Une crise de confiance similaire grève à présent le secteur de la technologie. Alors que les cadres de Facebook et de Cambridge Analytica rationalisent leur usage abusif des données personnelles, la confiance en les entreprises de technologie est arrivée à une étape critique. Les entreprises « Big Tech » peuvent encore sauver leur réputation, mais leurs entreprises les plus puissantes vont devoir changer fondamentalement de mode de fonctionnement. Pour ce faire, elles doivent éviter les erreurs qui ont presque réduit à néant le secteur financier il y a une décennie.
Cinq leçons principales de la crise financière doivent guider la prise de décision dans le secteur technologique actuel. Premièrement, le faible niveau de compréhension des consommateurs peut être coûteux. Peu avant que n'éclate la bulle de l'immobilier, de nombreux investisseurs ont réalisé qu'ils n'avaient pas la moindre compréhension des produits qu'ils achetaient : certains n'ont pas même su qu'ils achetaient un produit tout court. Le journalisme financier a contribué à cette atmosphère d'ignorance en se concentrant seulement sur les gains potentiels, tout en ignorant les risques.
Les individus s'impliquent dans la technologie de la même manière. Les sociétés, les gouvernements et les entreprises connectent volontiers l'ensemble de leurs opérations à des plateformes qu'ils ne peuvent pas contrôler. Le doute, quand il se fait jour, est habituellement étouffé, parce qu'il est trop commode de s'abandonner à la technologie. Mais tout comme avec les produits financiers périlleux, la seule manière d'atténuer les risques des nouvelles technologies doit être entièrement informée sur ce qui pourrait tourner mal.
La deuxième leçon est que les coûts masqués s'additionnent. Avant la crise financière, de nombreux clients ont vendu des produits aux coûts cachés non divulgués et aux suppléments financiers qui se sont ajoutés au passif. À présent, davantage d'investisseurs reconnaissent que des retours sur investissements plus élevés impliquent un plus gros risque, mais dans les entreprises technologiques, les coûts cachés continuent à prendre au piège les consommateurs confiants. Certains de ces coûts sont sociaux - comme la pression des annonceurs pour acheter des produits. D'autres sont plus réels, comme donner des données personnelles en échange de l'accès à un service.
Troisièmement, les salaires injustes et les structures incitatives sont mauvais pour des affaires. Les bonifications extraordinaires payées aux banquiers responsables des investissements ont fait couler beaucoup d'encre au plus fort de la crise financière. Mais les PDG de Silicon Valley ne sont pas non plus des Robin des Bois. Les entrepreneurs de technologie peuvent bien dire à leurs investisseurs qu'ils veulent changer le monde, mais beaucoup sont obnubilés par l'idée que le monde sera meilleur quand ils vendront leur affaire au meilleur enchérisseur.
Quatrièmement, les entreprises dominées par des hommes prennent davantage de risques inutiles. Quand l'histoire de la crise financière était en train de s'écrire, bien des personnes ont argué du fait qu'une plus grande diversité de genre aurait atténué les risques. En 2010, deux ans après l'effondrement de Lehman Brothers, Christine Lagarde, alors ministre des Finances de la France a expliqué que la crise aurait été moins douloureuse si des "Lehman Sisters" avaient géré la boutique. La même logique s'applique aujourd'hui au secteur de la technologie.
Enfin, comme nous l'avons appris il y a une décennie, l'économie mondiale est profondément interconnectée : aucune banque n'était trop grosse pour faire faillite ou pour être sauvée. Cela vaut également pour les plus grandes compagnies de technologie. L'effondrement d'Amazon ou de Google - aussi invulnérables qu'elles paraissent - risque d'avoir des effets de vague dévastateurs. Tandis que de nombreuses personnes soutiennent qu'il serait imprudent de réguler des entreprises de technologie sur la question de la censure et de l'accès à la connaissance, ces entreprises, comme leurs homologues du secteur financier, sont devenues trop grandes pour être abandonnées à leurs propres dispositifs.
Dans la décennie qui a suivi le déclenchement de la crise financière, des changements structurels ont aidé à stabiliser les opérations bancaires et le secteur des services financiers. Les règlementations ont augmenté la transparence et ont aiguisé la conscience du consommateur. Mais la vieille dynamique, les anciennes structures de pouvoir et les échelles de salaires gonflées ont en grande partie survécu. En conséquence, la réputation du secteur reste en lambeaux.
Pour que le secteur de la technologie évite le même sort, ses dirigeants doivent accroître le niveau de connaissance des consommateurs au sujet des produits qu'ils proposent - et des dangers potentiels qu'ils représentent. Les PDG doivent se montrer favorables à la réglementation, augmenter la diversité sur le lieu de travail, rendre plus équitables les salaires et les structures incitatives. Par dessus tout, les leaders de technologie doivent éviter les erreurs commises par d'autres secteurs en période de gestion de crise. En outre, aucun secteur d'activité n'offre une étude de cas plus appropriée que celle qui a presque conduit l'économie mondiale à sa perte.
Alexandra Borchardt, directrice du développement stratégique à l'institut Reuters pour l'étude du journalisme.
© Project Syndicate 1995–2018
Cinq leçons principales de la crise financière doivent guider la prise de décision dans le secteur technologique actuel. Premièrement, le faible niveau de compréhension des consommateurs peut être coûteux. Peu avant que n'éclate la bulle de l'immobilier, de nombreux investisseurs ont réalisé qu'ils n'avaient pas la moindre compréhension des produits qu'ils achetaient : certains n'ont pas même su qu'ils achetaient un produit tout court. Le journalisme financier a contribué à cette atmosphère d'ignorance en se concentrant seulement sur les gains potentiels, tout en ignorant les risques.
Les individus s'impliquent dans la technologie de la même manière. Les sociétés, les gouvernements et les entreprises connectent volontiers l'ensemble de leurs opérations à des plateformes qu'ils ne peuvent pas contrôler. Le doute, quand il se fait jour, est habituellement étouffé, parce qu'il est trop commode de s'abandonner à la technologie. Mais tout comme avec les produits financiers périlleux, la seule manière d'atténuer les risques des nouvelles technologies doit être entièrement informée sur ce qui pourrait tourner mal.
La deuxième leçon est que les coûts masqués s'additionnent. Avant la crise financière, de nombreux clients ont vendu des produits aux coûts cachés non divulgués et aux suppléments financiers qui se sont ajoutés au passif. À présent, davantage d'investisseurs reconnaissent que des retours sur investissements plus élevés impliquent un plus gros risque, mais dans les entreprises technologiques, les coûts cachés continuent à prendre au piège les consommateurs confiants. Certains de ces coûts sont sociaux - comme la pression des annonceurs pour acheter des produits. D'autres sont plus réels, comme donner des données personnelles en échange de l'accès à un service.
Troisièmement, les salaires injustes et les structures incitatives sont mauvais pour des affaires. Les bonifications extraordinaires payées aux banquiers responsables des investissements ont fait couler beaucoup d'encre au plus fort de la crise financière. Mais les PDG de Silicon Valley ne sont pas non plus des Robin des Bois. Les entrepreneurs de technologie peuvent bien dire à leurs investisseurs qu'ils veulent changer le monde, mais beaucoup sont obnubilés par l'idée que le monde sera meilleur quand ils vendront leur affaire au meilleur enchérisseur.
Quatrièmement, les entreprises dominées par des hommes prennent davantage de risques inutiles. Quand l'histoire de la crise financière était en train de s'écrire, bien des personnes ont argué du fait qu'une plus grande diversité de genre aurait atténué les risques. En 2010, deux ans après l'effondrement de Lehman Brothers, Christine Lagarde, alors ministre des Finances de la France a expliqué que la crise aurait été moins douloureuse si des "Lehman Sisters" avaient géré la boutique. La même logique s'applique aujourd'hui au secteur de la technologie.
Enfin, comme nous l'avons appris il y a une décennie, l'économie mondiale est profondément interconnectée : aucune banque n'était trop grosse pour faire faillite ou pour être sauvée. Cela vaut également pour les plus grandes compagnies de technologie. L'effondrement d'Amazon ou de Google - aussi invulnérables qu'elles paraissent - risque d'avoir des effets de vague dévastateurs. Tandis que de nombreuses personnes soutiennent qu'il serait imprudent de réguler des entreprises de technologie sur la question de la censure et de l'accès à la connaissance, ces entreprises, comme leurs homologues du secteur financier, sont devenues trop grandes pour être abandonnées à leurs propres dispositifs.
Dans la décennie qui a suivi le déclenchement de la crise financière, des changements structurels ont aidé à stabiliser les opérations bancaires et le secteur des services financiers. Les règlementations ont augmenté la transparence et ont aiguisé la conscience du consommateur. Mais la vieille dynamique, les anciennes structures de pouvoir et les échelles de salaires gonflées ont en grande partie survécu. En conséquence, la réputation du secteur reste en lambeaux.
Pour que le secteur de la technologie évite le même sort, ses dirigeants doivent accroître le niveau de connaissance des consommateurs au sujet des produits qu'ils proposent - et des dangers potentiels qu'ils représentent. Les PDG doivent se montrer favorables à la réglementation, augmenter la diversité sur le lieu de travail, rendre plus équitables les salaires et les structures incitatives. Par dessus tout, les leaders de technologie doivent éviter les erreurs commises par d'autres secteurs en période de gestion de crise. En outre, aucun secteur d'activité n'offre une étude de cas plus appropriée que celle qui a presque conduit l'économie mondiale à sa perte.
Alexandra Borchardt, directrice du développement stratégique à l'institut Reuters pour l'étude du journalisme.
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