Marché monétaire de l’Umoa : Ses innovations technologiques, sa stratégie d’appel d’investisseurs et ses perspectives de croissance face au contexte sanitaire mondial

Vendredi 12 Mars 2021

La société de gestion et d’intermédiation ABCO Bourse, a été fondée en 2015 par de jeunes talents Sénégalais ayant fait carrière dans la finance et les systèmes bancaires en Amérique du Nord. Innovation constante, prestations sur mesure et confiance mutuelle sont des facteurs clés ayant permis à cette institution financière de devenir une référence sur le marché local, comme en témoigne son adhésion récente au SAGETIL, première souscription observée au Sénégal. Clément Ndiaye, Directeur Général d’ABCO Bourse, partage son point de vue sur l’adhésion des SGI au système SAGETIL et l’impact d’une telle innovation technologique. Il abordera également les perspectives de développement du marché monétaire de l’UMOA, et celui des titres publics en particulier avant de conclure par la situation de la COVID 19 et son emprise sur l’ensemble des opérateurs du marché régional.


Clement Ndiaye, Directeur général de Abco Bourse au Sénégal
Clement Ndiaye, Directeur général de Abco Bourse au Sénégal
1- Impact de l’adhésion d’ABCO BOURSE à SAGETIL et perspectives

Une société de gestion et d’intermédiation opère dans un ou plusieurs métiers de la finance dont l’ingénierie financière, la planification financière, le conseil en investissement ou encore le courtage en valeurs mobilières. C’est dans cette dernière activité de courtage de titres qu’intervient SAGETIL qui est le Système Automatisé de Gestion de Titres et de la Liquidité de l’Union Monétaire Ouest Africaine. Il s’agit d’une plateforme qui permet d’émettre des titres publics sur la base d’enchères dans l’optique de leur placement sur le marché primaire.

Cette application sert de base commune aux opérateurs du marché monétaire et leur permet ainsi d’avoir accès en temps réel et directement au marché des titres publics émis par voie d’adjudication. Une telle initiative est une innovation technologique majeure qui permettra à ABCO Bourse de développer ses opérations aussi bien sur le marché primaire des titres publics que sur le marché secondaire avec une plus grande autonomie. En outre, de telles procédures allégées permettront de gagner en rapidité et fluidité d’exécution.

En effet, avant l’entrée en vigueur de cette nouvelle  réglementation autorisant les SGI a avoir accés à la plateforme SAGETIL, ces dernières avaient pour obligation d’avoir recours aux prestations d’une banque locale agissant en qualité d’intermédiaire pour participer aux adjudications, exécuter les transactions sur le marché secondaire, livrer et conserver les titres. Ce changement qui reste majeur permettra ainsi de réduire le nombre de parties prenantes impliquées dans la réalisation de transactions pour le compte de clients acheteurs et vendeurs de titres et de gagner en célérité, à tous les niveaux de la chaine de décision et d’exécution.

Entre autres avantages marquants, l’accès à la plateforme SAGETIL offrira aux SGI les moyens nécessaires à une meilleure gestion de la confidentialité des informations relatives à leur clientèle de même qu’un accès plus rapide et sécurisé aux statistiques du marché des titres publics. Un autre intérêt, et pas des moindres, pour ABCO Bourse d’adhérer à la plateforme SAGETIL est d’optimiser son levier de mobilisation de ressources à travers les titres publics par adjudication afin de proposer aux Etats membres des financements et offrir à des investisseurs des options sûres de rentabiliser leur épargne ou leur trésorerie.

Toutefois, dans l’optique d’assurer une transition optimale, il sera fondamental pour les SGI de maintenir un lien fort avec les partenaires bancaires afin que les transactions à mener dans les courts et moyens termes se réalisent en bonne et due forme, sans que ce changement n’ait d’impact négatif sur le dénouement des opérations de manière générale.

2- Développement du marché des titres publics de l’UMOA

Les Etats membres de l’Union Monétaire Ouest Africaine ont recours à l’endettement à court, moyen voire long terme afin de financer une partie de leur budget ou de réaliser des investissements. Entre 2016 et 2019, les revenus des Etats de l’Union (Recettes et dons) ont augmenté de façon continue passant de 12 037 milliards à 15 768 milliards de francs CFA.

Durant la même période, leurs dépenses ont aussi connu une hausse passant de 14 811 milliards à plus de 17 899 milliards de francs CFA. Le déficit budgétaire de l’Union entre 2016 et 2019 était en moyenne de 2645.17 milliards alors qu’en 2020 il sera de l’ordre de 4970 milliards selon les projections de la BCEAO.

Le volume annuel des émissions de titres publics de nos Etats est passé de 2516 milliards en 2014 pour atteindre 4690 milliards en 2019, dont 328 milliards en eurobonds (source : agence UMOA-Titres). Au début de l’année 2020, le montant des emprunts à réaliser par les Etats de l’Union sur le marché financier régional était estimé à 4361 milliards.

Cependant et au regard du ralentissement économique entrainé par la pandémie que nous connaissons, les montants totaux empruntés par les dits Etats ont connu une hausse sans précédent, pour dépasser les 8500 milliards pour l’année 2020. Outre l’augmentation importante des besoins de financement des Etats pour pallier à une baisse majeure de leurs ressources due en grande partie à l’impact négatif de la crise COVID19 sur l’économie de l’Union et du monde, le marché des titres souverains de la zone UEMOA présente des caractéristiques de sécurité et d’investissement sûr, rentable et accessible à tous.

C’est donc cette demande croissante des Etats en ressources couplée à l’écosystème optimal et sûr qu’offre le marché financier régional, qui expliquent le dynamisme du marché des titres publics de l’UMOA.

Enfin, il est important de souligner qu’aucun Etat membre de l’UMOA n’a enregistré un défaut de paiement depuis la création du marché financier régional et ce, même durant les périodes de crises politiques majeures en Côte d’ivoire, au Mali et en Guinée Bissau.

3. Quelle stratégie mettre en place pour élargir la base des investisseurs ?

Une stratégie de diversification axée sur trois leviers stratégiques que sont le public cible, l’offre de produits et services innovants et adaptés, une communication plus ciblée, efficace et disponible en plusieurs langues permettrait d’élargir la base des investisseurs du marché des titres publics de l’UMOA.

- AXE 1 : Etablir les différents profils de clients déjà actifs sur le marché monétaire et clients potentiels, définir leurs besoins et priorités en matière de placement, segmenter ce public cible selon des critères spécifiques pour ensuite définir des produits financiers et supports de communication adaptés qui susciteront chez eux l’envie d’épargner ou d’investir sur le marché de manière croissante, pérenne et les transformer en ambassadeurs relais dans leurs propres sphères.

Cet effort de diversification et de prospection de la clientèle est de nos jours facilité par la possibilité de digitalisation des souscriptions qui permet de capter le grand public ainsi que la Diaspora des Etats de l’UEMOA.

Avec l’avènement des portefeuilles de monnaie électronique, l’accessibilité de la plateforme SAGETIL à un plus grand nombre d’acteurs du marché, les Etats, les structures centrales ainsi que les intervenants agréés gagneraient beaucoup à démocratiser l’investissement dans les valeurs mobilières.

- AXE 2 : Une fois le public cible identifié, il est à présent indispensable de présenter une offre de produits et services qui répondent aux priorités et besoins de cette clientèle. Oser la diversification et l’innovation permettrait de proposer des produits tels que des régimes d’épargne thématiques, encadrés et garantis par les gouvernements pour inciter les populations à épargner pour la retraite par exemple.

Par ailleurs, des incitatifs fiscaux et plan de distribution de ces régimes dans tous les établissements financiers de l’union pourraient être proposés afin d’en promouvoir la notoriété, la souscription et l’usage. Les acteurs économiques partenaires des Etats seraient entre autres les banques, les sociétés de micro finance, les sociétés de gestion et d’intermédiation, les sociétés de Gestion d’OPCVM. - AXE 3 : Publier en plusieurs langues dont celles locales, de manière succincte et régulière des messages simples et ciblés, portant sur des solutions d’épargne accessible à tous et pour tous.

Selon l’intérêt et le profil du public cible, des notes d’informations plus précises sur les tendances du marché des titres publics de l’UEMOA pourraient être destinées aux investisseurs institutionnels internationaux et disponibles en Anglais.

La sollicitation de ces derniers devrait respecter les standards internationaux en termes d’accès, de disponibilité et de fiabilité de l’information nécessaires à une prise de décision rapide pour les investissements.

De concert avec les sociétés de gestion et d’intermédiation, l’Agence UMOA Titres pourrait organiser des roadshows afin de faire la promotion du marché des titres publiques de l’UMOA auprès des gestionnaires d’actifs, family offices, fonds d’investissements, hedge funds, banques internationales, fonds souverains dans les grands centres financiers mondiaux.

Pour finir, le marché des titres publiques de l’UMOA dispose d’avantages indéniables sur lesquels nous devons nous appuyer pour attirer plus d’investisseurs à savoir : - - une banque centrale commune aux huit (8) Etats membres pour le règlement des transactions sur les titres souverains ; - Un marché unique composé de huit (8) émetteurs souverains avec des niveaux de risque différents offrant ainsi une diversification naturelle avec un risque de change nul pour les investisseurs en francs CFA ; - Aucun défaut ou retard de paiement d’un émetteur depuis sa création ; - Un Fonds de stabilité financière établi par la BCEAO pour parer à d’éventuels défaut ; - Aucune retenue d’impôt sur les coupons dans le pays d’émission, - Un ratio risque/rendement très attractif

4. Situation du marché dans le contexte de la COVID19

Il faut ici souligner la grande réactivité du marché et les mesures appropriées mises en place par les autorités pour contenir l’impact de la COVID19 sur le marché monétaire régional. En effet, de belles réalisations et avancées notoires ont été observées en 2020, malgré la pandémie :
- En moyenne, 90% des émissions de titres sur le marché monétaire ont été souscrites avec un taux de couverture à plus de 100% durant l’année 2020
- Un montant de près de 8500 milliards de francs CFA a été mobilisé depuis le 01 janvier 2020 incluant des émissions de Bons COVID à 3 mois d’un montant total de 1172 milliards de francs CFA. - La BCEAO a organisé dès le 27 mars 2020 des adjudications sur ses guichets d’appel d’offre au taux fixe de 2.5%, son plus faible taux d’intervention.

Il est important de noter que la majorité des investisseurs du marché des titres publics de l’UMOA est composée de banques locales. Ainsi, lorsque le coût d’accès aux ressources de ces banques baisse, on peut s’attendre à une plus grande participation de ces dernières aux adjudications des titres d’Etat. Cette sursouscription crée une offre plus diversifiée et le jeu de la concurrence aidant, le taux de sortie des émissions à tendance à baisser. Ce qui est une bonne chose pour nos Etats et donc pour les contribuables.

D’autre part, nous constatons que les acteurs du marché utilisent de plus en plus la courbe des taux des pays de l’UMOA publiée par l’AUT comme référence pour les négociations sur le marché secondaire. Il est important que le marché des titres publics de l’UEMOA fonctionne en tenant compte des standards internationaux en termes de transparence et d’accessibilité de l’information (bid/ask, spread) et cette initiative de l’AUT est à saluer.
Même s’il faut toutefois reconnaitre que cette courbe de taux sera plus précise lorsqu’il y aura une uniformité totale dans la façon dont les transactions sont dénouées par les acteurs, surtout ceux appartenant à un même groupe bancaire.



 

Par Clement NDIAYE
Directeur général ABCO BOURSE

http://latendanceaut.com
chroniques

chroniques | Editos | Analyses




En kiosque.














Inscription à la newsletter