La volatilité des prix au Sénégal : Esquisse d’explications et de solutions

Vendredi 31 Mai 2013

L’évolution des prix suscite souvent une inquiétude de la part des autorités monétaires dans la mesure où la stabilité des prix occupe une place prépondérante dans un processus de croissance économique. En effet une bonne politique monétaire reflète la santé économique d’un pays. Cela laisse deviner l’importance que les autorités monétaires accordent à la lutte contre l’inflation. Cependant, lutter contre un phénomène nécessite au préalable de savoir quelles en sont les causes, quelles en sont les limites etc. pour pouvoir dégager les solutions adéquates. Par ailleurs l’interdépendance de plus en plus élevée entre les pays, constitue une entrave pour les pays sous développés de lutter efficacement contre l’inflation. Le Sénégal ne demeure pas une exception. Le présent article a pour objectif de déterminer les causes réelles de l’inflation au Sénégal.


La volatilité des prix au Sénégal : Esquisse d’explications et de solutions
Revue de la littérature sur la volatilité des prix.
Du point de vue socioéconomique une forte inflation est un phénomène macroéconomique couteux et néfaste. Elle entraine un affaiblissement du pouvoir d’achat de la monnaie et des actifs financiers à valeurs fixes provoquant ainsi le déclin de l’activité économique. Il devient ainsi aisé de comprendre pourquoi l’objectif de stabilité des prix figure au premier rang des préoccupations des responsables de politique économique. C’est une formule qui doit être soigneusement précisée pour devenir opératoire. Pour éviter des controverses terminologiques d’un intérêt limité, on définit l’inflation comme la hausse du niveau général des prix sans hausse correspondante de la valeur des marchandises. Ainsi dans la plupart des pays, l’objectif de stabilité monétaire recherché par les pouvoirs publics se confond avec l’absence d’inflation. Deux questions se posent dès lors : s’agit-il d’une stabilité stricto-sensu ou d’une limite supérieure à la hausse ? Pour répondre à cette première question, il est admis qu’une stabilité absolue du niveau général des prix est difficilement réalisable dans les économies contemporaines. Or, le niveau général des prix ne doit pas augmenter plus vite que dans les pays concurrents sous peine d’entrainer des pertes de compétitivité. On s’interroge également sur la manière de mesurer le niveau général des prix. Répondre à cette question est relativement difficile, dans la mesure où il faut tenir en compte la multiplicité des indices utilisables entre lesquels le choix n’est pas toujours évident (déflateur du PIB, indice des prix à la consommation). Une autre difficulté vient du fait que tout indice est par nature conventionnel et que son caractère significatif laisse à désirer.
Ainsi pour répondre à ces phénomènes d’hyperinflation et de faible croissance qui secouent les économies, les chercheurs axent leurs réflexions autour de deux points à savoir quel est le bon niveau d’inflation mais également de quels instrument de politiques économiques un pays doit disposer pour éviter ce fléau de volatilité des prix. Il devient dès lors important de situer les origines de l’inflation. En effet nous rencontrons différentes réponses selon les courants de pensée économique.
Selon les monétaristes, l’inflation traduirait un déséquilibre monétaire, provoqué par une émission trop importante de monnaie par la Banque Centrale au regard des quantités que les agents économiques souhaitent détenir en vue du niveau de production de l’économie. D’après les économistes du développement, l’inflation est le résultat des difficultés que les autorités étatiques rencontrent quand ils veulent impulser le développement et la croissance économique. En d’autres termes la volatilité des prix serait la résultante de la forte instabilité des exportations, de l’existence de goulot d’étranglement dans le secteur agricole, l’insuffisance de l’épargne, l’absence d’industries domestiques développées mais aussi les contraintes de change. En résumé l’inflation est tantôt d’ordre économique, tantôt d’ordre sociologique.
Selon l’approche économique, l’inflation vient du déséquilibre entre l’offre et la demande de biens et de services. Cela traduit la différence entre ce qui est produit (localement ou importé) et la quantité de monnaie en circulation. C’est ainsi que Milton Friedman affirme que l’inflation est partout et toujours un phénomène monétaire. L’inflation par la demande a lieu lorsque la demande globale augmente plus vite que l’offre, entrainant ainsi un ajustement à la hausse pour rétablir l’équilibre. Pour combler le déficit budgétaire de l’Etat, la Banque Centrale peut émettre de la monnaie, la demande globale va augmenter. De même les dépenses incontrôlées de recettes extraordinaires, celles de privatisation, la hausse des exportations et la distribution supplémentaire de revenus constituent des explications à l’augmentation de la demande globale. Selon les keynésiens l’inflation par chocs d’offre est la source essentielle de l’évolution des prix. Selon ces derniers la volatilité des prix provient de l’augmentation des coûts plus précisément au cours des périodes de chômage et de d’utilisation ralentie des ressources. Ces chocs d’offre viennent de la hausse des salaires, des mauvaises récoltes, des variations des coûts du baril de pétrole, du Pass-Through mais aussi de la fiscalité et des troubles sociologiques.
Selon l’approche sociologique, l’inflation provient de la course à la richesse des acteurs économiques. En effet les salariés, revendiquent une hausse du salaire, les paysans s’efforcent de défendre les cours agricoles, les industries cherchent à accroitre leur profit tandis que les commerçants tendent à défendre leurs marges bénéficiaires.
Outre ces chocs précédemment cités, l’inflation est en grande partie d’origine internationale, on parle d’inflation importée.
Au regard de cette littérature nous pouvons noter que l’inflation pourrait être expliquée par plusieurs cas, ceux que nous venons de mentionner et tant d’autres qui peuvent faire l’objet d’un autre texte. Cependant tentons de l’analyser au Sénégal, d’établir aussi une analyse comparative avec la zone UEMOA pour enfin pouvoir dégager les causes réelles de la volatilité des prix au Sénégal.
Les faits stylisés : évolution de l’inflation au Sénégal
La question de l’inflation a toujours suscité un intérêt particulier dans le pays. De plus, l’économie sénégalaise est une petite économie qui est très dépendante de l’évolution de la conjoncture internationale et, en particulier, de la valeur des principales monnaies étrangères. Cela est encore plus important quand on sait que les principaux partenaires commerciaux du Sénégal font partie des pays développés et que la part des importations dans le PIB a toujours été relativement importante.
Taux d’inflation du Sénégal au cours des dix dernières années :

La volatilité des prix au Sénégal : Esquisse d’explications et de solutions
Source : Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie
L’analyse de l’évolution du taux d’inflation sur la période 2003-2012 montre une tendance irrégulière. De 2003 à 2007 on note une évolution à la hausse de l’inflation. Par contre de 2007 à 2008 le niveau d’inflation reste stationnaire. A partir de 2008 l’inflation enregistre une chute considérable (6% a -1%). Cependant le taux d’inflation est revu à la hausse de 2009 à 2011 pour enfin baisser en 2012.  Toutes les hausses du niveau général des prix ressortent de la hausse du cours du baril de pétrole et de l’instabilité du dollar. Cependant la baisse constatée en 2009 résulte  de l’accroissement de la production agricole mondiale, de la chute du prix du pétrole et de l’appréciation du dollar par rapport à l’euro, monnaie d’ancrage du FCFA.
 
Analyse comparative avec les pays de la zone UEMOA
Evolution de l’inflation dans les pays membres de l’UEMOA :

La volatilité des prix au Sénégal : Esquisse d’explications et de solutions
Source : ANSD
Une vue d’ensemble laisse apparaitre que le Sénégal, derrière la Cote d’Ivoire, demeure dans la zone le pays où le taux d’inflation est le plus modéré face au critère de convergence de l’UEMOA. Tel est le cas pour toutes les années sauf pour 2007 et 2008 où le Sénégal a enregistré des taux respectifs de 5,9% et de 5,8%. La zone enregistre son taux le plus élevé en 2008 et cela coïncide principalement à la hausse des prix sur les marchés extérieurs du pétrole  et des produits alimentaires destinés en grande partie,  à une consommation locale directe. Cette tendance à la hausse que l’on constate pour l’année 2008 est la même dans tous pays de la zone mais de manière beaucoup plus modéré pour le Sénégal et la Cote d’Ivoire. Cette situation est l’inverse pour l’année 2011 où les taux les plus élevés sont enregistrés au Sénégal, à la cote d’ivoire. Une fois de plus cela découle de la conjoncture internationale.
 
 
Conclusions et recommandations :
Au terme de cette analyse nous pouvons constater que les prix domestiques, au Sénégal, varient généralement en fonction des chocs internationaux. Cela est lié au fait que la détermination des prix passe par une chaine de distribution au début de laquelle figure le taux de change. En effet les variations du taux de change effectif  nominal, supposé exogène, se répercutent, dans un premier temps, sur l’évolution de l’indice des prix à l’importation. Ensuite les variations du TCEN, conjuguées avec celle des prix à l’importation, se transmettent aux coûts de production des entreprises. Puis, la variation de ces coûts de production va se répercuter sur les prix à la production. Et, en dernier lieu, l’effet global de ces innovations va affecter les prix à la consommation qui constituent le dernier maillon de cette chaîne. Cette dernière peut ainsi être décrite de la manière suivante: 
     TCEN                IPM                    IPP                     IHPC
Où TCEN= taux de change effectif nominal ; IPM=indice des prix a l’importation ; IPP =indice des prix à la production ; IHPC=indice harmonise des prix à la consommation.
Ainsi des efforts de reformes additionnelles devraient être entreprises dans le but de parvenir à une augmentation soutenable de la production d’une part et d’autre part, assurer des aménagements au niveau du taux de change. En d’autres termes, l’Etat devrait redynamiser la sphère de la production nationale. Ceci permettrait, sans doute, de diminuer le poids des importations dans l’offre nationale, ce qui diminuerait la demande de devises sur les marchés de change à moyen et long terme et permettrait d’enregistrer une augmentation des exportations ce qui alimenterait l’offre de devises sur le marché des changes. Cette mesure permettrait à la Banque Centrale d’intervenir de façon simple sur le marché des changes sans le perturber ce qui lui permettrait de remplir aisément sa mission qui est de sauvegarder la valeur de la monnaie nationale.
Les transferts privés sans contre partie sont la principale composante de l'offre de devises sur le marché des changes. L'Etat doit donc mettre en place des politiques qui visent à diversifier l'offre. L'une de ces politiques pourraient être, par exemple, de relancer l'industrie touristique qui de nos jours joue un rôle très important en terme de rentrée de devises pour les économies qui misent sur cette politique. Ceci aurait un effet porteur pour l'économie en termes de créations d'emplois et augmenterait l'offre agrégée ce qui pourrait diminuer le niveau général des prix dans l'économie.
Une ambiance favorable à l'implantation des firmes multinationales dans le pays serait aussi un moyen pour l'économie et le pays d'une manière générale d'attirer des devises. Mais ceci impliquerait la mise en place de toute une batterie de mesures comme la sécurité des vies et des biens, une réforme judiciaire très sérieuse et une stabilité politique et macroéconomique durable...
Sokhna Seck
 
Actu-Economie


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