Il faut aider l'Ukraine à se défendre

Lundi 2 Mars 2015

MUNICH – Les diplomates et les spécialistes de politique étrangère répètent comme un mantra qu'il n'y a pas de solution militaire au conflit entre la Russie et l'Ukraine. Pour la grande majorité des observateurs, la diplomatie est la seule voie vers la paix et la stabilité. Or malgré le récent accord de cessez-le-feu annoncé récemment à Minsk, la prolongation des violences - telle l'expulsion violente des forces ukrainiennes de la ville de Debaltsevo - montre qu'il est temps d'envisager les mesures nécessaires pour éviter une solution militaire imposée par le Kremlin.


Carl Bildt a été Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de Suède.
Carl Bildt a été Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de Suède.
C'est ce que viennent de faire trois grands cercles de réflexion américains. Selon eux, les USA devraient fournir non seulement des équipements non létaux à l'Ukraine (drones, véhicules blindés, équipements médicaux…), mais aussi des missiles légers antichars à titre défensif. Pourtant les pays européens ne veulent toujours pas fournir des armes défensives à l'Ukraine et répètent que la seule solution envisageable est diplomatique.
Il est vrai que du point de vue de l'Ukraine, une confrontation militaire avec la Russie n'est pas une option viable. L'année dernière il avait semblé que les forces séparatistes dans la région du Donbass pliaient sous le poids de la contre-offensive ukrainienne et que l'Ukraine pourrait rétablir sa souveraineté sur ce territoire. Mais le Kremlin a rapidement déployé des groupes militaires tactiques russes de la taille d'un bataillon pour soutenir les rebelles. Aussi, relativement faibles, les forces ukrainiennes n'avaient pas la moindre chance.
Cette bataille illustre la volonté russe d'éviter à tout prix une défaite militaire des entités séparatistes dont elle a favorisé l'émergence et où elle a incité à la création d'unités combattantes - une volonté qui persiste, alors que le conflit met ses forces armées sous tension. Dans ce contexte il est quasiment impossible à l'Ukraine de rétablir par la force sa souveraineté dans la région du Donbass, au point que ce serait insensé pour elle de le tenter.
Si l'on prend en compte les ambitions stratégiques des séparatistes et de leurs maîtres russes, les perspectives de l'Ukraine sont encore plus sombres. Non seulement la Russie fournit aux séparatistes un armement lourd et sophistiqué et déploie des unités spéciales pour les aider, mais elle leur envoie semble-t-il des "volontaires" pour entraîner une armée séparatiste qui pourrait  passer à l'offensive.
Les dirigeants séparatistes espèrent qu'une telle armée leur permettra au minimum d'assurer leur domination dans la région du Donbass. Ils seraient alors en position de contrôler un petit Etat d'une Nouvelle Russie qui s'étendrait tout le long de la côte de la mer Noire jusqu'à inclure Odessa. Et selon toutes probabilités, certains rêveraient même d'une marche finale sur Kiev.
Pour éviter ce scénario, un dialogue politique franc avec le Kremlin est d'une importance cruciale, de même que la prolongation des sanctions économiques pour faire comprendre à la Russie que le prix à payer pour son agression va être de plus en plus élevé. Mais s'en remettre exclusivement au dialogue diplomatique et aux sanctions pour parvenir à une paix durable relève sans doute d'un optimisme excessif.
Une stratégie d'ensemble doit viser à renforcer l'Ukraine sur tous les plans. Il y faut un soutien politique et diplomatique. Mais il faut également soutenir les réformes destinées à éliminer la corruption et à encourager la croissance. Le récent accord  de l'Ukraine avec le FMI a un rôle crucial et immédiat à jouer de ce point de vue, et il en est de même de son accord avec l'UE  sur une zone de libre échange approfondie et complète pour son avenir à long terme.
Mais si les groupes séparatistes soutenus par la Russie croient qu'ils peuvent contrôler le Donbass et la côte de la Mer noire, les tentatives de reconstruction de l'Ukraine et de son économie ne serviront pas à grand chose. C'est pourquoi les partenaires extérieurs de l'Ukraine doivent aussi l'aider à renforcer ses capacités défensives.
Dans un contexte aussi tendu, il y aura toujours des têtes brûlées pour privilégier l'option militaire. Mais le point clé reste le comportement des pragmatiques capables de repérer les faiblesses à exploiter. Si les séparatistes soutenus par la Russie estiment que l'Ukraine est faible sur le plan militaire, il sera difficile de limiter leurs ambitions territoriales. Une solution politique ou diplomatique serait alors quasiment hors de portée.
Les experts en matière de sécurité devraient identifier les mesures à prendre par les puissances telles que les USA et l'Europe pour améliorer les capacités défensives de l'Ukraine. Les demandes en équipement non létal  formulées par le président ukrainien Petro Porochenko lors de la récente Conférence de Munich sur la sécurité pourraient constituer une indication.
La chancelière allemande Angela Merckel et d'autres dirigeants ont raison de dire qu'il n'y a pas de solution purement militaire au conflit en Ukraine. Mais une année de négociations et d'accords avortés prouvent qu'il n'y a pas non plus de solution purement diplomatique. C'est seulement en éliminant - ou au moins en réduisant drastiquement - la capacité des séparatistes et de leurs soutiens russes à prolonger leur campagne militaire que l'Ukraine et ses partenaires peuvent espérer parvenir à une solution politique durable.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Carl Bildt a été Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de Suède.
 
Actu-Economie


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