PECHE : Lutte contre l’utilisation de poissons sauvages dans les chaines d’approvisionnement de l’aquaculture

Mardi 31 Mars 2020

Un nouveau rapport de la fondation Changing Markets classe les dix principaux détaillants britanniques en fonction de la manière dont ils abordent les implications de la durabilité des fruits de mer et d'élevage qu'ils vendent. Et que près d'un cinquième des débarquements mondiaux de poisson est utilisé pour produire de la farine et de l'huile de poisson pour nourrir le bétail et les poissons d'élevage en aquaculture.


PECHE : Lutte contre l’utilisation de poissons sauvages dans les chaines d’approvisionnement de l’aquaculture
Au fur et à mesure que cette industrie se développe, elle exerce une pression croissante sur certains stocks de poissons utilisés pour produire la farine et l’huile de poisson.
 
En Afrique de l'Ouest, les stocks de petits pélagiques, en particulier la sardinelle, traditionnellement pêchés par les pêcheurs artisanaux, transformés par les femmes et consommés par la population locale, sont de plus en plus surexploités pour alimenter les usines de farine de poisson en Mauritanie, au Sénégal et en Gambie, ce qui met en péril la sécurité alimentaire de la région ouest-africaine.
 
Dans ce contexte, poursuit ledit rapport, en octobre 2019, la fondation Changing Markets a publié un rapport approfondi sur la catastrophe de la production de farine de poisson dans le monde, y compris le cas de la Gambie.
 
Il y était indiqué que l'industrie de la farine de poisson "précipitait l'effondrement des stocks de poissons, compromettait la sécurité alimentaire et détruisait le tissu social et économique des communautés vivant à proximité des zones de pêche historiques, à un moment où les océans sont poussés au bord du gouffre par les effets du changement climatique, de la pollution et de la surexploitation".
 
Poursuivant sa campagne intitulée "Fishing the feed" (pêche au fourrage), Changing Markets a publié un rapport qui évalue les dix premiers supermarchés britanniques sur la manière dont ils abordent l'utilisation du poisson sauvage dans leurs chaînes d'approvisionnement en aquaculture.
 
Selon le rapport, les acheteurs britanniques ont consommé sans le savoir 172 g de poisson sauvage pour 100 g de poisson d'élevage mangé, dont ‘’la quasi-totalité aurait pu être consommée directement par les gens’’.
 
Le supermarché le moins performant en matière de durabilité des océans est ALDI, avec des politiques et des pratiques qui "ne sont pas à la hauteur de l'image de durabilité qu'il cultive".
 
‘’Même si le score moyen était de 60 %, sept détaillants sur dix ont obtenu moins de 30 %, y compris le supermarché haut de gamme Waitrose’’, lit-on dans le rapport qui ajoute que Changing Markets appelle tous les détaillants à ‘’éliminer progressivement’’ et à ‘’mettre fin’’ à l'utilisation de poissons sauvages pour nourrir les poissons d'élevage avant 2025.
 
Selon un nouveau rapport-choc, des millions de tonnes de poissons sont prélevées dans la nature chaque année pour produire de la farine et de l’huile de poisson, principaux ingrédients des aliments pour poissons d’élevage, ce qui menace la sécurité alimentaire et fait courir le risque d’un effondrement de la vie marine.
 
Par ailleurs, le rapport ‘’Until the seas run dry : how industrial aquaculture is plundering the oceans’’ (Petits poissons ne deviendront pas grands: ou comment l’aquaculture industrielle pille les océans) est une publication de la fondation Changing Markets et de Compassion in World Farming.
 
Il passe en revue les dernières recherches scientifiques sur l’impact de la pêche minotière, qui transforme les poissons sauvages en farine et huile de poisson, et sur l’absence de transparence et de durabilité dans le secteur des aliments pour poissons.
 
Le rapport met en évidence le fait que les principaux producteurs de nourriture pour poissons, dont Cargill Aqua Nutrition, Skretting, Mowi (anciennement Marine Harvest) et Biomar, se procurent de la matière brute dans les pays d’Afrique de l’Ouest et d’Amérique latine, où ce secteur met en péril la sécurité alimentaire et la santé des écosystèmes par des pratiques de pêche non durables et par la pollution que génèrent les usines de farine de poisson.
 
Le rapport fait état de ‘’vives préoccupations’’ quant aux effets sur l’environnement et les droits de l’homme qui accompagnent l’utilisation de farine et d’huile de poisson dans les aliments aquacoles produits par une industrie multimilliardaire, et il demande l’arrêt de cette pratique.
 
Outre ses ‘’effets préjudiciables’’ sur la sécurité alimentaire et sur l’environnement marin, cette pratique favorise la surpêche, la pêche illicite et les violations des droits de l’homme dans le cadre des opérations de pêche d’espèces sauvages.
 
Natasha Hurley, directrice de campagne pour la fondation Changing Markets, déclarait que ‘’l’aquaculture a été encensée comme source de protéines saines et peu onéreuses, et comme moyen de réduire la pression qui s’exerce sur des stocks halieutiques sauvages surexploités. Ce rapport montre que le secteur ne tient pas ses promesses parce qu’il continue à dépendre de la capture de poissons sauvages’’.
 
Il est urgent, selon elle, de prendre des mesures pour ‘’renforcer la transparence et la durabilité de la chaîne d’approvisionnement de l’industrie aquacole’’, et pour l’affranchir complètement de sa dépendance aux poissons pêchés dans la nature.  
 
Ces dernières années, 45 usines de farine de poisson ont été construites le long des côtes d’Afrique de l’Ouest, entre le Sénégal et la Mauritanie. Nombre d’entre elles, détenues par des intérêts chinois, transforment des poissons pélagiques en farine.
 
En réponse à l’installation de ces ‘’usines très polluantes’’, des manifestations locales ont éclaté un peu partout et ont conduit à la fermeture de certaines d’entre elles.
 
En outre, l’exploitation intensive des ressources marines dans la région a entraîné la surexploitation de plus de 50 % des ressources halieutiques, alors que l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) recommande la réduction de la pêche aux sardinelles dans la région.
 
Au Pérou, où se trouve la plus grande pêcherie minotière à espèce unique, environ 150 000 tonnes d’anchois péruviens sont utilisées chaque année, selon un récent rapport, pour produire illégalement de la farine de poisson, alors que cette pêche devrait approvisionner la consommation humaine directe.
 
Pourtant, dans le même temps, le pays est en proie à la malnutrition, qui touche notamment les enfants et les communautés vulnérables.
 
L’aquaculture est le secteur de production alimentaire qui connaît la plus forte croissance au monde, et la FAO prévoit qu’elle représentera 60 % de la consommation mondiale de poissons d’ici 2030, soit une hausse importante par rapport à sa part actuelle d’un peu plus de 50 %.
 
Paradoxalement, le secteur dépend fortement de poissons sauvages, avec plus de 69 % de la production de farine de poisson et 75 % de la production d’huile de poisson qui servent à nourrir les poissons d’élevage.
 
Le marché mondial des farines de poisson s’élevait à environ 6 milliards de dollars (5,3 milliards d’euros) en 2017 et devrait atteindre 10 milliards de dollars (8,9 milliards d’euros) d’ici 2027.
 
‘’Lorsque nous examinons les conséquences négatives de l’utilisation de poissons sauvages dans les farines et huiles de poisson, nous ne devons pas oublier l’impact considérable que ces industries ont sur le bien-être animal. Alors que l’aquaculture industrielle est en pleine croissance, le nombre d’animaux en souffrance dans ces systèmes d’élevage intensif se multiplie et ajoute une autre dimension généralement invisible’’, a indiqué Krzysztof Wojtas, directeur de la politique halieutique chez Compassion in World Farming.
 
‘’La plupart des gens ne sont pas conscients des souffrances que vivent des centaines de milliards de petits poissons qui meurent dans des conditions atroces sur d’immenses navires de pêche industrielle dans le but d’alimenter ces élevages sous-marins industriels. Le secteur doit remédier au plus vite à cette crise’’, a-t-il insisté.
 
Carina Millstone, directrice exécutive de Feedback, ajoute, pour sa part, qu’il est clair que le maintien du statu quo dans le secteur aquacole en ce qui concerne les farines et huiles de poisson appauvrit dangereusement les ressources océaniques et menace l’intégrité des écosystèmes marins’’.
 
Elle explique que le secteur cherche certes des alternatives protéinées durables, mais n’agit pas assez rapidement pour éviter les conséquences potentiellement catastrophiques sur l’état de l’océan et la sécurité alimentaire.
 
Sur un autre registre, la FAO rappelle que depuis 1961, la croissance annuelle mondiale de la consommation de poisson est le double de la croissance démographique, ce qui montre que le secteur de la pêche est déterminant dans la réalisation de l’objectif de la FAO qui est de ‘’libérer le monde de la faim et de la malnutrition’’.
 
La première partie ‘’Situation mondiale’’ du rapport 2018 sur La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture présente les statistiques mondiales officielles des pêches et de l’aquaculture de la FAO.
 
En 2016, la production halieutique mondiale a atteint une valeur record d’environ 171 millions de tonnes, le secteur de l’aquaculture comptant pour 47 pour cent de ce chiffre, voire 53 pour cent si l’on exclut la production destinée à des utilisations non alimentaires, y compris la production de farine et d’huile de poisson.
 
La production de la pêche de capture étant relativement stable depuis la fin des années 1980, c'est à l'aquaculture que l'on doit la croissance continue et impressionnante de l'offre de poisson destiné à la consommation humaine. 
 
Serigne Makhtar Fall
 
Actu-Economie


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