
Tandis que la population africaine devrait quasiment doubler pour dépasser les 2 milliards d’habitants en 2050, les villes africaines sont sous pression. Les nouveaux urbains seront près de 300 millions. Assainissement, accès à l’eau, à l’électricité, construction de logements, infrastructures de transport, de santé, d’éducation : les défis sont colossaux et le temps presse. Pour l’Afrique sub-saharienne, le besoin d’investissements dans les villes est estimé à 25 milliards de dollars par an. « Nous sommes très loin d’atteindre ce chiffre. D’ailleurs le déficit se creuse chaque année. L’ampleur de ce qui se prépare en matière de croissance urbaine sur le continent n’est pas perçu parfaitement par les décideurs africains et les bailleurs de fonds. Cela dépasse l’entendement. C’est une dimension que l’on n’a jamais connue nulle part dans l’histoire de l’humanité. Même pas en Chine ! Et cela va engendrer une série de problèmes en matière de finances publiques pour les collectivités locales », pointe Thierry Paulais, directeur adjoint pour l’Afrique sub-saharienne à l’Agence française de développement (AFD).
Sur le continent, la situation des villes est très disparate. Casablanca, Lagos, Maputo ou Cape Town parviennent à drainer des flux étrangers ou monter des partenariats publics privés pour financer de nouvelles infrastructures et centres urbains. Au Nigeria, au large de Lagos, Eko Atlantic City, gigantesque chantier immobilier futuriste de 6 milliards de dollars, se rêve en Dubaï de l’Afrique. Fruit d’un partenariat public privé, entre l’Etat de Lagos et South Energyx, filiale de Chagoury Group, Eko Atlantic City devrait accueillir 250 000 habitants sur une presqu’île totalement artificielle, des logements mais surtout des bureaux, centres d’affaires, centres commerciaux, restaurants.
« Gérer la ville telle qu’elle est et préparer la ville de l’avenir, c’est un dilemme pour tous les dirigeants africains, souligne Jean Pierre Elong Mbassi, secrétaire général Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLU). « Quand on prépare l’avenir dans une ville comme Lagos qui a dix millions d’habitants, on aspire quand même à être une des villes globales de l’Afrique. Et une ville globale, c’est avoir la capacité d’offrir aux cadres mondiaux le type d’environnement auquel ils sont habitués à New York, à Londres, Hong Kong (…) Pour autant, je ne pense pas que ce genre de projet soit durable et réplicable. Eko Atlantic City est une enclave sur Victoria Island, qui tourne le dos à Lagos et ses dix millions d’habitants. Ce n’est pas la meilleure manière d’adresser les problèmes », relève le secrétaire de CGLU. Casablanca est davantage perçue comme une ville inclusive, conjuguant lutte contre l’habitat insalubre, mobilité avec une ligne de tramway lancée fin 2012 et la réalisation d’un nouveau pôle financier, Casablanca Finance City, géré par le Moroccan Financial Board, une initiative public privé. « Le Maroc a eu une conjoncture favorable, des dirigeants qui ont su planifier et une proximité avec l’Europe qui permis de financer des projets. Mais il est très difficile pour des pays d’Afrique sub-saharienne d’avoir la même stratégie. Hormis quelque uns qui ont les moyens financiers mais malheureusement pas la vision », regrette Jean Pierre Elong Mbassi.
Parmi les villes les plus vulnérables : Kinshasa qui ne reçoit quasiment pas de financements extérieurs, et de plus en plus, les villes secondaires où se fait aujourd’hui l’essentiel de la croissance urbaine. Dans ces villes, la gouvernance des collectivités locales est affectée par les effets d’une décentralisation qui ne s’est pas étendue aux compétences budgétaires ou fiscales. « Les collectivités ont du mal à accéder à l’emprunt car elles ne sont pas toujours bien gouvernées, mais aussi car elles n’ont pas de revenus réguliers. Les transferts ne sont pas inscrits dans les budgets de l’Etat », précise Thierry Paulais. Des villes qui n’ont guère de ressources propres. Dans le même temps, l’informel qui prévaut dans les domaines foncier et immobilier rend la vie encore plus difficile à des municipalités incapables de collecter l’impôt correctement. « Pour être durable, les villes ont besoin de financements longs. Ces financements n’ont pas toujours existé sur le continent, mais ils sont là, de plus en plus. Le secteur privé, les partenaires au développement s’y intéressent », note toutefois Alioune Badiane, directeur des programmes de l’ONU Habitat. Sur ce chapitre, Dakar pourrait bientôt faire figure d’exemple dans la zone CFA. Notée BBB+ à long terme et A3 à court terme par Bloomfield Investment Corporation, pour la première fois fin 2013, Dakar est aujourd’hui l’une des rares villes africaines à pouvoir aller chercher des financements sur le marché régional obligataire. D’ici la fin 2014, le conseil de la ville espère lever 20 milliards de FCFA sur le marché de l’UEMOA, via un emprunt obligataire, pour le financement d’infrastructures urbaines. Dakar, dont le maire Khalifa Sall est plébiscité pour son leadership et sa gestion, est aussi la seconde ville avec Durban à avoir été sélectionnée pour intégrer le programme « 100 villes résilientes » lancé par la fondation Rockefeller et a reçu à ce titre un million de dollars pour développer sa stratégie de résistance aux catastrophes naturelles. Au Nigeria, les Etats de la fédération ont également le pouvoir d’emprunter sur le marché domestique des capitaux ou auprès des institutions internationales, avec l’autorisation du gouvernement fédéral. L’Etat de Lagos est noté BB- à long terme par Fitch Ratings. L’Etat de Lagos est actuellement engagé dans un programme d’émissions obligataires pour un montant total de 1,68 milliard de dollars (275 milliards de nairas). Quatre émissions ont été effectuées entre 2009 et 2013, souscrites localement afin de financer des infrastructures de base (station d’épuration d’Adiyan, réseau de routes, maternité, etc.).
« Planification, gouvernance, financement : ce sont les points cardinaux ! On doit partir de là pour s’attaquer aux villes africaines. Quand les fondamentaux seront réglés, on pourra passer au deuxième étage de la fusée, c’est à dire la réalisation des infrastructures de base nécessaires », relève Alioune Badiane, directeur des programmes de l’ONU Habitat. En ligne de mire, des capitales dont la gestion et la vision sont foncièrement décriées, avec des « investissements absurdes ». « C’est le cas de l’Angola ou du Tchad où l’on voit des architectures de prestige, d’un coût assez approximatif, des immeubles de bureaux climatisés c’est à dire tout le contraire de la ville durable, des architectures prétentieuses et puis par ailleurs des millions de gens dans les quartiers où on ne ramasse pas les déchets », s’agace un expert urbain. A Luanda, capitale parmi les plus chères au monde, la ségrégation spatiale et économique devient intenable, tandis qu’à une trentaine de kilomètres, la ville nouvelle de Kilamba construite par une société chinoise et capable d’abriter 500 000 personnes reste une cité dortoir et peine à attirer les Angolais.
Outre la pression démographique, ces dernières années les villes africaines subissent une autre contrainte : le changement climatique. Le réchauffement menace les villes côtières et impose des besoins en investissements supplémentaires.
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Sur le continent, la situation des villes est très disparate. Casablanca, Lagos, Maputo ou Cape Town parviennent à drainer des flux étrangers ou monter des partenariats publics privés pour financer de nouvelles infrastructures et centres urbains. Au Nigeria, au large de Lagos, Eko Atlantic City, gigantesque chantier immobilier futuriste de 6 milliards de dollars, se rêve en Dubaï de l’Afrique. Fruit d’un partenariat public privé, entre l’Etat de Lagos et South Energyx, filiale de Chagoury Group, Eko Atlantic City devrait accueillir 250 000 habitants sur une presqu’île totalement artificielle, des logements mais surtout des bureaux, centres d’affaires, centres commerciaux, restaurants.
« Gérer la ville telle qu’elle est et préparer la ville de l’avenir, c’est un dilemme pour tous les dirigeants africains, souligne Jean Pierre Elong Mbassi, secrétaire général Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLU). « Quand on prépare l’avenir dans une ville comme Lagos qui a dix millions d’habitants, on aspire quand même à être une des villes globales de l’Afrique. Et une ville globale, c’est avoir la capacité d’offrir aux cadres mondiaux le type d’environnement auquel ils sont habitués à New York, à Londres, Hong Kong (…) Pour autant, je ne pense pas que ce genre de projet soit durable et réplicable. Eko Atlantic City est une enclave sur Victoria Island, qui tourne le dos à Lagos et ses dix millions d’habitants. Ce n’est pas la meilleure manière d’adresser les problèmes », relève le secrétaire de CGLU. Casablanca est davantage perçue comme une ville inclusive, conjuguant lutte contre l’habitat insalubre, mobilité avec une ligne de tramway lancée fin 2012 et la réalisation d’un nouveau pôle financier, Casablanca Finance City, géré par le Moroccan Financial Board, une initiative public privé. « Le Maroc a eu une conjoncture favorable, des dirigeants qui ont su planifier et une proximité avec l’Europe qui permis de financer des projets. Mais il est très difficile pour des pays d’Afrique sub-saharienne d’avoir la même stratégie. Hormis quelque uns qui ont les moyens financiers mais malheureusement pas la vision », regrette Jean Pierre Elong Mbassi.
Parmi les villes les plus vulnérables : Kinshasa qui ne reçoit quasiment pas de financements extérieurs, et de plus en plus, les villes secondaires où se fait aujourd’hui l’essentiel de la croissance urbaine. Dans ces villes, la gouvernance des collectivités locales est affectée par les effets d’une décentralisation qui ne s’est pas étendue aux compétences budgétaires ou fiscales. « Les collectivités ont du mal à accéder à l’emprunt car elles ne sont pas toujours bien gouvernées, mais aussi car elles n’ont pas de revenus réguliers. Les transferts ne sont pas inscrits dans les budgets de l’Etat », précise Thierry Paulais. Des villes qui n’ont guère de ressources propres. Dans le même temps, l’informel qui prévaut dans les domaines foncier et immobilier rend la vie encore plus difficile à des municipalités incapables de collecter l’impôt correctement. « Pour être durable, les villes ont besoin de financements longs. Ces financements n’ont pas toujours existé sur le continent, mais ils sont là, de plus en plus. Le secteur privé, les partenaires au développement s’y intéressent », note toutefois Alioune Badiane, directeur des programmes de l’ONU Habitat. Sur ce chapitre, Dakar pourrait bientôt faire figure d’exemple dans la zone CFA. Notée BBB+ à long terme et A3 à court terme par Bloomfield Investment Corporation, pour la première fois fin 2013, Dakar est aujourd’hui l’une des rares villes africaines à pouvoir aller chercher des financements sur le marché régional obligataire. D’ici la fin 2014, le conseil de la ville espère lever 20 milliards de FCFA sur le marché de l’UEMOA, via un emprunt obligataire, pour le financement d’infrastructures urbaines. Dakar, dont le maire Khalifa Sall est plébiscité pour son leadership et sa gestion, est aussi la seconde ville avec Durban à avoir été sélectionnée pour intégrer le programme « 100 villes résilientes » lancé par la fondation Rockefeller et a reçu à ce titre un million de dollars pour développer sa stratégie de résistance aux catastrophes naturelles. Au Nigeria, les Etats de la fédération ont également le pouvoir d’emprunter sur le marché domestique des capitaux ou auprès des institutions internationales, avec l’autorisation du gouvernement fédéral. L’Etat de Lagos est noté BB- à long terme par Fitch Ratings. L’Etat de Lagos est actuellement engagé dans un programme d’émissions obligataires pour un montant total de 1,68 milliard de dollars (275 milliards de nairas). Quatre émissions ont été effectuées entre 2009 et 2013, souscrites localement afin de financer des infrastructures de base (station d’épuration d’Adiyan, réseau de routes, maternité, etc.).
« Planification, gouvernance, financement : ce sont les points cardinaux ! On doit partir de là pour s’attaquer aux villes africaines. Quand les fondamentaux seront réglés, on pourra passer au deuxième étage de la fusée, c’est à dire la réalisation des infrastructures de base nécessaires », relève Alioune Badiane, directeur des programmes de l’ONU Habitat. En ligne de mire, des capitales dont la gestion et la vision sont foncièrement décriées, avec des « investissements absurdes ». « C’est le cas de l’Angola ou du Tchad où l’on voit des architectures de prestige, d’un coût assez approximatif, des immeubles de bureaux climatisés c’est à dire tout le contraire de la ville durable, des architectures prétentieuses et puis par ailleurs des millions de gens dans les quartiers où on ne ramasse pas les déchets », s’agace un expert urbain. A Luanda, capitale parmi les plus chères au monde, la ségrégation spatiale et économique devient intenable, tandis qu’à une trentaine de kilomètres, la ville nouvelle de Kilamba construite par une société chinoise et capable d’abriter 500 000 personnes reste une cité dortoir et peine à attirer les Angolais.
Outre la pression démographique, ces dernières années les villes africaines subissent une autre contrainte : le changement climatique. Le réchauffement menace les villes côtières et impose des besoins en investissements supplémentaires.
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