Le monde au risque de l'économie chinoise

Mercredi 20 Avril 2016

Dans un contexte économique maussade, les dirigeants financiers de la planète sont réunis à Washington pour la réunion de printemps du FMI. Tous leurs regards en termes d'espoir mais aussi de crainte sont tournés vers la Chine. Il y a des raisons à cela : c'est le seul pays capable de relancer une économie mondiale dont la croissance reste fragile, par contre sa propre croissance repose sur une base de plus en plus incertaine. Or tant le succès que l'échec de la Chine présentent des risques pour l'économie mondiale.


Un échec serait un cas unique depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. La taille de l'économie chinoise est telle qu'un échec aurait des répercussions mondiales. Mais contrairement à ce qui s'est passé en 2008 quand le dollar s'est apprécié, favorisant ainsi une reprise rapide des marchés émergents, en cas de fort ralentissement de l'économie chinoise, le yuan se déprécierait probablement, provoquant une déflation mondiale.
D'autres devises pourraient être entraînées dans la chute du yuan, parfois en raison d'un choix délibéré. Aussi un effondrement économique de la Chine pourrait ressembler à la crise des années 1930, avec des dévaluations concurrentielles et le plongeon de l'économie réelle.
Mais que se passera-t-il si la Chine réussit sa transition vers un modèle économique tiré par la  consommation ? En 2007, son excédent des comptes courants représentait 10% de son PIB, son épargne plus de 50% et les investissements plus de 40%. Ces chiffres paraissaient beaucoup trop élevés en termes d'efficacité économique ou d'amélioration de la protection sociale. Un consensus s'est donc rapidement établi sur la nécessité de diminuer l'épargne et les investissements pour parvenir à un meilleur équilibre. Il faudrait une plus grande discipline financière pour réduire les investissements destinés aux entreprises publiques gaspilleuses et renforcer la protection sociale, de manière à ce que les ménages diminuent leur épargne destinée à l'éducation et à l'entretien d'un enfant à venir ou en prévision de leurs vieux jours.
Une décennie plus tard, quel est le bilan ? Comme prévu l'Etat a amélioré la protection sociale et l'excédent des comptes courants a chuté. L'année dernière cet excédent représentait moins de 3% du PIB, une fraction de ce qu'il était en 2007.
Mais cela ne suffit pas à valider la théorie. La moitié de la diminution de l'excédent des comptes courants tient en fait à l'augmentation de la part des investissements dans le PIB. L'épargne nationale a baissé d'environ 3,5 points de pourcentage du PIB par rapport à 2007 (selon les estimations du FMI, les derniers chiffres officiels datant de 2013). Mais cette baisse est modeste comparée à la hausse de 15 points de pourcentage entre 2000 et 2007.
Or cette modeste baisse de l'épargne tient essentiellement aux entreprises, le taux d'épargne des ménages relativement au PIB n'ayant guère varié depuis 2007. Autrement dit les indicateurs à la hausse durant le boom n'ont pas baissé. Il faudrait comprendre pourquoi, c'est une question importante non seulement pour la Chine, mais aussi pour le reste du monde.
On peut faire deux grandes hypothèses. Il est possible que la théorie soit correcte, mais nécessite davantage de temps pour porter ses fruits. Dans ce cas, aussi longtemps que les dirigeants chinois continuent à renforcer la protection sociale, la baisse de l'épargne et celle prévue des investissements permettraient de maintenir l'excédent des comptes courants à un niveau acceptable.
Mais que se passera-t-il si la théorie est fausse ou incomplète ? On a peut-être surestimé les effets de l'amélioration de la protection sociale sur l'épargne ; ou alors ces effets ont été annulés du fait du vieillissement de la population qui aura absorbé l'essentiel de l'accroissement du budget social. Au cours des 15 prochaines années, la population chinoise âgée de 60 ans et plus augmentera des deux tiers. Il est possible que les travailleurs vieillissants épargnent au maximum en vue de leur retraite prochaine.
Si ce scénario se réalise au moins en partie, le taux d'épargne des ménages pourrait continuer à diminuer lentement. Pendant ce temps l'Etat fermerait les usines qui tournent à perte, ce qui se traduirait par une augmentation de l'épargne des entreprises. En conséquence de quoi le taux d'épargne global resterait élevé, même en cas de chute des dépenses d'investissement - d'où une nouvelle hausse de l'excédent des comptes courants.
C'est là une sombre perspective pour l'économie mondiale. Si l'économie chinoise ralentit, il en sera de même de la croissance mondiale. La demande restante s'adresserait à la Chine, aggravant les difficultés des autres pays. Ce serait très différent de la période précédente caractérisée par des déséquilibres mondiaux, quand la croissance rapide de la Chine compensait en partie l'énorme excédent des comptes courants du pays.
Un atterrissage brutal de l'économie chinoise pourrait déclencher une déflation mondiale, tandis que l'absence de déflation pourrait se traduire par un retour aux déséquilibres mondiaux. Les dirigeants réunis à Washington dans le cadre du FMI devraient se pencher sur ce dilemme.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Arvind Subramanian est conseiller économique principal auprès du ministère des Finances indien.
 
 
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