous le contrôle du juge, la latitude de les compléter par des lignes directrices.
La régulation occupe une place centrale dans ce nouvel environnement économique. Une certaine doctrine la qualifie de bureaucratie libérale. En ce sens, elle doit être suffisamment souple pour épouser et accompagner le processus de développement.
 
Le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 répond à ces exigences. Acte réglementaire, mais présentant certaines particularités des lignes directrices, il est  particulièrement adapté aux missions de régulation. L’absence de caractère impératif de ses dispositions permet qu’il y soit dérogé par le décret individuel de nomination de son Directeur général sur le point particulier relatif au nombre et à la durée de ses mandats.

La dérogation ainsi réalisée ne remet pas en cause la compatibilité de ce décret individuel avec ce texte de référence. En effet, le fait que le DG/ARMP soit nommé sans limitation de durée n’affecte pas négativement les objectifs assignés à la régulation par la directive n° 5 de l’UEMOA et la loi portant Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration dont les principaux sont : la séparation des organes de contrôle et de régulation ; la garantie d’une régulation indépendante des marchés publics et des délégations de service public ; la représentation tripartite de l’Administration, du secteur privé et de la société civile ; la définition des politiques en matière de marchés publics ; la formation dans le domaine des marchés publics ; le maintien du système d’information des marchés publics ; la conduite des audits ; la nature d’autorité administrative indépendante de l’ARMP ; l’autonomie financière de l’ARMP ; l’assistance aux autorités publiques dans l’élaboration des textes, l’application de ces textes ; la passation et l’exécution des marchés et des délégations de service public ; la conduite des missions d’enquête ; la sanction des personnes physiques et morales qui auront contrevenu à la Réglementation des marchés publics. À cela s’ajoute le type de mandat dont il bénéficie, mandat à durée indéterminé, n’est pas une singularité dans le secteur de la régulation. Ainsi,
 
Le fait que le décret n° 2011-143 du 27 janvier 2011 nomme le DG/ARMP pour une durée indéterminée, par dérogation au décret de référence n° 2007-546 du 25 avril 2007 qui prescrit qu’il devrait  être nommé pour trois (3) ans renouvelables une (1) fois, n’entrave en rien la réalisation de ces objectifs. Le décret 2011-143 du 27 janvier 2011 portant nomination du Directeur général de l’ARMP pour une  durée illimitée est donc légal en tant qu’il est compatible avec le décret 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement      de l’ARMP.
 
2. La dérogation est justifiée
 
23. Pour des motifs d’intérêt général liés à la réforme des organes de la commande publique, le Président de la République, détenteur du pouvoir de nomination aux emplois civils en vertu de l’article 44 de la Constitution, a pu, légalement, par décret n° 2011-143 du 27 janvier 2011, nommer le Directeur général de l’ARMP sans limitation de durée de mandat, par dérogation à l’article 24, al 2 du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007, portant organisation et fonctionnement de l’ARMP qui prescrit que ce cadre est nommé sous un mandat de trois (3) ans renouvelable une (1) fois.
 
24. La réorganisation des organes de la commande publique au Sénégal s’inscrit dans un processus qui a commencé avant la publication de la Directive n° 5 du 9 décembre 2005 portant contrôle et régulation des marchés publics et des délégations de service public dans l’UEMOA.
 
25. Le contexte dans lequel s’est développé ce phénomène mérite d’être présenté. Depuis 2004, la commande publique est régie par deux législations parallèles, voire concurrentes, celle relative aux marchés publics et délégations de service public dont le principal instrument juridique est le Code des Marchés publics et celle relative au partenariat public privé, plus récente, dont la réglementation a commencé en 2004. Le Gouvernement avait alors fait adopter deux lois : la loi n° 2004-13 du 1er mars 2004, relative aux contrats de Construction-Exploitation-Transfert d’Infrastructures (CET), et la loi n° 2004-14 du 1er mars 2004 instituant le Conseil des Infrastructures. Ces deux lois consacrent l’introduction au Sénégal de cette forme de partenariat public privé.

La Directive n° 5  du 9 décembre 2005 de l’UEMOA ne prend pas en compte les contrats de partenariat ; elle ne légifère que sur les marchés publics et les délégations de service public. Le Sénégal transpose cette directive par le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 et la loi n° 06-16 du 30 juin 2006, portant modification du Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration, mais parallèlement, poursuit le renforcement de sa législation sur le partenariat public privé par l’adoption de nouveaux textes. C’est dans ces conditions qu’aux contrats administratifs classiques se sont ajoutés les contrats de partenariat, nouveaux instruments de gestion du service public.
 
26. Les inconvénients de la coexistence, voire de la cohabitation de deux législations parallèles pour la commande publique ont conduit le Gouvernement à formaliser la réflexion et la procédure de réorganisation de ses organes. Deux initiatives ont été prises à cet effet :
La lettre n° 00751 PR/MSG du 7 novembre 2014, la lettre de mission de    Président de la République adressée à l’ARMP, avec pour objectifs :
de fusionner l’Autorité de Régulation des Marchés publics et le Conseil des Infrastructures, pour créer une Autorité de Régulation de la Commande publique composée de deux chambres : « marchés publics et concessions    de services publics » et « contrats de partenariat public privé » ; de supprimer le Comité national d’Appui aux Partenariats public-privé en   confiant ses attributions à la Direction centrale des Marchés publics ; d’ériger la DCMP en « Direction générale de la Commande publique.
 
L’arrêté primatoral n° 10298 du 13 mai 2015 portant création, organisation et fonctionnement du Comité de Réflexion sur la Rationalisation des Organes de la Commande publique (CROCP) publié au JORS n° 6884 du 7 novembre 2015, page 1538.
L’article 2 de cet arrêté est ainsi conçu :
 
Art. 2. – Le Comité, placé sous l’autorité du Premier Ministre, est un organe consultatif qui a pour mission de réfléchir et de faire des propositions de réforme en vue de la rationalisation  des organes de contrôle et de régulation de la commande publique ;
A ce titre, il est notamment chargé :
  • d’entreprendre toute étude ou réflexion relative aux
missions, à l’organisation et au fonctionnement des
organes de la commande publique ;
  • de formuler toute recommandation destinée à la
rationalisation des dits organes ;
  • d’étudier et de s’inspirer, le cas échéant, de l’expérience
de pays dont le système de gestion de la commande
publique peut servir de référence ;
  • de préparer les projets de textes issus de ses travaux.
 
Sur la base de ces instruments, les travaux de réforme des organes de la Commande publique se sont déroulés et seraient sur le point d’être validés.
 
Dans ce contexte, on comprend que sur certains points, il fallait déroger à certaines dispositions du décret n° 2007-546 du 25 avril 2005. La Directive n° 5 du 9 décembre 2005 de l’UEMOA que ce décret transposait, comme la loi n° 06-16 du 30 juin 2006 modifiant le Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration Code des Obligations de l’Administration du reste, n’avait pas pris en compte la nouvelle législation sénégalaise sur le partenariat public privé. Les compétences de l’ARMP définies dans ce contexte ne concernaient que les marchés publics et les délégations de service public. On peut donc considérer que la première dérogation à ce texte a consisté à impliquer l’ARMP dans l’activité de réforme des organes de la commande publique, c’est-à-dire dans une opération qui ne concerne pas les procédures des marchés et des délégations de service public.
 
27. La dérogation se justifie ainsi par le fait que l’organe exécutif de l’ARMP, son Directeur général doit s’impliquer dans cette réforme, la piloter de fait, bien qu’elle soit placée sous l’autorité du Premier Ministre ou de toute autre autorité politique. Elle se justifie aussi par le fait que l’expertise avérée du Directeur général en fonction sera nécessaire pour la conduite de cette réforme et qu’il doit rester disponible pour assister le Gouvernement dans la conduite de cette réforme. Dans cette perspective, la non-limitation de la durée de son mandat est apparue comme la formule la plus indiquée.
 
  1. Dérogation et difficultés d’application des textes  par l’autorité de nomination
 
  28. Il convient de ne pas confondre la dérogation avec les difficultés d’application des textes par l’autorité de nomination. En effet, toute divergence, ou incohérence entre un acte administratif et l’acte hiérarchiquement supérieur de référence est en principe une illégalité. C’est très exceptionnellement qu’une telle divergence ou incohérence peut être qualifiée de dérogation légale. Lors même que les conditions sont réunies pour que l’autorité administrative procède à une dérogation, le juge apprécie la légalité des motifs invoqués par l’Administration.
 
Ainsi, les nominations prématurées ou tardives au regard des prescriptions de la loi, les renouvellements prématurés ou tardifs des mandats,  les prorogations ou abrègements de la durée des mandats sont présumés illégaux jusqu’à preuve contraire. Il s’agit de présomptions d’illégalité, parce que certaines de ces situations résultent des difficultés d’application des textes ; c’est l’examen au cas par cas qui révèlera les situations d’illégalités.
 
Un exemple de telles difficultés d’application des textes est fourni par la chronologie des actes collectifs de nomination des membres du Conseil de Régulation de l’ARMP
 
L’article 9, al. 1er du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’ARMP dispose : ‘’Les membres du Conseil de Régulation sont nommés pour un mandat de trois (3) ans renouvelable une (1) fois’’. Cette disposition est identique à celle de l’article 24, al. 2 du même décret, relatif à la nomination du DG/ARMP.
 
La chronologie des actes collectifs de nomination des membres du Conseil de Régulation traduit les difficultés et hésitations du Gouvernement à prendre une décision de principe sur la durée des mandats des organes de Régulation. Ainsi :
 
a) Le décret n° 2007-1143 du 28 septembre 2007 portant nomination des membres du Conseil de Régulation (CR/ARMP) mentionne dans ses visas le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’ARMP. Dans son dispositif, à l’article 1er, il reprend le même décret, mais avec les précisions suivantes : ‘’Article 1er En application des articles 7 et 9 du décret n° 2007’’. Ensuite suivent les noms des membres nommés, sans référence à la durée de leur mandat. L’article 9 du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 étant inséré dans le dispositif même de l’acte de nomination, qui précise en outre qu’il est pris en application dudit article, la lecture normale de l’acte de nomination consiste en ce que les membres du CR/ARMP sont nommés pour un mandat de trois (3) ans renouvelable une fois (1) fois. Mais cette interprétation peut être contestée, surtout si l’échéance du mandat n’intervient pas rigoureusement, au 3ème anniversaire de la date de nomination. C’est précisément le cas dans la présente espèce.
 
b) Le décret n° 2010-1567 du 3 décembre 2010 portant nomination des membres du CR/ARMP dispose, comme suit dans le 1er alinéa de son article 1er
 
Article premier : - En application des articles 6, 7 et 9 du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des Marchés publics, sont nommés membres du        Conseil de Régulation de l’Autorité de Régulation des Marchés publics :
 
Son article 2 est ainsi conçu :
 
Article 2 : - Conformément aux dispositions de l’article 9 du décret  n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement  de l’ARMP, les mandats de messieurs …….ne sont plus renouvelables  à l’issue du présent exercice.
 
Ces dispositions confirment bien que les membres nommés par le décret n° 2007-1143 du 28 septembre 2007 l’avaient été pour un mandat de trois (3) ans.
 
Article 3 : - Le présent décret prend effet à compter du
1er novembre 2010
 
Le décret 2007-1143 portant nomination des membres du CR/ARMP était daté du 28 septembre 2011. Le 3è anniversaire de l’exercice des fonctions de ces membres devrait être le 27 septembre 2010 ; le présent décret aurait donc dû prendre effet à compter du 28 septembre 2010. En décidant qu’il prend effet à compter du 1er novembre 2010, il laisse supposer que les membres nommés le 28 septembre 2007, soient restés en fonctions pendant trois (3) ans et un (1) mois, en contrariété avec l’article 9 du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007. Les actes pris après expiration du mandat de trois ans sont ainsi présumés entachés d’incompétence temporelle.
 
c) Le décret n° 2013-1385 du 31 octobre 2013 portant nomination des membres du CR/ARMP intervient à bonne date, à l’expiration du précédent mandat qui avait débuté le 1er novembre 2010. Il présente la même structure que le décret 2010-1567.
Le mandat des membres qu’il nomme aurait dû prendre fin le 30 octobre 2016. Or, le nouveau décret de nomination des membres n’est intervenu que le 11 avril 2017, soit plus de cinq (5) mois après l’expiration du décret 2017-527 du 11 avril 2017 portant nomination des membres du CR/ARMP) Les actes pris par le Conseil de Régulation de l’ARMP pendant cette période peuvent être suspectés d’illégalité temporelle.
 
d) Le décret n° 2017-527 du 11 avril 2017 portant nomination des membres du CR/ARMP apporte d’importantes innovations, relativement à la détermination des mandats. Trois de ses articles concernent particulièrement cette question.
Article premier.- En application des dispositions des articles 6, 7  et 9 du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP),  le Conseil de Régulation est composé ainsi qu’il suit :
 
Comme les 2 précédents décrets, celui-ci intègre dans son dispositif l’article 9 du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 qui fixe la durée du mandat des membres du CR/ARMP.
 
Article 2.- Les membres du Conseil sont nommés pour un mandat  de trois ans renouvelable une fois.
 
Le présent article reproduit la disposition de l’article 9 du décret n°  2007-546 du 25 avril 2007 qui détermine la durée du mandat des membres du CR/ARMP. Cette technique légistique coupe court à toute interprétation erronée dudit article. Elle est salutaire, utile et facilite la bonne compréhension du texte.
 
Article 4.- Le décret n° 2013-1385 du 31 octobre 2013 portant  nomination des membres du Conseil de Régulation est abrogé.
 
Les membres nommés par le décret 2013-1385 du 31 octobre 2013 étaient toujours en fonction au moment de la promulgation de ce décret. Ainsi, leurs successeurs n’ayant été nommés que le 11 avril 2017, ils sont restés en fonction au-delà de la durée légale de leur mandat. Le décret qui portait leur nomination étant toujours en vigueur, le présent article l’abroge, met fin à ses effets pour l’avenir, mettant fin, de facto, au mandat des membres qu’il nomme.
 
Il faut maintenant souhaiter que le prochain décret de nomination des membres au CR/ARMP prenne effet le 12 avril 2020 pour éviter tout vide juridique.
 
 
4. La  technique de la dérogation
 
29  L’aménagement technique de la dérogation apparait sur la forme de l’acte de nomination du DG/ARMP. Il concerne aussi bien les visas que le dispositif de l’acte
 
30 Certaines mentions des visas méritent d’être relevées. Ainsi, ce décret pris sur le fondement de l’article 44 de la Constitution, mentionne les actes qui constituent son bloc de légalité, notamment le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’ARMP, mais ne vise pas l’article 24 al 2 de ce décret qui prescrit que le Directeur général est nommé pour un mandat de trois (3) ans renouvelable une (1) fois.

Certes, les visas des actes administratifs sont facultatifs, sauf ceux qui portent sur leur motivation, dans les cas où celle-ci est obligatoire, ou dans le cas des formalités substantielles. A la limite, par conséquent, le Président de la République pouvait nommer le DG/ARMP pour un mandat de trois (3) ans renouvelable une (1) fois, sans mentionner le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 dans les visas. Des décrets peuvent même être publiés sans aucun visa. Le visa peut donc avoir pour fonction l’information du citoyen. Il renseigne le citoyen que l’autorité administrative a bien pris en compte le texte visé.
En l’occurrence, le Président de la République a visé le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 pour signifier que c’est bien le DG/ARMP institué dans ce décret qui est nommé.

Deux autres visas s’apparentent davantage à des formalités substantielles : il s’agit du décret n° 2010-1641 du 9 décembre 2010 portant nomination des membres du Conseil de Régulation des Marchés publics, ainsi que de la mention que le décret est pris sur la ‘’proposition’’ de cet organe. Ces mentions se justifient par le fait qu’aux termes de l’article 24 al. 2 du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007, le Directeur général de l’ARMP est nommé par le décret ‘’sur proposition du Conseil de Régulation’’. C’est une formalité substantielle qui s’impose au Président de la République. Elle garantit l’indépendance de l’organe de régulation.
 
31. La forme du dispositif du décret de nomination du DG/ARMP concrétise son caractère dérogatoire. Ainsi, après avoir dûment visé le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 dont l’article  24 al. 2 prescrit que le DG/ARMP est nommé pour un mandat de trois (3) ans renouvelable une (1) fois, le décret de nomination dispose dans son article 1er que Monsieur… ‘’est nommé Directeur général de l’Autorité de Régulation des Marchés publics’’, sous-entendu : pour une durée illimitée, ou encore par dérogation à l’article 24 al 2 du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007. C’est une technique de légistique fréquente, de supprimer, modifier, déroger à certaines dispositions de manière implicite, par des dispositions contraires ou différentes.
 
D. Conséquences : légalité de la compétence
         temporelle du DG/ARMP
 
32. En dérogeant à un élément du statut du DG/ARMP, le Gouvernement voulait se donner le temps de conduire à bon port la réforme des organes de la commande publique avec l’assistance d’un expert expérimenté.
Le DG/ARMP exerce donc la plénitude de ses compétences.
Aucun horizon temporel ne lui est imposé. Sa compétence temporelle ne peut donc pas être contestée. L’absence d’horizon temporel n’affecte pas l’exercice de ses compétences matérielles. Son acte de nomination sert de base juridique légale pour les actes qu’il prend.
Le DG/ARMP reste en fonction, tant qu’il n’est pas mis fin à ses fonctions. Nommé à durée indéterminée, il peut être mis fin à ses fonctions à tout moment.
 
Section 2  Réponses à quelques objections
 
33. L’approche de cette problématique d’un point de vue du droit dur consisterait à considérer que le décret portant nomination du DG/ARMP devrait être conforme au décret  n° 2007-546 du 25 avril 2007. Il serait donc illégal en tant qu’il nomme le DG/ARMP pour une durée illimitée alors qu’au terme de l’article 24 al 2 de ce décret, le DG/ARMP est nommé pour un mandat de trois (3) ans renouvelable une (1) fois. De ce fait, ce décret serait entaché d’incompétence temporelle.

Cette incompétence temporelle comporterait deux variantes : l’acte serait entaché d’incompétence temporelle ab initio, dès sa création le 27 janvier 2011 ; tous les actes pris par le DG/ARMP dès sa nomination seraient illégaux pour défaut de base légale et incompétence temporelle.
L’autre variante de cette approche consiste à ne considérer comme illégaux que les actes pris par le DG/ARMP au-delà de la 6ème année suivant sa nomination. L’idée c’est qu’il aurait droit à deux mandats de trois ans, soit six ans au total. Nommé le 27 janvier 2011, il serait dans la légalité jusqu’au 27 janvier 2017, date à laquelle il aurait épuisé les six années auxquelles il aurait droit. A partir du 28 janvier 2017, il serait dans l’illégalité ; tous les actes qu’il pose seraient entachés d’incompétence temporelle.
 
34. Il y a lieu de répondre, d’une part, que la durée d’un acte se détermine au moment de sa création. L’acte de nomination du DG/ARMP est un acte à durée indéterminée ou illimitée ; il ne peut pas, en cours d’existence, se transformer en acte à durée déterminée expirant le 27 janvier 2017. D’autre part, dès lors que l’on choisit le rapport de conformité, le texte de référence doit être repris tel qu’il se présente. Le texte de référence ne vise nulle part un mandat de 6 ans ; la seule durée autorisée est celle de trois (3) ans, son renouvellement étant facultatif, laissé à l’appréciation de l’autorité de nomination. Ainsi, du strict point de vue du rapport de conformité, l’acte qui nomme pour une durée indéterminée, comme l’acte qui nomme pour six ans, ou pour une durée autre que trois ans serait illégal.
 
35. Si l’on va au bout de cette logique, on peut imaginer l’hypothèse extrême dans laquelle, les conditions de recevabilité et de délai étant réunies, le juge aurait annulé l’acte de nomination du DG/ARMP pour incompétence temporelle ou pour tout autre motif. Même dans cette hypothèse imaginaire, le droit administratif et le juge administratif disposent d’outils pour protéger les droits des citoyens et les prérogatives de l’Administration, par exemple :
 
  • Au niveau du législateur : la validation ou la ratification.
  • Au niveau de l’exécutif : la régularisation
  • Au niveau du judiciaire, plus particulièrement du juge administratif : le maintien d’effets illégaux de certains actes,  sous certaines conditions. en application de certaines théories consacrées par la jurisprudence, par exemple :
*La théorie du fonctionnaire de fait ;
*La gestion de fait
*La règle du service fait
*Le maintien des droits acquis ;
*Le principe de l’intangibilité des effets individuels des actes administratifs définitifs
*Le maintien des effets d’un marché conclu illégalement pour raisons impérieuses d’intérêt général. (Conseil d’État de Belgique)    
 
 
          Conclusion  De lege ferenda (conformément  à la loi qu’on souhaiterait  voir adoptée)
Pour une rationalisation de la durée
des mandats des Directeurs généraux
 
          36. Les observations qui précèdent montrent l’utilité d’une réforme de la durée des mandats des Directeurs généraux, notamment du Secteur parapublic, des Agences d’exécution, des Institutions de  régulation, mais aussi de l’Administration centrale, de l’Administration  déconcentrée, ainsi que des grands services publics non personnalisés.
 
          L’enjeu d’une telle réforme, c’est le renforcement de l’État de droit et de la bonne gouvernance, mais aussi  de l’autorité de l’État
 
          La difficulté de la tâche consistera à mettre en place un système qui comporte ses propres mécanismes de régulation et de régénération, le préservant ainsi des ambitions et intérêts personnels, assurant de ce fait sa pérennité.
 
          Les réformes sectorielles ayant atteint leurs limites, il n’est pas exclu qu’une telle initiative s’inscrive dans  la perspective d’une réforme globale de l’Administration, précédée des Etat généraux de l’Administration, avec en perspective, non pas la Fonction publique actuelle réformée, mais une autre fonction publique.
 
 
Dakar, le 20 mars 2020
Professeur Jacques Mariel NZOUANKEU
Ancien Professeur à la Faculté des Sciences   juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Directeur de la Revue des Institutions politiques administratives du Sénégal
                                             
(*) A propos du droit souple, voir
Conseil d’État (‘Français) , Le droit souple, Étude annuelle 2013
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