MOBILITE BANCAIRE AU SENEGAL : Entre réticence des banques et manque d'information des clients

Lundi 17 Novembre 2025

Changer de banque devrait être simple, c'est un droit. Pourtant, au Sénégal, ce mécanisme est un véritable parcours d'obstacles. Entre la méconnaissance des clients et la résistance active des établissements financiers qui craignent de perdre leur clientèle, la mobilité bancaire reste largement entravée, révélant un fossé entre la loi et la pratique. Un expert dénonce les procédures imposées et suggère des sanctions pour forcer la transparence et la fluidité.


Bien que la mobilité bancaire soit un droit fondamental censé simplifier la vie des usagers, son application au Sénégal révèle un fossé entre le droit et la pratique. Ce mécanisme, qui permet de transférer facilement ses comptes d'une banque à l'autre, est parsemé d'embûches, d’une part, en raison d'un déficit d'informations et, d’autre part, de la réticence des institutions financières, selon Mouhamed Dia, un expert du secteur.

Comme le précise M. Dia, la mobilité bancaire est un dispositif visant à simplifier le changement de banque pour l'usager. Il ne s'agit pas simplement de fermer un compte pour en ouvrir un autre. Ce mécanisme engage aussi la nouvelle banque à prendre en charge les formalités de transfert : notification des fournisseurs, mise à jour des coordonnées bancaires, et transfert des virements et prélèvements. L'ancienne banque doit également jouer un rôle actif en fournissant les informations nécessaires à la transition.

Le principal obstacle à la fluidité de la mobilité bancaire réside dans le faible niveau de littératie financière des clients sénégalais. Un taux de bancarisation modeste signifie que beaucoup ignorent l'existence même de cette option.

« Les clients n'estiment pas pleinement la mobilité bancaire et pensent qu’une fois un compte ouvert avec domiciliation, il devient impossible de changer d’établissement bancaire », explique M. Dia. Cette méconnaissance est aggravée par le manque de communication des banques, et leur réticence naturelle à voir leur clientèle migrer vers une autre banque.

Pour les clients, les raisons légitimes de vouloir changer d'établissement sont nombreuses. Cheikhou Oumar Diallo, de l’Association des consommateurs du Sénégal (ASCOSEN) en cite pèle mêle, notamment : un accueil peu courtois, des délais d’attente en agence, un manque de réactivité aux réclamations, des frais bancaires jugés trop élevés, des difficultés d’accès au crédit ou un changement de situation personnelle/professionnelle.

Le défi majeur vient des banques elles-mêmes, qui dissuadent fréquemment les clients. M. Dia note que les établissements bancaires brandissent souvent la complexité et le risque du changement, notamment la crainte de ne pas percevoir son salaire à temps. « À l’ère du numérique, la mobilité bancaire devrait s’effectuer rapidement. Toutefois, certaines banques maintiennent des procédures lourdes dans le seul but de dissuader les clients et de les contraindre à demeurer au sein de la même institution », déplore l'expert.   

A cela s’ajoutent, selon M. Diallo, l’application de frais de clôture, de transfert ou d’inactivité élevés, de longs délais pour l’obtention d'attestations d'engagements, des lenteurs administratives, qui forcent les clients à des allers-retours incessants entre les deux banques.

Paradoxalement, la digitalisation, qui devrait simplifier les démarches, est entravée par la réticence des banques sénégalaises à abandonner le système papier. Ce manque de confiance dans le numérique conduit à une utilisation concomitante des deux modalités, ralentissant considérablement le processus.

Dans ce contexte, les banques digitales et les fintechs représentent une menace pour les institutions traditionnelles, en offrant plus de flexibilité et de simplicité. Pour l'expert, c'est une opportunité pour l'inclusion financière.

Pour rendre le processus plus fluide et transparent, des mesures réglementaires sont urgentes. L'Observatoire de la qualité des services financiers (OQSF) travaille d’ailleurs, sur un projet visant à accélérer les délais de traitement.

M. Dia quant à lui, insiste sur le rôle essentiel de la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et des autorités réglementaires. Elles devraient agir comme auditeur et juge, en exigeant des rapports détaillés sur la mobilité bancaire de chaque établissement.
« Il conviendrait d’instaurer des sanctions à l’encontre des établissements bancaires qui ne faciliteraient pas la mobilité, accompagnées d’un contrôle rigoureux », suggère-t-il.

Malgré les difficultés actuelles, M. Dia reste néanmoins optimiste. Avec une meilleure sensibilisation et la pression des clients, notamment via les réseaux sociaux, la mobilité bancaire ne pourra que s'accroître, et ainsi garantirait que les offres les plus avantageuses soient proposées aux consommateurs.
Adou FAYE
 
 
 
Actu-Economie

La rédaction

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