Controverse au sommet sur les voies et urgences du développement au Sénégal et la nécessité d’une voie synthétique-simultanée

Mardi 1 Octobre 2019

Les politiques, ’’ces managers de l’ensemble des démembrements de notre quotidien’’ à travers leurs prestations que sont les politique publiques désignées comme « l’Etat en action » par un auteur et définies par Thomas Dye comme : « ce que les gouvernements décident de faire ou de ne pas faire » sont appelés à dessiner le destin de tout un peuple. Quoi faire, où, quand et comment? Est l’interpellation de tous envers tout prétendant à un mandat électif d’où la confrontation des programmes ou propositions-solutions avant élection mais aussi après celle-ci. Et ces politiques publiques qu’elles soient l’œuvre d’un gouvernement libéral, socialiste ou centriste seront inévitablement l’expression d’un arbitrage prioritaire voire budgétaire. D’où la nécessité de nous accorder sur ‘’le développement adéquat’’ que nous concevons comme résultant d’une voie synthétique-simultanée (?)


C’est ainsi que le régime Sall (4éme président du Sénégal indépendant) a opté pour une feuille de route, un référent qu’est le plan Sénégal émergent (PSE). Une proposition-solutions fort captivante sur le papier n’empêche critiquée par certains experts ou opposants qui sont dans leurs rôles et dont la mise en œuvre concrète continue de susciter une ‘’levée des boucliers’’. Ces nombreuses alertes, critiques, interpellations ont fait réagir l’ex premier ministre M B Abdallah Dionne, à travers une sortie titrée : «Une somme d’optima n’est pas nécessairement un optimum». L’intervention du premier ministre en période pré électorale était alors une défense de son ‘’palmarès’’ et sollicitation pour son mentor d’un second mandat disant en somme qu’ils ont réalisé de nombreuses infrastructures importantes au développement et aux coûts amortissables dans la durée par leurs rentabilités économiques ou sociales qui feront que les critiques reverront leur copie. Récemment, en visite à Brazzaville pour les besoins du forum ‘’investir en Afrique’’ le président Sall a versé dans la même logique que Dionne, celle de la défense de son programme infrastructurel : « Ce sont les infrastructures qui drainent le développement et à l’heure actuelle, il est même inadmissible à constater une certaine carence infrastructurelle».

  Certes, les infrastructures sont déterminantes pour le développement et nécessaire à la vie de tous les jours. Mais aussi le régime Sall a annoncé l’ouverture concomitante de multiples chantiers lourds tant le défunt secrétaire général du PS, Tanor Dieng a avoué qu’eux autres administrateurs de formation ‘’prudents’’ n’auraient certainement pas engagé tant de chantiers lourds en même temps. Cette position est à ajouter au contexte du développement africain dont un analyste disait que la pauvreté, antinomique au développement est un défi d’abord africain. En effet, en Afrique des besoins élémentaires tels : l’alimentation, l’eau, l’éducation, la santé sont encore loin d’être assurés au peuple.

          Et avant de nous lancer dans une course pour le développement faudrait d’abord nous accorder sur la destination, nous entendre sur ce que renferme le concept développement. Aujourd’hui, le développement ou du moins le progrès est une quête qui n’épargne quasiment aucune partie de la planète, diversement défini et envisagé comme le sont ses moyens, ses metteurs en œuvre, ses visées, le développement est partout élaboré voire couru. Il renvoie à une amélioration globale des conditions de vie d’une population d’un pays. C’est un processus sur le long terme : « Il n’est pas synonyme de croissance économique car celle-ci peut avoir lieu sans que les richesses n’entraînent d’améliorations sociales (en n’étant pas partagées par exemple). Cela explique que le PIB/habitant n’est pas un critère satisfaisant pour mesurer le développement puisque basé sur la richesse, il n’indique rien sur des données sociales. Plusieurs  critères à la mesure du développement pourraient être envisagés. L’espérance de vie par exemple est significative puisqu’elle varie de 37 ans en Zambie à 82 ans au Japon.

On pourrait aussi classer les pays selon le taux d’actifs dans l’agriculture, le pourcentage d’analphabètes…Mais ces critères sont incomplets car ils n’abordent qu’un aspect. C’est pour cela que le PNUD (Programme des Nations unies pour le Développement) a mis en place l’Indicateur du Développement Humain (IDH). Celui-ci se calcule avec le PIB/habitant, l’espérance de vie et le taux d’alphabétisation. Il donne un chiffre entre 0 et 1 et permet une classification des pays, les pays développés étant au-dessus de 0,90 ». (Plateforme Maxicours). D’autres auteurs, (OAKLEY ET GARFORTH, 1986) cité par HAMMANI (1997), estiment que le développement évoque : « une certaine forme d’action, ou d’intervention propre à influencer sur le processus général de transformation sociale. Il s’agit d’un concept dynamique qui suppose que l’on modifie les données d’une situation antérieure ou que l’on s’en éloigne. Ils ajoutent que le processus de développement peut prendre des formes variées et tendre vers toutes sortes d’objectifs. »  On perçoit par ces différentes approches qu’il n’existe pas de définition universelle communément admise qui puisse réellement  cerner tous les aspects  de ce concept qui se veut davantage dynamique et relatif à un contexte mais qui dépassent ‘’l’infrastructurel’’. Cet usage pluriel du développement a motivé l’ajout de qualificatifs qui sont une précision, une délimitation, une détermination au développement. Ainsi, on parle de développement économique, humain, communautaire, rural, territorial, local, inclusif, intégré, intégral, durable,……pour situer le développement. Ces derniers développements sont le plus souvent une réponse à un contexte bien déterminé. Dans ce sens, le développement a aussi une dimension éthique et sociale. C’est Sen, prix Nobel d’économie en 1999, qui a introduit la dimension éthique dans la notion de développement. Chaque homme a droit à la dignité. C’est le principe de la dignité de la personne humaine selon lequel : «un être humain doit être traité comme une fin en soi. Ce principe est fondamental dans le cadre de la coopération, car il impose le respect de l’autre, de ces différences, de ces valeurs.

Malheureusement, il est souvent absent.». La notion de « développement intégral de l’homme » pour sa part a été théorisée par le pape Paul VI dans son encyclique Populorum progressio (1967), dont on a célébré les 50 ans en 2017. « Le développement ne se réduit pas à la simple croissance économique. Pour être authentique, il doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme », y expliquait-il, citant le dominicain français Louis-Joseph Lebret pour qui « nous n’acceptons pas de séparer l’économique de l’humain, le développement des civilisations où il s’inscrit. Ce qui compte pour nous, c’est l’homme, chaque homme, chaque groupement d’hommes, jusqu’à l’humanité tout entière » (Nicolas Senèze, la croix, Rome, 2017). Et pour ce qui est du développement territorial : « il vise à rendre les territoires attractifs et compétitifs. C’est une nouvelle manière de concevoir et d’organiser le devenir des territoires par la valorisation de leurs ressources, à la rencontre du développement local et régional, de l’aménagement et de la gestion territoriale. »  (Baudelle Guy,2011). Ce développement territorial nous semble inclure le développement infrastructurel cher au régime en place, mais pour quel territoire : le rural, la banlieue, l’urbain ? Dans quelle partie du pays ? D’où nous postulons que le développement le plus idoine à l’Afrique, au Sénégal est le développement humain car plus intégral, celui-ci dans notre optique est proche de la pensée de Sen et du Pape Paul VI mais se doit d’être actualisé et équitable. 

     D’où nous disions que le contexte africain ne peut être appréhendé sans une prise en compte de la pauvreté. Faisant avec des carences primaires : l’alimentation (la soudure est quasi inévitable pour beaucoup de localités), l’eau (il n’est pas donné d’avoir la quantité ou la qualité correcte), la santé (une région comme Kédougou ne compte qu’un gynécologue et zéro pédiatre pour 140 000 habitants), la scolarité (les enfants en âge d’être scolarisés sans l’être pullulent et les abris provisoires sont toujours d’actualité)…Tout ceci fait penser qu’une correction urgente s’impose pour légitimer l’aide au développement : « le digne d’aide doit être trouvé au labeur, faisant son possible». Ce tableau pas du tout reluisant, il est vrai ne doit pas nous empêcher de pousser vers l’avant, la modernité, de rêver voire d’être compétitif (optimiser nos atouts et atours) face aux pays développés ; d’où l’invite à une voie synthétique-simultanée. Cette dernière voie sera pour rattraper le retard accusé (intégrative, inclusive) en prenant en compte tous, de l’urbain au rural en passant par le péri urbain à travers toutes les contrées du pays. Mais cette compensation, conciliation devra être alliée à un progressisme, un élan ambitieux sans limitation (synchronique, en même temps que nous tendons à résorber notre retard). La démarche aboutissant à un développement sénégalais conscient, conciliant, concret, concerté, confiant sera donc double ou ne sera pas. Et une option au développement quel qu’elle soit se vérifiera inévitablement à son impact territorial d’où ce n’est pas le territoire qui développe mais qui est développé. Pour ce faire, une dialogue des territoires mais connexion des potentialités (offres et demandes) pour trouver des spécialisations au local, susciter des interdépendances fécondes surtout dans un contexte de zone de libre échange continentale africaine (ZLECA) implique une planification.

L’intervention, la quête du développement doit être un tir groupé, participatif réunissant tous les segments de la société sénégalaise ainsi que nos partenaires pour appliquer à nos différentes localités, chacun selon son appartenance et ses capacités la ou les voies de développement de son ressort, ceci donnera sur le développement de tous et de tout. Il est aussi à relever les dénonciations de surfacturations récurrentes par les experts quant à ces chantiers, exemple du mètre carré de route au Sénégal comparé au Maroc sans que cela ne soit suivi de justificatifs valables par les gouvernants. Sans compter avec des ‘’populismes’’ comme au temps des chantiers de Thiès où les rues du centre urbain étaient jonchées de lampadaires en hauteur et au sol tellement que l’on avait du mal à ouvrir les yeux du fait d’un excès de lumière, or pendant ce temps certains quartiers thiéssois même baignaient dans l’obscurité. Aussi un gouvernant est comme un conducteur qui dit on s’il vous dit je sais conduire, il faut l’attendre au virage dont le plus significatif est à son départ du pouvoir, où on le jugera sur la tenue ou non de ses promesses faites dans le plan Sénégal émergent, l’état des caisses et la signature du Sénégal (si l’on ne croule pas sous les dettes).

     Donc en ce XXIème siècle, à la soixantaine de nos indépendances, le contexte dicte que ce sera par une voie de développement à la démarche double : synthétique et simultanée seulement que nous atteindrons les objectifs d’un développement adéquat (un développement humain actualisé et équitable)
P B Moussa Kane, doctorant en Aménagement-développement et DEA science PO, UGB
Responsable commission scientifique du mouvement des étudiants panafricains de St louis(MEPUS)
 
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