Une Administration fiscale est d’abord une industrie qui traite de l’information pour la transformer en impôt selon Jean-Marc Niel, Secrétaire général du CREDAF

Lundi 21 Octobre 2019

La troisième réunion régionale sur les pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert indirect des bénéfices des entreprises multinationales pour les pays francophones (BEPS, en anglais), qui avait démarré le mardi 15 octobre 2019 , a pris fin le jeudi dernier à Saly-Portudal, à Mbour, au Sénégal, sur une note d’optimisme et d’espoir, selon Jean-Marc Niel, secrétaire général du Cercle régional de réflexion et d’échange des dirigeants des administrations fiscales .
Le français spécialiste des questions fiscales, tirant le bilan de cette rencontre organisée par la Direction générale des impôts et domaines (DGID), en partenariat avec le Cercle régional de réflexion et d’échange des dirigeants des administrations fiscales (CREDAF) revient avec nous sur les conclusions de cette rencontre.


Monsieur le secrétaire général, après trois jours de travaux, la troisième réunion régionale du cadre inclusif sur le BEPS a pris fin. Quel bilan peut-on en tirer ?
 
Jean-Marc Niel : Le bilan que l’on peut en tirer, c’est d’abord la volonté des participants d’avoir des échanges à la fois participatifs, collaboratifs et une volonté commune de vouloir discuter des sujets d’actualité, puisqu’il s’agit de défis fiscaux qui sont posés par la numérisation de l’économie. Et ces nombreux défis concernent à la fois les économies des pays développés,  que celles des pays émergents ou ceux en voie de développement.
  
Dans les discussions en cours en  ce moment  au niveau de l’OCDE, on note d’abord   la volonté  des participants d’être associés au processus et d’exprimer leurs points de vue sur ces différents sujets.
 
Des  positions des différents participants, il est ressorti essentiellement  qu’il faut absolument que   les pays membres du CREDAF  parviennent a arrêter des positions communes sur différents sujets. Et je précise que parmi les pays membres du CREDAF, certains font partie du cadre inclusif, alors que d’autres n’en font pas partie.

En tout état de cause, ce qui est ressorti principalement de nos discussions, c’est qu’il faut que l’économie numérique soit mieux appréhendée   par les Administrations fiscales, pour éviter les pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert indirect des bénéfices des entreprises multinationales (BEPS, en anglais) et, par conséquent, le déplacement de l’assiette fiscale dans des pays à fiscalité privilégiée.
 
Au terme de  trois jours de travaux, nous avons le sentiment  du devoir accompli, parce que  nous avons pu aborder des sujets   éminemment techniques,   avec la facilitation des experts de l’OCDE. En ma qualité du secrétaire général du CREDAF, je suis très content, parce qu’on voit bien la communauté que représente le CREDAF toujours mue par une volonté très forte de collaborer entre pays membres, après presque quarante ans d’existence.  
 
Jean-Marc Niel, quel est justement la pertinence même de la numérisation des économies par rapport aux administrations fiscales au sein des pays membres de l’OCDE et du CREDAF, surtout dans un contexte de mondialisation ?
 
La numérisation de l’économie, en tout état de cause, est générale. Elle n’est pas seulement l’économie numérique, c’est aussi tout ce qui tourne autour de l’utilisation des moyens numériques, y compris l’économie traditionnelle.

Vous savez la vente en ligne des produits manufacturés, donc la possibilité de déplacer des bases d’imposition et des profits, se généralise de manière très importante.

 Un exemple concret pour illustrer cela ; nous avons évoqué lors des discussions, les travaux à venir que l’OCDE envisage de mener  en matière de tourisme. Il a été noté qu’il est possible de faire du BEPS dans des pays touristiques et là, un pays touristique comme le Sénégal est concerné. Il est en effet, possible de faire du BEPS à partir de l’activité touristique, en utilisant les moyens numériques, puisqu’on sait bien qu’actuellement, les gens qui achètent les voyages utilisent le numérique pour ce type d’activité.
 
Au-delà des défis liés à la numérisation de l’économie, quels sont, selon vous, les autres défis à relever pour une fiscalité profitable aux économies des pays francophones développés, émergents ou ceux en voie de développement ?

  Au-delà même des pays membres du CREDAF, c’est l’élargissement de l’assiette fiscale qui est en jeu avec trois vecteurs    importants, à savoir :
  • l’identifiant  des contribuables. Puisqu’on sait bien que les fichiers ne contiennent pas tous les contribuables    et qu’il y a une part d’économie informelle importante qui n’y figure pas. Donc, le premier défi à relever, c’est certainement c’est d’avoir des fichiers les plus exhaustifs possibles,   pour que chacun paie sa juste part et permettre ainsi d’arriver à une justice fiscale, mais également une augmentation de la mobilisation des ressources intérieures.
Le deuxième défi à relever, c’est probablement celui de la facilitation des obligations fiscales. Parce qu’il y a, en matière de télé déclaration, télépaiement et télé procédures pour lesquels des défis importants sont à relever, parce que le contribuable, à l’heure actuelle, veut bien avoir un esprit civique, mais il faut aussi qu’on lui facilité les obligations fiscales.

Et le troisième défi à relever par les Administrations fiscales, à l’avenir, c’est probablement le traitement et l’exploitation de l’information. Parce qu’une Administration fiscale, c’est d’abord une industrie qui traite de l’information pour la transformer en impôt. C’est aussi ce qu’on appelle la maitrise de la donnée qui est un des défis les plus importants à relever à l’avenir.

Et tout cela doit s’adosser sur une très bonne communication massive vis-à-vis des contribuables, parce que le civisme, ça s’obtient ; il faut expliquer aux gens ce qu’on fait de leur impôt, à quoi ça sert.
 Ensuite, ça doit aussi s’appuyer sur une communication interne, parce qu’il y a une conduite du changement à mener à l’intérieur de l’Administration fiscale vis-à-vis des agents, en leur expliquant qu’avec de nouvelles méthodes de travail, on peut certainement faire mieux et plus intéressant.

Je rappelle au passage que l’objet de notre présence au Sénégal, c’est la coopération entre les pays du nord et ceux du sud, et entre les pays du sud entre eux. Et c’est ce que cherche de faire le CREDAF au quotidien.
 
En guise de conclusion, avez-vous un dernier mot, un message à lancer à l’endroit des uns et des autres ?
 
Ah oui ! Il faut remercier le Sénégal pour son accueil extraordinaire. On se sent très bien accueillis et nos collègues de la DGID n’ont vraiment pas ménagé leurs efforts, pour que nos  travaux, se   déroulent  le mieux possible.
Et puis, globalement, quand on arrive au Sénégal, on se sent formidablement accueillis et c’est très agréable.
 
Entretien réalisé par Serigne Makhtar Fall
 
 
 
 
 
Actu-Economie


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