
Nous en sommes une illustration concrète. Et ce n’est pas pour rien que notre groupe de presse et nos titres en portent le label Sud. En fait c’est en droite ligne du dialogue Nord-Sud né de la confrontation des idées de l’époque. Et si nous avons pu réussir ce que nous avons réussi ou, en tout cas être là où nous sommes arrivés avec un certain nombre de choses réalisé c’est parce que, quelque part, des hommes et des femmes se sont engagés dans la bataille des idées qui gouvernent le monde et ont pu influencer de larges secteurs, de larges segments, sans peut-être même avoir pu évaluera leur juste mesure l’impact des idées qu’ils agitaient, surtout dans leur confrontation. Le débat sur le NOMIC a été obscurci par des questions telles que celles :
1) de la personnalité de Monsieur Mbow,
2) de la fonction de directeur général de l’UNESCO,
3) du contrôle de cette fonction et de cette agence par des États du Nord et du Sud, parce qu’on a parlé de multilatéralisme.
Mais ce multilatéralisme, il faut en voir les limites parce que c’étaient des États qui composaient ces organisations. Est-ce que ces États étaient représentatifs des peuples ou pas ? Ça, c’est une autre question.
Dans tous les cas je me réjouis d’avoir été influencé par ce débat et, avec un certain nombre de camarades, d’avoir pu faire ce que nous avons fait, ne serait-ce que pour la chose suivante : c’est que ce débat nous a permis de prendre conscience des enjeux du système international mais également des tâches générationnelles qui étaient les nôtres. Ce débat nous a également permis d’accéder à une conscience politique qui a débouché sur une exigence de formation renforcée par une conscience professionnelle aiguë, parce que nous avons éprouvé aussi le besoin de nous former, parce que la conscience politique à elle seule ne suffit pas. S’il faut être un acteur dans un secteur donné, il faut en maîtriser les techniques. Et pour cela, je dis encore merci à Monsieur Mbow, aux gens de sa génération, à ses collaborateurs et à tous ceux qui ont partagé son combat et ses idées, de nous avoir ouverts au monde, de nous avoir ouvert le monde et de nous avoir ouvert les yeux.
Ce combat est politique. Monsieur Mbow a été combattu… a eu une conscience politique. C’est ce qui l’a amené à s’engager en politique. C’est un homme politique, après tout. On retient souvent l engagement du directeur général de l’UNESCO, mais ce Monsieur, quand même, a été membre d’organisations politiques. Il a été à des combats politiques pour amener notre pays à l’indépendance, ensuite transformer notre pays qui était sous le joug du néocolonialisme. Et je crois que ce combat-là, pour l’éveil et la prise de conscience, la maîtrise de leur destin par les peuples africains et du tiers monde, l’a amené à engager un certain nombre de chantiers quand il était à l’UNESCO. N’oubliez pas qu’en Afrique, il a eu des détracteurs, y compris dans son propre pays. Oui, Monsieur Mbow a été lâché à un moment donné par les autorités de ce pays. Cela, on ne l’a pas souvent dit, hier comme aujourd’hui, parce que l’Histoire bégaie et, la deuxième fois, on dit que c’est une tragédie. Nous vivons une situation tragique.
Ce Monsieur, je me rappelle que, quand il est rentré au Sénégal, pour ne pas gêner les autorités de ce pays, il s’est installé au Maroc. Et, jeune journaliste à l’époque, je l’ai trouvé au Maroc. Il est venu personnellement me chercher à l’aéroport de Casablanca, m’a conduit à son domicile à Rabat, la nuit, sous une pluie battante. En arrivant, nous y avons trouvé Raymonde, son épouse Nous n’avons même pas eu le temps de la saluer aussi chaleureusement que je l’aurais voulu. Après un dîner frugal Monsieur Mbow s’est prêté à mes questions de jeune journaliste curieux, toute la nuit. Nous avons terminé vers 4 heures du matin, je crois. Et je devais reprendre l’avion vers 9 heures ou 10 heures, donc repartir sur Casablanca.
Il fallait rompre le black-out que son pays avait fait sur lui. Non seulement on l’a lâché au dernier moment, mais ensuite on ne voulait plus entendre parler d’Amadou Mahtar Mbow. Pourquoi ? Parce que, pour sortir ce pays du marasme, il y avait eu un consensus sur sa personne. Et son nom avait été cité dans les chancelleries occidentales et aussi par des Sénégalais, des Africains. Et à un moment donné, les Français avaient caressé l’idée d’envoyer le président de l’époque aux Nations-Unies, où il pouvait exercer ses talents de fonctionnaire à l’International, et le nom de Mbow avait été avancé pour le remplacer à la téte de l’Etat ; c’était dans les années 90. Je me le rappelle, parce que quand je suis revenu, à Sud-Hebdo nous avons fait un papier, d’une page ou deux, sur Amadou Mahtar Mbow. Évidemment, je me suis fait taper sur les doigts. On m’a convoqué très tôt à la Direction de la Sûreté : parce on m’accusait d’être devenu le directeur de campagne de Mbow. C’est dire que quand on parle du NOMIC, le but était quand même qu’il fallait dans nos États et dans nos pays, un nouvel ordre national.
Mbow portait ce combat, lui et ses collaborateurs. Mais étant dans une institution multilatérale, les idées qui étaient émises là-bas, et qui, peut-être ont été défaites en termes de résolutions et de contrôle du pouvoir au sein de son institution, ont germé et ont permis à des gens comme nous de nous en saisir et d’arriver à une meilleure maîtrise du flux interne, tout au moins, et de décloisonner le système médiatique qui était dominé par ce qu’on appelait à l’époque les médias d’État. Et les hommes politiques de l’époque d’ailleurs - je parle sous le contrôle de Amath Dansokho qui est un aîné et qui nous a soutenus et accompagnés - ne posaient pas le problème en terme de nouvel ordre national de l’information ni de pluralisme des médias. Ils posaient le problème de l’accès aux médias du service public, parce que pour eux, qui étaient un peu sous l’empire du système dominant, il fallait se battre pour avoir plus de visibilité à la télévision nationale, plus de voix à la radio et plus de présence dans le quotidien national.
Et c’était cela aussi l’une des faiblesses du combat politique qui n’était pas relayé au sein de nos pays, sauf peut-être par quelques jeunes. Je crois qu’il est important de le dire. Quand nous avons créé Sud-FM, la première radio privée du Sénégal, le 1er juillet 1994, la première voix dans cette radio était celle d’Amadou Mahtar Mbow pour rendre hommage à son combat qui avait permis un tel événement.
Alors, ironie de l’histoire, après l’émission inaugurale avec Monsieur Mbow, nous avions passé Madame Wade dont le mari était en prison. Et pour nous, c’était une façon de dire : « oui, il faut que ces gens-là aussi puissent s’exprimer ». C’était la première ou l’unique fois où Madame l’épouse du chef de l’État actuel s’adressait en wolof aux Sénégalais, à la suite d’un parcours initiatique à la fois ardu et inédit. Sur les ondes de Sud FM, la troisième personne qui a parlé, c’était la maman de l’ancien ministre de l’Energie, Samuel Sarr, qui est gambienne. Pour nous, c’était un peu cette réalité sénégambienne qu’il fallait illustrer, en soutenant Samuel Sarr qui se trouvait en prison avec Maître Abdoulaye Wade et compagnie, suite à l’affaire de l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel, Maître Babacar Seye. C’était pour dire que nous faisions une radio pluraliste et que nous annoncions la couleur dès le départ. Plus tard, nous lancions Sud FM Banjul après avoir couvert le territoire national avec des stations régionales sur la bande FM. C’était, je crois, des moments importants.
Mais Monsieur Mbow, vous êtes aussi à l’origine de la création du SYNPICS. Je prends à témoin Diatou Cissé qui est là. Je suis à l’aise pour le dire, parce que je fais partie des membres fondateurs. Ce sont ces idées-là qui nous ont permis de nous organiser. Vous êtes aussi à l’origine de la création de l’UJAO (Union des Journalistes de l’Afrique de l’Ouest), qui comprend 16 États de la CEDEAO, enfin 15 maintenant, avec le retrait de la Mauritanie. Vous êtes à l’origine de la redynamisation de l’UJA (Union des Journalistes africains). Vous êtes à l’origine du MISA (Media Institute For South of Africa), qui comprend toutes les organisations des médias d’Afrique australe et du Sud et qui ont contribué à la lutte anti-apartheid de manière décisive. Vous êtes à l’origine de ce qui s’est passé à la Pana, première agence panafricaine d’information, mais plus directement du projet WANAD (West African News Agency Development) pour le renforcement des capacités des agences de presse d’Afrique de l’Ouest, qui a connu un tel succès avec un Sénégalais à sa téte, Babacar Fall, qu il a été reproduit en Afrique centrale, avec le CANAD (Central African News Agency Development) et en Afrique australe.
Cela a permis le renforcement des capacités des agences nationales en leur fournissant des équipements et en assurant la formation, ce qui était novateur : on ne les formait plus seulement aux techniques du journalisme, mais en relations internationales, dans des domaines spécialisés. Le siège était à Cotonou. L’autre siège était à Yaoundé. Je pense donc qu’on est loin du compte. C’est vrai, on est loin du compte et vous avez raison de souligner les manquements, les insuffisances et les menaces. Mais en même temps, quand on regarde la moitié de la bouteille qui est pleine, on se dit qu’il reste encore à remplir l’autre moitié. Au président Mbow, je dis au nom de tous les miens : « Merci du fond du cœur ». Bonne anniversaire Rendez-vous pour votre centenaire. Que Dieu vous Protège vous Bénisse.
Par Babacar Touré , RP221.com
1) de la personnalité de Monsieur Mbow,
2) de la fonction de directeur général de l’UNESCO,
3) du contrôle de cette fonction et de cette agence par des États du Nord et du Sud, parce qu’on a parlé de multilatéralisme.
Mais ce multilatéralisme, il faut en voir les limites parce que c’étaient des États qui composaient ces organisations. Est-ce que ces États étaient représentatifs des peuples ou pas ? Ça, c’est une autre question.
Dans tous les cas je me réjouis d’avoir été influencé par ce débat et, avec un certain nombre de camarades, d’avoir pu faire ce que nous avons fait, ne serait-ce que pour la chose suivante : c’est que ce débat nous a permis de prendre conscience des enjeux du système international mais également des tâches générationnelles qui étaient les nôtres. Ce débat nous a également permis d’accéder à une conscience politique qui a débouché sur une exigence de formation renforcée par une conscience professionnelle aiguë, parce que nous avons éprouvé aussi le besoin de nous former, parce que la conscience politique à elle seule ne suffit pas. S’il faut être un acteur dans un secteur donné, il faut en maîtriser les techniques. Et pour cela, je dis encore merci à Monsieur Mbow, aux gens de sa génération, à ses collaborateurs et à tous ceux qui ont partagé son combat et ses idées, de nous avoir ouverts au monde, de nous avoir ouvert le monde et de nous avoir ouvert les yeux.
Ce combat est politique. Monsieur Mbow a été combattu… a eu une conscience politique. C’est ce qui l’a amené à s’engager en politique. C’est un homme politique, après tout. On retient souvent l engagement du directeur général de l’UNESCO, mais ce Monsieur, quand même, a été membre d’organisations politiques. Il a été à des combats politiques pour amener notre pays à l’indépendance, ensuite transformer notre pays qui était sous le joug du néocolonialisme. Et je crois que ce combat-là, pour l’éveil et la prise de conscience, la maîtrise de leur destin par les peuples africains et du tiers monde, l’a amené à engager un certain nombre de chantiers quand il était à l’UNESCO. N’oubliez pas qu’en Afrique, il a eu des détracteurs, y compris dans son propre pays. Oui, Monsieur Mbow a été lâché à un moment donné par les autorités de ce pays. Cela, on ne l’a pas souvent dit, hier comme aujourd’hui, parce que l’Histoire bégaie et, la deuxième fois, on dit que c’est une tragédie. Nous vivons une situation tragique.
Ce Monsieur, je me rappelle que, quand il est rentré au Sénégal, pour ne pas gêner les autorités de ce pays, il s’est installé au Maroc. Et, jeune journaliste à l’époque, je l’ai trouvé au Maroc. Il est venu personnellement me chercher à l’aéroport de Casablanca, m’a conduit à son domicile à Rabat, la nuit, sous une pluie battante. En arrivant, nous y avons trouvé Raymonde, son épouse Nous n’avons même pas eu le temps de la saluer aussi chaleureusement que je l’aurais voulu. Après un dîner frugal Monsieur Mbow s’est prêté à mes questions de jeune journaliste curieux, toute la nuit. Nous avons terminé vers 4 heures du matin, je crois. Et je devais reprendre l’avion vers 9 heures ou 10 heures, donc repartir sur Casablanca.
Il fallait rompre le black-out que son pays avait fait sur lui. Non seulement on l’a lâché au dernier moment, mais ensuite on ne voulait plus entendre parler d’Amadou Mahtar Mbow. Pourquoi ? Parce que, pour sortir ce pays du marasme, il y avait eu un consensus sur sa personne. Et son nom avait été cité dans les chancelleries occidentales et aussi par des Sénégalais, des Africains. Et à un moment donné, les Français avaient caressé l’idée d’envoyer le président de l’époque aux Nations-Unies, où il pouvait exercer ses talents de fonctionnaire à l’International, et le nom de Mbow avait été avancé pour le remplacer à la téte de l’Etat ; c’était dans les années 90. Je me le rappelle, parce que quand je suis revenu, à Sud-Hebdo nous avons fait un papier, d’une page ou deux, sur Amadou Mahtar Mbow. Évidemment, je me suis fait taper sur les doigts. On m’a convoqué très tôt à la Direction de la Sûreté : parce on m’accusait d’être devenu le directeur de campagne de Mbow. C’est dire que quand on parle du NOMIC, le but était quand même qu’il fallait dans nos États et dans nos pays, un nouvel ordre national.
Mbow portait ce combat, lui et ses collaborateurs. Mais étant dans une institution multilatérale, les idées qui étaient émises là-bas, et qui, peut-être ont été défaites en termes de résolutions et de contrôle du pouvoir au sein de son institution, ont germé et ont permis à des gens comme nous de nous en saisir et d’arriver à une meilleure maîtrise du flux interne, tout au moins, et de décloisonner le système médiatique qui était dominé par ce qu’on appelait à l’époque les médias d’État. Et les hommes politiques de l’époque d’ailleurs - je parle sous le contrôle de Amath Dansokho qui est un aîné et qui nous a soutenus et accompagnés - ne posaient pas le problème en terme de nouvel ordre national de l’information ni de pluralisme des médias. Ils posaient le problème de l’accès aux médias du service public, parce que pour eux, qui étaient un peu sous l’empire du système dominant, il fallait se battre pour avoir plus de visibilité à la télévision nationale, plus de voix à la radio et plus de présence dans le quotidien national.
Et c’était cela aussi l’une des faiblesses du combat politique qui n’était pas relayé au sein de nos pays, sauf peut-être par quelques jeunes. Je crois qu’il est important de le dire. Quand nous avons créé Sud-FM, la première radio privée du Sénégal, le 1er juillet 1994, la première voix dans cette radio était celle d’Amadou Mahtar Mbow pour rendre hommage à son combat qui avait permis un tel événement.
Alors, ironie de l’histoire, après l’émission inaugurale avec Monsieur Mbow, nous avions passé Madame Wade dont le mari était en prison. Et pour nous, c’était une façon de dire : « oui, il faut que ces gens-là aussi puissent s’exprimer ». C’était la première ou l’unique fois où Madame l’épouse du chef de l’État actuel s’adressait en wolof aux Sénégalais, à la suite d’un parcours initiatique à la fois ardu et inédit. Sur les ondes de Sud FM, la troisième personne qui a parlé, c’était la maman de l’ancien ministre de l’Energie, Samuel Sarr, qui est gambienne. Pour nous, c’était un peu cette réalité sénégambienne qu’il fallait illustrer, en soutenant Samuel Sarr qui se trouvait en prison avec Maître Abdoulaye Wade et compagnie, suite à l’affaire de l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel, Maître Babacar Seye. C’était pour dire que nous faisions une radio pluraliste et que nous annoncions la couleur dès le départ. Plus tard, nous lancions Sud FM Banjul après avoir couvert le territoire national avec des stations régionales sur la bande FM. C’était, je crois, des moments importants.
Mais Monsieur Mbow, vous êtes aussi à l’origine de la création du SYNPICS. Je prends à témoin Diatou Cissé qui est là. Je suis à l’aise pour le dire, parce que je fais partie des membres fondateurs. Ce sont ces idées-là qui nous ont permis de nous organiser. Vous êtes aussi à l’origine de la création de l’UJAO (Union des Journalistes de l’Afrique de l’Ouest), qui comprend 16 États de la CEDEAO, enfin 15 maintenant, avec le retrait de la Mauritanie. Vous êtes à l’origine de la redynamisation de l’UJA (Union des Journalistes africains). Vous êtes à l’origine du MISA (Media Institute For South of Africa), qui comprend toutes les organisations des médias d’Afrique australe et du Sud et qui ont contribué à la lutte anti-apartheid de manière décisive. Vous êtes à l’origine de ce qui s’est passé à la Pana, première agence panafricaine d’information, mais plus directement du projet WANAD (West African News Agency Development) pour le renforcement des capacités des agences de presse d’Afrique de l’Ouest, qui a connu un tel succès avec un Sénégalais à sa téte, Babacar Fall, qu il a été reproduit en Afrique centrale, avec le CANAD (Central African News Agency Development) et en Afrique australe.
Cela a permis le renforcement des capacités des agences nationales en leur fournissant des équipements et en assurant la formation, ce qui était novateur : on ne les formait plus seulement aux techniques du journalisme, mais en relations internationales, dans des domaines spécialisés. Le siège était à Cotonou. L’autre siège était à Yaoundé. Je pense donc qu’on est loin du compte. C’est vrai, on est loin du compte et vous avez raison de souligner les manquements, les insuffisances et les menaces. Mais en même temps, quand on regarde la moitié de la bouteille qui est pleine, on se dit qu’il reste encore à remplir l’autre moitié. Au président Mbow, je dis au nom de tous les miens : « Merci du fond du cœur ». Bonne anniversaire Rendez-vous pour votre centenaire. Que Dieu vous Protège vous Bénisse.
Par Babacar Touré , RP221.com