Politique Monétaire : En 2014, la BCE va devoir faire de l'anti-Fed

Samedi 21 Décembre 2013

Avec le début de la réduction des rachats d'actifs outre-Atlantique, la BCE va subir une pression plus importante pour assouplir sa politique.


La Fed a donc lancé le mouvement. Elle va entamer progressivement la décélération de ses rachats d'actifs de 85 à 75 milliards de dollars par mois. Cette décision de commencer ce « tapering » tant craint par certains a été plutôt bien reçu par les marchés. Mais elle place la BCE face à la nécessité d'accélérer le découplage de sa politique monétaire avec celle de la Réserve fédérale.

Le risque conjoncturel

Comme le souligne Gilles Moëc, économiste à la Deutsche Bank, la BCE va devoir en 2014 faire face à deux défis principaux. Le premier n'est pas lié directement au tapering. C'est celui d'une reprise plus faible que prévu, avec une transmission du crédit qui ne fonctionne toujours pas, notamment en raison des anticipations des banques face aux stress tests de la BCE dans son rôle de superviseur unique européen sans vrai mécanisme de résolution en regard.
Dans ce cas, « le mieux et le plus efficace serait certainement de pratiquer des rachats directs de titres privés », estime Gilles Moëc en faisant référence à des déclarations du chef économiste et membre du directoire de la BCE Peter Praet  qui avait estimé que ceci était une « option. »

Les conséquences du tapering pour la zone euro

Mais la BCE va également devoir faire face aux conséquences du tapering. Le principal scénario du risque lié à la politique de la Fed, c'est un effet de contagion par lequel les taux allemands et français remonteraient modérément à la suite de celle des Treasuries(obligations d'Etat américaines), alors que les obligations périphériques de la zone euro progresseraient proportionnellement plus vite, creusant ainsi les fameux spreads. « Cela n'aura pas d'impact direct sur la croissance, mais poserait un problème de fragmentation du marché du crédit dans la zone euro et de refinancement de pays comme l'Espagne ou l'Italie », indique Gilles Moëc.
Jacques Cailloux, économiste chez Nomura, estime lui aussi, que, compte tenu de la situation économique et du marché du crédit « une remontée precipitée des taux en zone euro serait aujourd'hui des plus malvenues et demanderait une réponse immédiate de la BCE. »

La réaction possible à la hausse des spreads

Dans ce cas, que pourrait faire la BCE ? Plusieurs options sont sur la table afin d'augmenter la liquidité dans le système bancaire européen et favoriser à la fois la baisse des taux périphériques et le crédit aux entreprises : la fin de la « stérilisation » du programme de rachat de dette sur les marchés (Securities Markets Programme ou SMP) lancé en mai 2010, l'abaissement du niveau des réserves obligatoires ou même un nouveau programme de distribution de liquidité à long terme (LTRO).
Cette dernière option est jugée « hautement probable » par les experts de HSBC. « Sur une base conditionnelle, ceci permettrait de réduire les effets du tapering sur la hausse des taux et de faire chuter l'euro », souligne ces derniers. Jacques Cailloux estime qu'un « découplage des taux longs est quasiment impossible à éviter » entre la zone euro et les Etats-Unis. Ce qui devrait contraindre la BCE à intervenir de façon quantitative puisque la marge en ce qui concerne les taux de refinancement est quasiment nulle désormais. 

La BCE déterminée

« Ce qui semble certain », affirme Gilles Moëc, « c'est que le discours des responsables de la BCE a été extrêmement accommodant depuis la dernière baisse des taux en novembre. » « Du reste, cette baisse des taux visait sans doute à préparer l'action de la Fed. Il y a donc une détermination avec un certain nombre d'instruments qui, jadis apparaissaient tabous, et qui semblent aujourd'hui tout à fait réalistes », ajoute l'économiste

Découplage Fed-BCE

Autrement dit, face au tapering américain, à une croissance faible, au risque de déflation et à l'impossible transmission du crédit, la BCE pourrait être obligée de prendre le chemin inverse de la Fed en s'engageant dans ce qui pourrait ressembler à Quantative Easing à l'européenne (qui, il est vrai, a déjà modestement commencé).
Un découplage des politiques monétaires des deux côtés de l'Atlantique est-elle possible ? Il a en réalité déjà commencé puisque, pendant que la Fed préparait les marchés à la décélération du QE, la BCE a deux fois baissé les taux et mis en place le « forward guidance. »
« Il est faux de penser que le découplage entre la Fed et la BCE est impossible à mettre en œuvre », affirme Gilles Moëc, qui rappelle qu'entre 2004 et 2005, la BCE avait refusé de suivre pendant 17 mois le processus de relèvement des taux de la Fed. Bref, en 2014, l'Atlantique pourrait encore s'élargir.
Latribune.fr
 
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