Or, tandis que la mondialisation est confrontée à sa plus grande menace depuis l’après-guerre, et que les déséquilibres économiques externes mondiaux sont voués à s’accentuer, le FMI brille aujourd’hui par son absence. Plutôt que de jouer un rôle actif dans la réduction des déséquilibres externes, il se concentre sur des questions qui ne relèvent pourtant pas de sa compétence, telles que le changement climatique et l’égalité des sexes.
Pourquoi le FMI n’attire-t-il pas l’attention sur la principale raison des actuels déséquilibres externes mondiaux ? Contrairement à ce que semble penser le président américain Donald Trump, ces déséquilibres ne résultent pas des droits de douane à l’importation ou d’une manipulation des taux de change, mais des politiques macroéconomiques inappropriées qu’appliquent les pays déficitaires comme excédentaires.
Ceux qui affichent d’importants déficits commerciaux adoptent des politiques monétaires et budgétaires qui les incitent à dépenser davantage dans la consommation et l’investissement que ce qu’ils produisent. À l’inverse, les pays qui enregistrent de forts excédents commerciaux appliquent des politiques macroéconomiques qui les incitent à dépenser moins dans la consommation et l’investissement que ce qu’ils produisent. Autrement dit, comme nous l’a enseigné John Maynard Keynes, les pays déficitaires sont ceux dans lesquels l’épargne nationale est inférieure à l’investissement, et les pays excédentaires ceux dans lesquels l’épargne nationale est supérieure à l’investissement.
Vu sous cet angle, il est facile de comprendre pourquoi, malgré les droits de douane plus élevés imposés par la première administration Trump, le déficit de la balance courante extérieure a augmenté d’environ 35 % (passant de 480 milliards $ à 647 milliards $) entre 2016 et 2020. Raison à cela, les politiques commerciales de l’administration américaine – droits de douane sur les importations en provenance de Chine, ainsi que sur l’acier et l’aluminium – ont été accompagnées de la loi de 2017 sur la réduction des impôts et la création d’emplois (TCJA), qui a réduit l’épargne nationale en creusant le déficit budgétaire, et qui a conduit à une augmentation de l’investissement en incitant celui-ci au travers de taux d’imposition moins élevés sur les sociétés.
Ce même angle de vue permet également de comprendre pourquoi la Chine et l’Allemagne enregistrent systématiquement d’importants excédents commerciaux depuis quelques années. Si la Chine est parvenue à cette situation, c’est parce que les ménages chinois accumulent une épargne particulièrement élevée en l’absence de filet de sécurité sociale susceptible de les soutenir durant leur vieillesse. Si c’est également le cas pour l’Allemagne, c’est parce qu’elle appliquait jusqu’à très récemment sa fameuse règle d’or budgétaire, qui a maintenu un niveau élevé d’épargne publique.
Mais revenons à 2025. Alors même que le déficit budgétaire des États-Unis atteint le niveau inquiétant de 6 % du PIB, l’administration Trump propose une nouvelle baisse d’impôts majeure, vouée à creuser ce déficit encore davantage. Trump entend non seulement prolonger la loi TCJA, mais également supprimer l’impôt sur le revenu en ce qui concerne les pourboires et la rémunération des heures supplémentaires, et offrir une déduction fiscale de 4 000 $ aux citoyens de plus de 65 ans. D’après le Comité américain pour un budget fédéral responsable, ces nouvelles mesures pourraient alourdir de plus de 5 000 milliards $ le déficit budgétaire sur les dix prochaines années. À nouveau, il faudra s’attendre à ce qu’un déficit budgétaire encore plus élevé vienne creuser le déficit commercial extérieur des États-Unis, pour la même raison qu’il s’était aggravé durant la première administration Trump.
Où est donc passé le FMI ? Pourquoi n’insiste-t-il pas sur les dangers que les baisses d’impôts voulues par Trump feraient peser sur l’économie mondiale si elles étaient mises en œuvre ? Si nous parvenions jusqu’à ce stade, un nouveau creusement du déficit commercial américain pourrait conduire l’administration Trump à surenchérir dans sa politique de rétorsion via les droits de douane. Dès lors, les partenaires commerciaux des États-Unis riposteraient probablement, avec pour conséquence ce type de politiques économiquement destructrices du chacun pour soi qui se sont révélées si désastreuses dans les années 1930.
Au-delà d’une nécessaire mise en garde sur l’aggravation de déséquilibres externes causés par un plus profond déficit budgétaire américain, il est nécessaire que le FMI élabore une feuille de route pour remédier aux déséquilibres mondiaux actuels, sans provoquer de récession planétaire. Cette feuille de route pourrait inclure des recommandations sur la manière dont les États-Unis pourraient remettre de l’ordre dans leurs finances publiques, dont la Chine pourrait faire croître la consommation des ménages en déployant un meilleur filet de sécurité sociale, et dont l’Allemagne pourrait stimuler l’investissement européen en élevant substantiellement ses dépenses publiques.
Durant la crise de la dette souveraine européenne de 2010, le FMI avait joué un rôle utile dans l’élaboration et le suivi des programmes économiques qui ont aidé les États membres de la zone euro à rétablir un équilibre économique externe et interne. S’il est un moment auquel le FMI doit jouer un rôle similaire de surveillance économique multilatérale efficace, c’est bien aujourd’hui. La mondialisation est actuellement en réel danger d’effondrement, et l’une de ses principales institutions manque à l’appel.
Desmond Lachman, chercheur principal à l’American Enterprise Institute, a été directeur adjoint du département d’élaboration et d’examen des politiques du Fonds monétaire international, et directeur de la stratégie économique relative aux marchés émergents chez Salomon Smith Barney.
© Project Syndicate 1995–2025
Pourquoi le FMI n’attire-t-il pas l’attention sur la principale raison des actuels déséquilibres externes mondiaux ? Contrairement à ce que semble penser le président américain Donald Trump, ces déséquilibres ne résultent pas des droits de douane à l’importation ou d’une manipulation des taux de change, mais des politiques macroéconomiques inappropriées qu’appliquent les pays déficitaires comme excédentaires.
Ceux qui affichent d’importants déficits commerciaux adoptent des politiques monétaires et budgétaires qui les incitent à dépenser davantage dans la consommation et l’investissement que ce qu’ils produisent. À l’inverse, les pays qui enregistrent de forts excédents commerciaux appliquent des politiques macroéconomiques qui les incitent à dépenser moins dans la consommation et l’investissement que ce qu’ils produisent. Autrement dit, comme nous l’a enseigné John Maynard Keynes, les pays déficitaires sont ceux dans lesquels l’épargne nationale est inférieure à l’investissement, et les pays excédentaires ceux dans lesquels l’épargne nationale est supérieure à l’investissement.
Vu sous cet angle, il est facile de comprendre pourquoi, malgré les droits de douane plus élevés imposés par la première administration Trump, le déficit de la balance courante extérieure a augmenté d’environ 35 % (passant de 480 milliards $ à 647 milliards $) entre 2016 et 2020. Raison à cela, les politiques commerciales de l’administration américaine – droits de douane sur les importations en provenance de Chine, ainsi que sur l’acier et l’aluminium – ont été accompagnées de la loi de 2017 sur la réduction des impôts et la création d’emplois (TCJA), qui a réduit l’épargne nationale en creusant le déficit budgétaire, et qui a conduit à une augmentation de l’investissement en incitant celui-ci au travers de taux d’imposition moins élevés sur les sociétés.
Ce même angle de vue permet également de comprendre pourquoi la Chine et l’Allemagne enregistrent systématiquement d’importants excédents commerciaux depuis quelques années. Si la Chine est parvenue à cette situation, c’est parce que les ménages chinois accumulent une épargne particulièrement élevée en l’absence de filet de sécurité sociale susceptible de les soutenir durant leur vieillesse. Si c’est également le cas pour l’Allemagne, c’est parce qu’elle appliquait jusqu’à très récemment sa fameuse règle d’or budgétaire, qui a maintenu un niveau élevé d’épargne publique.
Mais revenons à 2025. Alors même que le déficit budgétaire des États-Unis atteint le niveau inquiétant de 6 % du PIB, l’administration Trump propose une nouvelle baisse d’impôts majeure, vouée à creuser ce déficit encore davantage. Trump entend non seulement prolonger la loi TCJA, mais également supprimer l’impôt sur le revenu en ce qui concerne les pourboires et la rémunération des heures supplémentaires, et offrir une déduction fiscale de 4 000 $ aux citoyens de plus de 65 ans. D’après le Comité américain pour un budget fédéral responsable, ces nouvelles mesures pourraient alourdir de plus de 5 000 milliards $ le déficit budgétaire sur les dix prochaines années. À nouveau, il faudra s’attendre à ce qu’un déficit budgétaire encore plus élevé vienne creuser le déficit commercial extérieur des États-Unis, pour la même raison qu’il s’était aggravé durant la première administration Trump.
Où est donc passé le FMI ? Pourquoi n’insiste-t-il pas sur les dangers que les baisses d’impôts voulues par Trump feraient peser sur l’économie mondiale si elles étaient mises en œuvre ? Si nous parvenions jusqu’à ce stade, un nouveau creusement du déficit commercial américain pourrait conduire l’administration Trump à surenchérir dans sa politique de rétorsion via les droits de douane. Dès lors, les partenaires commerciaux des États-Unis riposteraient probablement, avec pour conséquence ce type de politiques économiquement destructrices du chacun pour soi qui se sont révélées si désastreuses dans les années 1930.
Au-delà d’une nécessaire mise en garde sur l’aggravation de déséquilibres externes causés par un plus profond déficit budgétaire américain, il est nécessaire que le FMI élabore une feuille de route pour remédier aux déséquilibres mondiaux actuels, sans provoquer de récession planétaire. Cette feuille de route pourrait inclure des recommandations sur la manière dont les États-Unis pourraient remettre de l’ordre dans leurs finances publiques, dont la Chine pourrait faire croître la consommation des ménages en déployant un meilleur filet de sécurité sociale, et dont l’Allemagne pourrait stimuler l’investissement européen en élevant substantiellement ses dépenses publiques.
Durant la crise de la dette souveraine européenne de 2010, le FMI avait joué un rôle utile dans l’élaboration et le suivi des programmes économiques qui ont aidé les États membres de la zone euro à rétablir un équilibre économique externe et interne. S’il est un moment auquel le FMI doit jouer un rôle similaire de surveillance économique multilatérale efficace, c’est bien aujourd’hui. La mondialisation est actuellement en réel danger d’effondrement, et l’une de ses principales institutions manque à l’appel.
Desmond Lachman, chercheur principal à l’American Enterprise Institute, a été directeur adjoint du département d’élaboration et d’examen des politiques du Fonds monétaire international, et directeur de la stratégie économique relative aux marchés émergents chez Salomon Smith Barney.
© Project Syndicate 1995–2025