NOUVELLE ARCHITECTURE FINANCIERE MONDIALE : Le rôle éminent des banques centrales

Mercredi 5 Novembre 2025

Dans la nouvelle architecture financière mondiale, les pistes africaines pour canaliser les ressources ne manquent pas, mais dans leur mission, les Banques centrales devront aller au-delà de la simple politique monétaire pour aider à la mobilisation de ces ressources, en parfaite intelligence avec les gouvernements.


L’idée de « souveraineté financière » a été avancée : pour que l’Afrique gagne en autonomie, elle doit d’abord gagner en capacité à financer ses propres priorités. Le panel de clôture de la 5ème édition de l’Africa Financial Industry Summit (AFIS) qui a baissé le rideau, ce mardi 4 novembre 2025 à Casablanca (Maroc), a démarré sur un constat : cette année, l’Afrique subsaharienne fait face à une baisse de 16 à 28 % de l’aide publique au développement, une pression accrue des droits de douane, et une crise aiguë de liquidité et de devises pour les banques commerciales. Alors que le service de la dette extérieure a atteint un record de 89 milliards de dollars l’an passé, où trouver les financements nécessaires, notamment pour les PME, la transition verte, les infrastructures numériques et les projets de santé ?

Les gouverneurs des principales économies africaines ont débattu des leviers de résilience interne, en reconnaissant unanimement que l’Afrique ne manque pas de ressources, mais plutôt de mécanismes pour les canaliser vers les projets de développement..

Dans un environnement global de plus en plus contraignant, il y a nécessité d’ajuster l’architecture financière et le rôle des banques centrales et des régulateurs serait de sécuriser l’accès aux devises, maîtriser les réserves, stabiliser les changes et appuyer la confiance. Sans confiance, les capitaux restent hors des frontières. Il faut des marchés crédibles, une régulation forte, et un climat d’investissement clair.
 
Intégration, confiance et innovation
 
 
Les échanges ont permis d’arriver à la conclusion que, pour canaliser les capitaux domestiques vers l’investissement local, il faut des instruments adaptés (marchés obligataires locaux, sukuk verts, titres infrastructurels), mais surtout des cadres réglementaires solides pour inspirer confiance (droits de propriété, transparence, qualité des projets). En gros, un écosystème permettant aux PME d’accéder aux marchés et aux investisseurs institutionnels d’être acteurs.  

Cependant, il a été souligné que les fonds collectés en Afrique — fonds de pension, assurances, banques commerciales — restent majoritairement investis hors du continent, alors que les besoins en interne (infrastructures, transition énergétique, santé, numérique) sont énormes. Mais comment les banques centrales peuvent-elles stimuler la mobilisation des ressources nationales ? En allant au-delà de la politique monétaire. Pour Jean Claude Kassi Brou, Gouverneur de la BCEAO, « Les banques doivent en faire plus au niveau de la mobilisation des ressources non seulement en interne, mais aussi au niveau de la diaspora », estime-t-il.

Par ailleurs, les gouverneurs ont reconnu que pour financer l’agenda de développement à venir (transition énergétique, secteurs productifs, infrastructure), l’innovation financière et technologique doivent être mises à contribution. La transformation digitale du secteur financier est vue comme un levier clé pour réduire les coûts, élargir l’accès, et mobiliser les masses d’épargne (y compris via fintechs, insurtechs), ainsi que l’a fortement soutenu André Wameso, Gouverneur de la Central Bank of Congo. Selon lui, « les fintechs africaines, par leur capacité à exploiter les données comportementales et transactionnelles, pourraient devenir un levier clé pour rétablir la confiance et fluidifier l’accès au financement ». En fait, l’Afrique n’a pas d’autre choix car, selon M. Wameso, « Si nous devons emprunter les chemins classiques, nous en avons pour 3-4 siècles alors qu’à travers la digitalisation et l’IA, nous pouvons faire un grand bond en avant. »

Le panel a permis de situer les implications stratégiques et mis en avant la nécessité de coopérer à l’échelle régionale : unir les petits marchés, mutualiser les risques, créer des plateformes inter‑étatiques pour les échanges, la monnaie, les paiements. Les gouverneurs ont aussi appelé à partager les bonnes pratiques, les succès africains, pour inspirer l’accélération plutôt que rester dans l’attente de contagion externe.

Pour le secteur privé et les investisseurs, il convient de repenser les risques africains ; investir dans les infrastructures financières locales (marchés de capitaux, titres longs, monnaies locales) plutôt que de dépendre uniquement de capitaux étrangers.
Quant aux États et les législateurs, ils ont la responsabilité de créer les conditions (réglementation, incitations, transparence) pour que l’épargne africaine soit investie en Afrique et pour que la finance joue un rôle productif dans l’économie.

Dans cet écosystème, les partenaires internationaux doivent déplacer le paradigme en passant de l’aide à l’investissement en Afrique, dans des conditions mutuellement bénéfiques et alignées avec les priorités africaines. Les domaines d’investissement prioritaires qui ont été évoqués sont relatifs aux infrastructures, énergie, santé, transformation industrielle.

L’importance du capital humain et de la jeunesse africaine a été soulignée comme facteur clé de succès pour bâtir un secteur financier performant. Et c’est là qu’interviennent les autorités étatiques.

Le 5ᵉ AFIS 2025 à Casablanca s’est achevé en appelant à « la construction d’une souveraineté financière africaine fondée sur l’intégration, la confiance et l’innovation. »

Quelques regrets

On peut tout de même regretter l’absence de détails sur les modalités exactes de mise en œuvre des instruments évoqués (ex : quelles garanties, quels marchés obligataires locaux, quel calendrier). On ne connaît pas non plus comment sera suivie la mobilisation de cette épargne institutionnelle africaine — qui fera quoi, dans quelle juridiction ?
Rappelons que plus de 1 250 décideurs, régulateurs et acteurs financiers d’Afrique ont pris part à cet important sommet, venant de banques, institutions financières, régulateurs et, des engagements concrets ont été certes annoncés.

C’est le cas de la International Finance Corporation (IFC) qui a annoncé 310 millions de dollars d’investissements dans plusieurs pays africains (Égypte, Éthiopie, Maroc) visant à soutenir les petites entreprises et la création d’emplois.

Toutefois, le sommet ne livre pas une feuille de route complète, nominative, transparente pour chaque pays/gouverneur, ni un mécanisme de suivi ou d’évaluation public.
Malick NDAW , Casablanca
Actu-Economie

La rédaction

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