Démographie africaine : une opportunité pour les caisses de retraite et le financement des économies

Lundi 4 Octobre 2021

Les populations africaines ont la plus faible couverture d’accès à une pension-retraite dans le monde selon les données du World Social Protection Report Data (2017-2019). Bien que le nombre de personnes en âge de recevoir une pension-retraite soit relativement faible en comparaison des autres régions du monde, peu de pays africains ont réussi à mettre en place des systèmes de retraite bien organisés.


Ainsi, la couverture en pension-retraite passe de près de 100% pour les personnes en âge d’en recevoir dans quelques pays, essentiellement d’Afrique australe, comme les Seychelles, l’île Maurice, le Botswana, la Namibie, le Lesotho et l’Afrique du Sud. Celle-ci est de moins de 10% dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Environ 10 pays ont un taux de couverture de plus de 50%. Certaines caisses de retraites sont même en déficits financiers et d’autres ont un fonctionnement précaire dans la mesure où les réserves techniques sont quasi insignifiantes. On pourrait même parler de «tontine de sécurité sociale» dans certains cas. Et pourtant, c’est là une source de capitaux longs et stables que les Etas du continent pourraient développer et mobiliser pour devenir un réservoir de capitaux longs à l’échelle du monde.  

A titre de comparaison, on notera que les actifs des fonds de pensions de Singapour dépassent 260 milliards d’USD, c’est-à-dire que les 5 millions de singapouriens ont environ 3 fois le total des ressources des caisses de retraites de toute l’Afrique hors Afrique du Sud à fin 2017, soit plus d’un milliard d’individus. A fin 2019, les fonds de pensions publics globaux détiennent plus de 17 mille milliards d’USD d’actifs, alors que les fonds souverains et les banques centrales détiennent respectivement 8 mille et 14 mille milliards d’USD. Les fonds de pensions sont donc les plus gros investisseurs publics à travers le monde. Les américains sont dominants avec plus de 7 mille milliards d’USD, suivis du Japon avec 2 mille milliards puis le Canada avec 1,5 mille milliards d’USD. L’essentiel de ces ressources est investi dans les marchés obligataires suivis des marchés actions. Ils participent ainsi au financement des infrastructures et des industries soutenant les secteurs publics et privés. 

Pour ces pays industrialisés, la baisse des taux de fécondité et l’allongement de l’espérance de vie exercent une pression sur leurs fonds de pensions, créant des déficits de financement. La conséquence directe est une anticipation de baisse  de leurs ressources dans les années à venir. En effet, la baisse des taux de fécondité affecte la situation de financement en réduisant le nombre de cotisants, les retraités n’étant pas entièrement remplacés par de nouveaux travailleurs. Si on compare à l’Amérique latine, on constate que les réformes faites depuis les années 1980 et 1990, dans les caisses de retraites, ont permis un essor considérable de l’épargne privée locale. C’est plus de 900 milliards d’USD à fin 2020 pour les 7 premiers pays que sont le Brésil, le Chili, la Colombie, le Mexique, le Panama, le Pérou et l’Uruguay. Les projections sont de l’ordre de 1,400 milliards en 2023.

En revanche, en Afrique, le total des actifs des caisses de pensions est d’environ 400 milliards d’USD. Hors Afrique du Sud, c’est moins de 100 milliards d’USD pour l’ensemble des pays. Le potentiel mobilisable est pourtant immense. Pour illustration, en ce qui concerne les capitaux disponibles, il faudrait noter que les fonds de pension namibiens pour 2 millions d’habitants et un taux de couverture des retraités de 100%, dépassent les 10 milliards d’USD et représentent environ 80% de son PIB.

Au Botswana, avec le même niveau de couverture et presque la même population, le total des actifs des fonds de pensions est de l’ordre 7,5 milliards d’USD. Mieux, il existe un lien étroit entre le développement du marché des pensions et l’industrie de la gestion d’actifs. Cette dernière, pour l’Afrique, est estimée à plus de 1000 milliards d’USD en 2020 (634 milliards en 2014) selon les projections de PricewaterhouseCoopers (PWC). Il s’agit des placements dans des produits financiers notamment les organismes de placements collectifs de valeurs mobilières (opcvm) pour seulement 12 pays dont : Angola, Algérie, Tunisie (marchés naissants), Egypte, Kenya, Botswana, Ghana et Nigeria (marchés prometteurs), Afrique du Sud, Maroc, Ile Maurice et Namibie (marchés avancés). Il reste un potentiel de plus de 40 pays à développer. Il est possible, à l’aide des outils numériques, d’amplifier les capacités des systèmes financiers africains dans la mobilisation des ressources existantes et nouvelles. Cela permettra aussi de toucher un nombre d’acteurs beaucoup plus important à la fois dans l’économie informelle et les zones rurales. Les caisses de retraites jouent un rôle central dans la mobilisation des capitaux et le développement de l’industrie financière.
 
Par ailleurs, dans la zone CFA, la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) de Côte d’Ivoire (avec ses 24 millions d’habitants) est l’une des plus importantes avec un total d’actifs en 2019 d’environ 529 milliards de F CFA (806 millions d’euros) et a pour ambition d’atteindre 1000 milliards de F CFA d’ici à 2023. Cette structure représente environ un dixième des actifs des fonds de pensions namibiens (2 millions d’habitants) et moins du quart des fonds de pension du Ghana, qui a à peu près la même population. Il faudrait toutefois saluer les bonnes performances de la CNPS ivoirienne avec les réformes engagées ces dernières années. Malheureusement, le manque de réformes dans ce secteur fait de la question des retraites, notamment dans le secteur public, un défi pour de nombreux pays gonflant la dette sociale. Or, l’Afrique, par la structure de sa population, est la seule région à présenter des opportunités crédibles d’accumulation d’épargne longue au niveau des fonds de pensions au cours de ce siècle, à condition que des réformes soient faites.

En effet, la dynamique démographique de l’Afrique est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Le continent comptait environ 230 millions d’habitants en 1950 ; 1,2 milliard d’habitants actuellement ; 2,5 milliards sont attendus en 2050 et 4 milliards pour 2100 selon les estimations des Nations Unies. Le Nigéria deviendrait la 3ème puissance démographique à l’horizon 2050, avec 410 millions d’habitants. 28 pays africains verront leur population doubler sur la même période. L’Afrique subsaharienne a l’indice synthétique de fécondité le plus élevé au monde avec 5 enfants par femme. Cette tendance est amplifiée par la baisse de la mortalité infantile et juvénile. Si l’on se réfère aux données des Nations Unies, la démographie juvénile africaine représente environ 47% de la population du continent. En 1950, elle était de 110 millions soit 10% de la population juvénile dans le monde. Elle est passée à 580 millions depuis 2015, soit 25% de la population juvénile mondiale. C’est quatre fois la taille de la population juvénile européenne. D’ici 2030, on estime que la population juvénile africaine va progresser pour atteindre 750 millions. A la moitié du siècle, l’Afrique abritera près de la moitié des enfants de la planète.

En conséquence, le taux de dépendance démographique (jeune) est très élevé dans de nombreux pays africains. Cet indicateur permet de bien comprendre l’évolution de la structure démographique du continent. L’âge médian des africains passera de 19 à 26 ans d’ici 2050 pendant que celui de l’Asie passera de 29 à 41 ans et celui de l’Europe de 40 à 45 ans. Cette situation affecte les projections d’investissements, de la consommation des ménages, les dépenses de santé, etc.  

En 2050, pour l’Afrique il y aura environ 10 personnes dans la tranche d’âge de la population active pour une personne au-dessus de 65 ans. Ce qui donne un atout considérable au continent en termes de potentiel d’épargne et de force de travail. C’est une opportunité pour les institutions financières comme les banques, les fonds de pension, les compagnies d’assurance, etc. d’accumuler l’épargne domestique pendant plusieurs décennies sans avoir la pression des paiements/remboursements que l’on observe dans des économies avancées qui ont une population vieillissante. 
 
En effet, un pays qui vieillit voit la consommation espérée des ménages se contracter comme une peau de chagrin, cela impacte directement sa croissance potentielle. Or, la plupart des pays développés et émergents ont des taux de fécondité inférieurs au seuil de remplacement qui est de 2,10. Le cas du Japon est particulier car le taux d’accroissement naturel de sa population est négatif, c’est-à-dire qu’il y a plus de décès que de naissances. La part des plus de 65 ans au Japon pourrait atteindre 40% en 2040, ce qui aura un impact direct sur le niveau des pensions et la capacité de production malgré la culture du shūshin koyō qui fait que de nombreux japonais continuent de travailler au-delà des 70 ans.

D’ici 2050, sa population aura baissé de 30% environ, puis de 60% d’ici la fin du siècle. Le même phénomène s’accélère en Europe, notamment en Russie et en Italie. En 2017, l’âge moyen en Italie était de 46 ans et la moitié de la population avait plus de 45 ans. L’Italie dépense actuellement 17% de son PIB pour payer les pensions-retraites contre 7,4% en 1970. 
Toutefois, si les pays africains ont plus de jeunes adultes que la population dépendante, ça ne changerait pas grand-chose si cette population active connaît des taux de chômage élevés ou bien si elle travaille essentiellement dans le secteur informel. En effet, le poids élevé du secteur informel dans les économies africaines affecte considérablement la contribution des institutions financières (formelles) au financement. Selon le rapport “Roaring to life: Growth and innovation in African retail  banking” de McKinsey publié en février 2018, seulement 5 pays (Egypte, Angola, Nigeria, Afrique du Sud et Maroc) représentent 68% du pool des revenus bancaires en Afrique par exemple. On y apprend que le nombre d’africains bancarisés est passé de 170 millions en 2012 à 300 millions en 2017, avec une projection de 450 millions en 2022. L’Egypte et l’Afrique du Sud sont considérées comme les marchés les plus matures avec un plus grand nombre de branches bancaires, 17 branches pour 100 mille adultes contre une moyenne de 5 pour le reste de l’Afrique. 
La priorité porte donc sur la création d’emplois durables dans le secteur formel. Il faudrait ainsi libérer la demande et impulser une croissance économique soutenue et inclusive pour absorber le plus d’actifs vivant en Afrique. Il faudrait promouvoir des politiques volontaristes au niveau national et au niveau des blocs régionaux, ainsi que l’essor d’un secteur privé local pour faciliter l’émergence de «champions africains». La mobilité, les industries manufacturières, les services aux personnes, l’agroalimentaire, le BTP, l’industrie de la santé, etc sont autant d’opportunités pour absorber ces millions de jeunes(lire davantage dans le livre sortir du collapsus économique – construire la puissance africaine).

 L’essor de caisses de pensions performantes soutient la mobilisation de capitaux longs et patients pour le financement de l’économie réelle.

https://www.financialafrik.com/

 
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1.Posté par Djaffa Antoine le 22/03/2022 09:46 (depuis mobile)
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