Les défis du développement durable à Diourbel

Jeudi 5 Décembre 2019

Le monde est aujourd’hui avisé du péril climatique engageant notre environnement entier que jean Rostand disait être pour nous ce qu’est l’œuf pour le poussin; menace qui n’est plus une éventualité à esquiver mais une réalité vécue : la fonte des glaces de l’arctique canadien érigé en poumon universel; alerte des nations unies sur des records historiques mondiaux de chaleur avec des seuils franchis récemment en Europe; l’érosion des cotes, notamment, au Sénégal où l’eau avance sur les établissements humains; la déforestation accélérée de nos forets déclarées poumons verts tel le cas de l’Amazonie avec une polémique entre les chefs d’Etats français et brésiliens; l’irrégularité et la réduction pluviométriques accompagnées d’une désertification croissante, au Sénégal aussi.


Le COP 25 se déroulant à Madrid et la conférence : développement et dette soutenables de Dakar sont des derniers échos. Mais aussi le Sénégal a engagé les travaux d'intégration des ODD dans le PSE. Quelles sont les préoccupations ou exigences du développement durable dans la région du Baol arachidier?
C’est ainsi que visant un progrès ou avancée équitable et soutenable donc pérenne, l’expression sustainable development, traduite de l’anglais par «développement durable», un des développements orientés, qualifiés les plus inclusifs et actualisés, est selon de nombreux experts conceptualisé, systématisé en 1987 par le rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, notre avenir à tous (appelé aussi rapport Brundtland, du nom de la présidente de la commission, Mme Gro Harlem Brundtland): « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.».

Aujourd’hui, le développement durable s’appuie sur une vision globalisante et du long terme qui prenant en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement, ainsi que leurs interactions se fixe des objectifs rationalistes, écologistes voire humanistes. Avoir dans le viseur non plus seulement notre progrès ou bien être individuel mais celui de la globalité (des sociétés humaines, de leur environnement, leurs établissements, leurs descendances…). Le développement durable sonne donc comme une sommation, une alerte pour rectification, correction du mal développement induit par la course effrénée aux profits du capitalisme ou en brulant les étapes du fait d’un retard considérable dans notre quête de développement.

 Le développement durable, un développement orienté s’adapte lui-même au contexte; il est envisagé ou s’impose diversement selon la zone en question. Au Sénégal, le développement durable fait l’objet d’une prise en compte inclusive, transversale, notamment, par les différents ministères de la république mais est surtout rattaché au ministère de l’environnement d’où une mise en exergue de sa dimension écologique.

En effet, pays sahélien, le Sénégal fait face à des défis environnementaux tels le changement climatique, la déforestation, l’épuisement, la pollution, l’érosion des sols, la préservation de la biodiversité mais de l’atmosphère dans un contexte d’exploitation minière mais d’exécution de grands chantiers…d’où des stratégies de résilience, de conservation, de dynamisation de nos divers régulateurs climatiques et environnementaux ; mais aussi des études préventives d’impacts environnementaux sont partout mises en branle. Il s’agit donc d’entrer de plein pied dans le modernisme et l’usus fructus de nos ressources sans en pâtir ni dérégler notre socle ou milieu. Et la région encore rurale de Diourbel, par ses contextes climatiques, démographiques, ses différentes mises en valeur et ou quêtes de débouchés impliquent ses propres défis de développement durable. En effet, région agricole, depuis les temps anciens, Diourbel fit avec différents systèmes d’exploitation agricole avec une population croissante et une nature subissant une pression sans restitution des prélèvements de nature végétale, pédologique, et faisant avec un défaut de mesures d’aménagement canalisateur, conservateur, optimisant et productif de ses rares ressources hydriques. Sur cet état de fait, des chercheurs français tels Pélissier, Gastellu et Jean Copeans mais des sénégalais se font très explicites.

« Une des plus grandes manifestations de cette dégradation et rareté des ressources dans le bassin arachidier reste la végétation, le manteau végétal spontané était constitué par la forêt. Mais la mise en valeur agricole a peu à peu, réduit celle-ci à l’état de souvenir et le « déclassement » des forets à l’Est de Touba, afin de se concilier les marabouts puissants, ne fait que continuer une ancienne pratique » (J Copans, 1980). Pélissier d’ajouter « …Rares sont les régions du Sénégal qui offrent des paysages aussi dépouillés que les campagnes cernant la capitale du mouridisme; la végétation spontanée a été saignée à blanc mais l’occupation du sol s’est opérée trop brutalement pour qu’une œuvre de sélection y ait été progressivement conduite; elle est trop récente pour que des peuplements anthropiques y aient été reconstitués » (P Pélissier, 1966). Ce milieu physique mal en point est le  terroir d’une  population wolof sans tradition agricole : « le pays wolof traditionnel est remarquable par la richesse de son histoire politico-militaire et la pauvreté de ces traditions agraires; il est à ce titre, exactement antithétique des civilisations rurales » (P Pélissier, 1966). Toujours, Pélissier de poursuivre : « Ce sol surtout pour le nord fragile, ne saurait résister à une exploitation sauvage de la part d’une population wolof sans grande tradition agraire » (P Pélissier, p 101). Ce constat est conforté cette fois ci par des sénégalais : « La pratique continue d’une agriculture extensive dans une région à forte densité de population a considérablement contribué à la destruction de l’arbre et des formations forestières en général au niveau du bassin arachidier du Sénégal. Les effets combinés du défrichement irrationnel des formations naturelles, des feux de brousse et du surpâturage contribuent à la dégradation profonde d’un écosystème déjà fortement fragilisé. » (Maiaimy Diaita  et François Matty ; Dynamique de la végétation ligneuse sur d’anciennes terres de culture sur cuirasse au Sénégal).

L’attribution-déclassement assez récente d’une zone forestière au défunt khalife Serigne Saliou par le président d’alors Abdoulaye Wade fut désavouée en son temps par l’inspecteur des eaux et forêts de la place, le sieur Weyni car considérant la grande importance écologique et stabilisatrice de cette  forêt. Cet usage anarchique et non planifié des sols et de la végétation n’a pas épargné la ressource fondamentale qu’est l’eau : « Le facteur le plus déterminant de cette zone naturelle est l’alimentation en eau. Il n’y a pas de réseau hydrographique de surface. Les villages sont obligés d’utiliser les ressources des nappes phréatiques, ce qui implique des forages profonds » (J Copans, 1980, p61)

   Hormis cette surpression, l’agriculture pose aussi des défis de développement durable en ce sens qu’elle fait souvent avec un apport d’engrais chimiques néfastes aux sols pollués mais aux consommateurs à travers les produits agricoles, ceci est encore plus notable dans les grandes exploitations. Cela sans compter avec le déversement des fosses sceptiques à la périphérie, sur des espaces cultivés en saison des pluies ce dont les conséquences sanitaires et environnementales font débat. Aussi, les ‘’Niayes’’ de Diourbel dites «Cambe Souff», naguère zones maraichères fertiles de même que l’arrière de «Keur gou mack», avant son foirail sont pour une bonne partie de l’année engloutis par les eaux empêchant leurs exploitations maraichères et développant des larves mises en cause par la géographie de la santé. Et quoique rurale, Diourbel tend aujourd’hui vers un développement qui n’est plus ruraliste mais de transition voire moderniste d’où des incidences dommageables qui si on y prenait pas garde iront crescendo.

C’est ainsi que l’usine de la Sonacos avec des produits toxiques tel l’ammoniaque et une puissance électrique considérable a plusieurs fois été sources d’accidents tragiques dont : «celui du 24 mars 1992…la plus grande catastrophe chimique que le Sénégal ait connu …quarante-trois (43) morts et quelques 403 blessés »( Enquête), cela malgré une haie végétale de ‘’nim’’ (azertica indica) la séparant avec la cité ouvrière. Ceci est d’autant plus à relever quand on sait que : « la croissance économique se fait souvent au détriment de notre qualité de vie.

De grandes catastrophes écologiques en témoignent : 1984 : catastrophe à l’usine de Bhopal ; 1986 : explosion à la centrale nucléaire de Tchernobyl ;   1989 : naufrage du pétrolier Exxon Valdez qui a engendré une marée noire. De plus, en un siècle, les concentrations de gaz à effet de serre ont augmenté de 50 %. Le réchauffement de la Terre résultant de l’effet de serre a des conséquences graves pour la planète. La couche d’ozone se raréfie de plus en plus, ce qui constitue une menace pour la survie sur terre. Face à cette destruction du patrimoine écologique, le concept du développement durable a émergé.» (Maxi cours). A cette liste on peut ajouter l’incendie récent de l’usine de Rouen qui fait l’objet d’enquêtes pour en tirer les conséquences. L’usine Touba Gaz de Ngabou, moins ancienne fait aussi l’objet d’une vigilance particulière quant à la conformité des pratiques avec les normes de sécurité et qualité en vigueur pour une telle entreprise.
L’hygiène et l’environnement sont mis à rudes épreuves surtout dans les points de rassemblement faisant avec un défaut de toilettes publiques suffisantes ou tout simplement adéquates, alors que la sécurité de nos marchés souffre souvent d’installations et d’aménagements anarchiques causes de courts circuits et entravant les voies de secours d’où de récents feux de marché à Diourbel, Touba et presque partout au Sénégal. Le grand Magal comme les Magals annexes de Touba impliquent des défis de préservation de la propreté, de la sécurité et de l’environnement, d’une gestion intégrée des réjouissances ou transformation des restes et autres déchets, de santé collective, d’usage productif, sur le long terme des retombées des différents conclaves.

DES MESURES IDOINES AU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS DIOURBEL

     Le développement durable implique une rentabilisation et sécurisation des activités, cela en tenant en compte d’un environnement préservé, d’une équité sociale. Dans ce sens, il est attendu des études d’impacts environnementaux plus poussées surtout si l’on sait que le reboisement à Diourbel avait favorisé des arbres résilients au milieu diourbellois, notamment, le nim (azertica indica) dommageable car participant à une pollution-acidification des sols, alors que d’autres arbres adaptés et fertilisant le sol disparaissent: exemple du kaad (accacia albida).

Les campagnes de reboisement, s’il en existe buttent aussi sur le manque de suivi avec des plantes non protégées des animaux en divagation et laissées sans arrosage d’où les collectivités et communautés devraient suivre le rythme d’urgence environnementale induit par le changement climatique. L’autoroute Ila Touba, à l’origine d’une nouvelle géographie a traversé un parcours pastorale et révélé une zone rurale dénudée d’où malgré des barbelés, des points de passage signalisés pour le bétail sont attendus de même qu’un plus important reboisement. Ce reboisement comme l’on relevé géographes, climatologues…de divers horizons depuis plusieurs décennies s’impose aujourd’hui avec le changement climatique qui accentue intempéries, chaleur, sécheresse, désertification d’où, particulièrement, nous du centre comme ceux du nord devons dés à présent reboiser, faire le suivi du reboisement urbain comme rural avec des plantes clôturées donc préservées des animaux et arrosées. Pour les besoins d’un tel suivi un cahier de charge dans ce sens pour les collectivités et les unités industrielles sera le bienvenu (les populations arrosant les arbres du voisinage et les collectivités se chargeant d’arroser les plantes éloignées des habitations, notamment, grâce à des charrettes d’eaux).

 L’agriculture, principal employeur et contribuant à la subsistance des masses (environ le taux de couverture des ménages ruraux diourbellois est de 3 à 4 mois sur 12 selon le réseau des cadres du Baol: période pendant laquelle les agriculteurs arrivent à vivre de leur production) d’où une volonté de dynamisation qui passera aussi par une meilleure rentabilisation incitante pour l’agriculture. La transformation adéquate permettant la conservation, l’autoconsommation et la commercialisation est indiquée par beaucoup d’acteurs comme pouvant permettre une plus importante rentabilisation de l’agriculture locale sachant que ceci sera rendu possible par des politiques de subvention, d’encadrement visant le retour à la terre et l’autonomisation des producteurs qui seront ainsi sevrés de cette forme d’assistance. En dehors de l’agriculture, l’informel et l’éducation constituent les deux autres créneaux majeurs au développement de la région dont le premier, l’informel aura plus d’impact avec une incubation paramétrée du dit secteur se disputant la place de premier recruteur avec l’agriculture. Tandis que dans le domaine de l’éducation, hormis, le lycée scientifique d’excellence et la récente université de Bambey, on sent le vétuste qui attend d’être remis sur pied car en berne comme partout, ailleurs, notamment, faute de matériels didactiques à l’image des deux bibliothèques départementales closes. La qualité de l’eau est une équation sanitaire dans le bassin arachidier où l’eau très salée est de plus en plus épurée par des boutiques privées que les fournisseurs publics gagneraient à emboiter le pas surtout si l’on considère les dommages sanitaires de cette eau, notamment, à Touba. La contrainte eau pour le maraichage, une culture de contre saison est récurrente dans le bassin arachidier et la politique des  bassins de rétention évaluée permettra une démarche avisée pour le nouveau venu qu’est le PROVAL CV (projet de valorisation des chaines de valeur intégrant la dimension gestion de l’eau).

Et cela aussi par la canalisation exploitable des eaux pluviales qui engloutissent des surfaces cultivables dans les ‘’Niayes diourbellois’’ de ‘’CAMBE SOUFF’’ et derrière Keur gou mak, avant le Daral, forail de bétail. Pour se faire, une excavation centralisant les eaux avec un ou des puits excentrés dans ces zones humides où la nappe ne devrait pas être très éloignée, lesquels puits pourraient suppléer la période de diminution des eaux. Toujours, dans cette logique de diversification et densification de l’agriculture locale, il est temps de mettre à la disposition des agro-entrepreneurs une cartographie sols-eaux de la région, facteurs souvent indexés car acidifiés ou salinisés, indiquant par exemple la nature des sols et les plantes adaptées aux différentes zones (maraichage, fruitières, cultures pluviales ou arbres résilients à la sécheresse et ou a la salinisation). Il est temps aussi pour nous de faire l’évaluation des systèmes d’exploitation agricole : extensif ou intensif ? Si le brûlis n’a plus cours les abattages sauvages et systématiques pour une préparation champêtre rend les sols découverts, nus donc vulnérables en les amputant, notamment, d’arbres comme l’acacia albida (Kaad) alors qu’ils sont des fertilisants pour nos champs. Certains experts penchent pour une exploitation extensive avec rotation pour des soucis de préservation écologique tout en considérant que l’extensif peut donner des rendements similaires à l’intensif. Quand les partisans de l’intensif défendent le besoin d’apporter aux sols les compléments nécessaires et le manque d’espace du à la démographie galopante. Agro écologie, agro bio ? Ou agro chimie? Chez nous, la question ne semble pas encore si prégnante qu’en occident. Nous pouvons prendre l’exemple de Langouet, commune rurale de Rennes où les pollutions des fongicides, herbicides, pesticides ont été incriminées par les populations comme dommageables à leur santé et fait au maire prendre un arrêté qu’il déclare avant-gardiste, lequel arrêté a été attaqué en justice : « C’est nous qui avons mis les agriculteurs dans la chimie, il est temps de les sortir de la chimie ».

Ainsi, ces nuisances à la santé par les produits consommés comme l’air contaminée mettent le doigt sur un péril prochainement possible surtout si l’on sait que nous tendons à concurrencer des pays développés souvent adeptes des engrais chimiques d’où nous devons faire la différence en faisant une offre d’une agriculture saine mais aussi parce que de nombreux occidentaux s’installent surtout vers le nord, arrivée certes salutaire par son apport en transfert de technologie et création d’emploi. Mais, ils seraient tentés de nous refiler le virus de la chimie, à tout va, comme du reste, il tente de le faire en voulant nous imposer leur laïcité allergique au voile. Donc, même si nous ne pratiquons pas une agriculture parfaitement bio, les maux subis ailleurs et possibles, ici aussi, devraient nous amener à contrôler, équilibrer l’usage de la chimie agricole chez nous en favorisant les engrais minéraux, organiques, de même que des luttes anti prédateurs ne causant pas des nuisances possiblement plus regrettables, prescriptions ou restrictions à émettre surtout chez les grandes exploitations du nord, du centre... Et dans ce contexte où la contrainte de la raréfaction des surfaces cultivables est soulignée, le foncier et la préservation de nos réserves nationales de sols s’invitent au débat : comment arriver à faire exploiter les sols disponibles par les demandeurs pour les besoins de la subsistance et de la réduction du chômage des masses en croissance sans léser les autochtones propriétaires, s’il y’en a? Dans certaines contrées du pays, la main d’œuvre disponible pourrait être orientée vers ‘’un navétanat temporaire’’, en référence aux navétanes opérés avec succès aux temps de Senghor en installant définitivement des populations, notamment, du sine saturé vers les terres neuves au Sénégal oriental, mais cette fois ci peut être saisonnièrement pour équilibrer, rentabiliser nos potentiels fonciers, et cela que ce soit par auto entreprise ou sous forme de main d’œuvre bénéfique.

     Sans être exhaustives, ces mesures iront dans le sens de passer d’une quête du développement tout court à celle d’un développement durable, un équilibre partagé et pérenne, tel que nous y convient militants et autres experts ‘’durablistes’’.                               
P B Moussa Kane, doctorant en Aménagement-développement, DEA sciences PO, UGB
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