Dr Idrissa Yaya Diandy : ‘’L’inadaptation de la politique monétaire aux besoins des économies en zones CFA

Mardi 6 Novembre 2018

C’est le constat fait ce samedi 03 Novembre 2018 par le docteur Idrissa Yaya Diandy, enseignant, chercheur à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). C’était à l’occasion l’atelier sur ‘’le rôle de la monnaie dans les économies comme celle du Sénégal’’, qui se tenait à Saly-Portudal, à l’initiative du Collectif des journalistes économiques du Sénégal (COJES), en partenariat avec la Fondation Freiderich Ebert Stiftung.


Dr Idrissa Yaya Diandy, enseignant, chercheur à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD).
Dr Idrissa Yaya Diandy, enseignant, chercheur à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD).
Selon le Dr Diandy l’inadaptation de la politique monétaire aux besoins des économies en zones CFA résulte à la fois d’un problème de structure et ensuite de doctrine.
 
Au niveau de sa structure, le problème tient au fait que la politique monétaire en zones CFA est en partie inscrite dans les spécificités institutionnelles qui font exister ces deux monnaies à parité fixe avec l'Euro. D’où la question du fonctionnement du compte qui à son avis doit être explicité.
 
Ensuite, du point de vue de sa doctrine, il a noté qu’à l'intérieur même des règles de fonctionnement – pourtant fort étroites – des zones CFA, il existe des marges qui demeurent inemployées par les banquiers centraux, malgré d'immenses besoins financiers insatisfaits des pays membres’’.
 
Selon le Dr Diandy, à l'intérieur de structures institutionnelles, les choix opérés par les dirigeants des zones CFA accentuent davantage le caractère restrictif de la politique monétaire, au-delà de ce qu'imposent les règles légales de fonctionnement’’.
 
En effet, estime-t-il , quand un pays souhaite maintenir sa monnaie à parité avec une ou plusieurs autres monnaies, il doit acheter ou vendre sa monnaie contre des devises étrangères en fonction des fluctuations de l'offre et de la demande sur le marché monétaire’’, c’est classique.  Donc, si la monnaie nationale est très demandée, pour éviter qu'elle ne s'apprécie par rapport aux autres monnaies, la Banque centrale achète alors des devises en vendant sa monnaie nationale.
 
Elle engrange des devises et donc ses réserves augmentent. En revanche si la monnaie nationale est peu recherchée sur le marché monétaire, son cours va au contraire avoir tendance à se dégrader, la monnaie se dévalorise car il y a un excès chronique de l'offre de monnaie nationale contre devise. Pour défendre la parité, la Banque centrale doit donc intervenir pour acheter, sur les marchés des devises, la monnaie nationale dont elle a la garde en vendant des devises. Il faut alors que la parité soit défendable de ce point de vue, c'est à dire que l'objectif de change ne fasse pas de la monnaie nationale une monnaie ‘’trop forte’’.
 
La capacité de la Banque centrale à est donc limitée par les réserves qu'elle a réussi à constituer. Ici , sa capacité à constituer des réserves, ne repose sur aucune volonté de  défendre sa monnaie contre une dévalorisation par rapport aux autres monnaies, mais dépend  selon lui du solde de la balance courante. S'il est excédentaire, il dégage une épargne, qui se traduit par une augmentation de ses réserves de change ’’.
 
 Aussi, fait t-il noter que pour maintenir constante la parité de la monnaie nationale à un niveau défini a priori, il faut avoir continuellement des réserves de change en quantité suffisante, ce qui n'est pas facile surtout pour une petite économie dépendante, et si l'objectif de change est trop élevé.
 
L’alternative selon le Dr Diandy  serait  de décider d'imposer un contrôle des changes afin que la monnaie nationale soit sous-évaluée, c'est-à-dire que le taux de change soit adapté aux besoins de développement interne et permette d'exporter à bas prix. C'est la stratégie adoptée par la Chine depuis plusieurs décennies’
 
 
Ce qu'il convient de comprendre ici, c'est que  les comptes d'opération sont une jauge.  Ils remplacent en quelque sorte le taux de change en tant qu'émetteur de signal. S'ils se remplissent, le Trésor français sait qu'il ne paiera pas de sa poche les Euros remis aux banques centrales de la zone Franc.
 
En revanche, s'ils se vident trop, les fonctionnaires en charge de sa gestion tireront le signal d'alarme à l’approche du seuil des 20% parce que les Euros échangés contre des Francs CFA finiront par être payés par les contribuables de France… mais le système est simplement conçu pour que cela n'arrive pas. En effet, le Trésor français ne commence à ‘’aider’’ les Banques centrales africaines qu’au moment où ces dernières ont procédé au ‘’ratissage’’ de toutes les devises détenues dans leurs zones respectives, notamment auprès des banques commerciales, et même du FMI. C’est seulement après ce ratissage que le Trésor met les euros à disposition des Banques centrales.
 Drôle d’assureur que le Trésor français !
‘’La seule fois où les réserves ont beaucoup diminué, en 1993, le processus a abouti à la dévaluation de janvier 1994. La valeur externe du CFA est ainsi déléguée à une entité extérieure, le Trésor français, qui bénéficie de ces devises pour son le financement de la dette publique française’’. Clame-t-il. 
 
Néanmoins, il tempère car du point de vue de la France, le gain matériel apporté par la centralisation de ces devises sur les fameux comptes d'opérations est microscopique. La France est l'un des pays dont la dette publique est la plus attractive au monde et n'a pas besoin des réserves de change de ses anciennes colonies pour se financer.
 
Le principal intérêt du gouvernement français dans ce système, réside dans le fait  que quand les disponibilités en devises sont considérées comme devenant insuffisantes par le Trésor Français, les Banques Centrales en zone CFA doivent centraliser toutes leurs devises pour racheter les CFA détenus par des entreprises privées et des organismes publics.   
 
‘’La perpétuation d'un tel système après l'indépendance des pays des zones CFA est considérée  en Afrique comme en France d’ailleurs, comme scandaleuse. Pour lui, la grande violence symbolique du maintien très visible d'un rapport colonial doit être soulignée.  
 
Même si les pays de la zone CFA ne seraient pas en mesure de maintenir eux-mêmes la parité fixe avec l'euro, à supposer que cela soit nécessaire, le Dr Diandy, relève que la France se trouve en mesure d’assumer cette mission précisément parce que les économies des zones CFA représentent 7% du PIB de la France en 2014, pour une population deux fois et demi plus importante   
‘’En des termes moins polémiques » soutient-il,   ce système est faisable tant que les économies de la zone CFA demeurent de petite taille par rapport à  celle de la France. Dans son fonctionnement actuel, on peut douter de la capacité de ce système à permettre aux économies des deux sous régions d’émerger sur des bases endogènes plutôt qu’à contribuer à la perpétuation de son sous-développement et de sa dépendance, vis-à-vis des marchés internationaux de matières premières sur lesquels ces pays n’ont aucune prise et vis-à-vis des bailleurs de fonds étrangers.
 
Ainsi, lorsque les réserves baissent, les Banques Centrales de la zone CFA peuvent être tentées de chercher à durcir leur politique monétaire, en vue d’améliorer leur taux de couverture et de s’éloigner ainsi autant que possible du seuil fatidique des 20%,  tandis que l’UEMOA affiche une cible de convergence d’inflation à 3%, un tel affichage ne contribue pas à réduire l’incertitude.  
 
Par ailleurs, le durcissement des conditions de refinancement des banques permet de réduire les engagements à vue de la Banque centrale.  
 
Elles ne peuvent que ralentir le processus d’érosion du taux de couverture car elles ne permettent pas d’améliorer la compétitivité à l’exportation
 
De ce point de vue, la valorisation des exportations des zones CFA est conditionnée à l’évolution du taux de change entre l’euro et le dollar, lequel ne dépend quasiment pas de la politique monétaire pratiquée par les Banques Centrales des zones CFA. Les moyens d’action des Banques Centrales Africaines des deux zones pour améliorer leur taux de couverture sont à la fois limités et, dans bien des cas, délétères pour l’activité économique’’, a-t-il avancé. Ainsi, par exemple, une érosion des réserves en zones UEMOA et CEMAC a lieu depuis quatre ou cinq ans en raison de la dégradation de la conjoncture mondiale qui entraîne la baisse d’une partie des prix des matières premières.
 
Ismaila BA
Economie

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