La titrisation : Le couteau suisse de la finance en zone UEMOA ?

Lundi 5 Juin 2017

Le nombre de PME dans le tissu économique ouest africain ne cesse de croître, mais ces dernières restent toujours confrontées à un problème réel d’accès au financement. Malgré leur impact sur le chômage et la création de valeur, elles sont souvent amenées à mourir de manière prématurée, faute de pouvoir réaliser les investissements nécessaires à leur croissance.


Plusieurs états, organisations, institutions financières, institutions d’aide au développement œuvrent pour une amélioration du contexte socio-économique de nos pays, mais nous restons encore loin de la création de champions nationaux ou régionaux, d’un accès optimal au système bancaire, mais aussi d’une réduction considérable du taux de chômage.
Par ailleurs, nous constatons que les banques qui disposent des capitaux et qui pourraient accompagner les PME dans leur développement, sont souvent frileuses ou peu rassurées à l’idée de prêter à ces dernières ; cela, du fait du risque élevé de défaut qu’elles sont susceptibles de rencontrer. En effet, l’importance du secteur informel, l’absence de garanties suffisantes pour la couverture du risque, les problèmes de gouvernance d’entreprise, ou encore, l’absence de plan de développement stratégique mesurable et atteignable sont à juste titre, des freins à l’octroi de prêts par les banques. 
En outre, sur le marché financier de la zone UEMOA, il existe un réel manque de diversification en termes de classes d’actifs et de secteurs. En effet, les investisseurs locaux investissent très largement dans les obligations d’Etat et dans une moindre mesure, dans les actions. Les opportunités d’investissement dans les obligations corporate se faisant très rares, il est souvent très difficile de trouver des instruments financiers susceptibles de générer un couple rendement/risque le plus attractif possible.
Au vu de tous ces éléments, je pense que la titrisation peut constituer LA SOLUTION à tous ces problèmes d’ordre socio-économique.
La titrisation comme solution de financement des PME, de transfert du risque des banques et de réduction des coûts de financement des banques et de crédit des PME.
La titrisation des créances octroyées aux PME sera pour les banques, non seulement un moyen de transfert du risque, mais également un moyen d’augmenter leur capacité à financer les PME. En effet, en structurant les prêts accordés aux PME et en les revendant à des investisseurs, la banque pourra sortir ces créances de son bilan, d’où une meilleure flexibilité dans la gestion de ce dernier. Par la même occasion, elle réduira son risque et son capital réglementaire. Des conséquences naturelles seront : pour les banques, la baisse du coût du financement et pour les PME, celle du coût du crédit. Ce qui aura inexorablement un effet sur la croissance économique.
La titrisation comme outil de création d’une nouvelle classe d’actifs et de diversification des investissements.
Au travers de la titrisation des créances aux PME, les investisseurs pourront avoir accès à une nouvelle classe d’actifs, autres que les traditionnelles actions et obligations d’Etat. Ceci conduira à réduire considérablement le risque de concentration sur certains pays et/ou secteurs d’activités. Aussi faut-il préciser que la titrisation sera pour les investisseurs un bon moyen d’avoir accès à des investissements ou à des secteurs d’activités qui, jusque-là, leur étaient fermés. L’espérance de rendements sur les produits titrisés étant généralement plus élevée que pour les classes d’actifs traditionnelles, les investisseurs trouveront ainsi un véritable moyen d’améliorer les performances des portefeuilles d’investissements.
Le processus de titrisation des créances des PME : quelles mesures d’accompagnement ?
Afin que la titrisation puisse devenir la solution miracle en zone UEMOA, il faudra prêter une grande attention aux éléments ou mesures ci-après :
  1. Il est nécessaire que les banques continuent de traiter les dossiers de demande de prêt avec la plus grande rigueur possible. Une attention particulière devra être portée aux phénomènes de « predatory lending » et « moral hazard problem ». Ainsi, il sera essentiel que les banques retiennent une partie des créances titrisées pour leur compte propre. Elles ne devront pas pour autant tomber dans le travers qui consiste à en abuser du fait de l’effet de levier que la titrisation pourrait leur procurer.
  2. Une diversification par secteur d’activités des PME dont le pool de créances devra servir à la titrisation, est essentielle.
  3. Les agences de notation qui devront noter les tranches de titrisation devront absolument comprendre les sous-jacents des instruments titrisés, afin d’éviter que le produit ne soit une boîte noire. Il est de leur responsabilité de faire éviter au marché financier une crise systémique car, les investisseurs devront s’appuyer sur leurs analyses pour apprécier le risque réel qu’ils devront prendre.
  4. De la même manière que les agences de notation, les asset managers ont une très forte responsabilité dans la réussite de la titrisation en zone UEMOA. En effet, la plupart des investisseurs devront s’appuyer sur leur expertise. Il est donc INDISPENSABLE qu’ils mènent avec la plus grande attention, l’ensemble des due diligences sur les originateurs et arrangeurs et ce, quelle que soit l’évolution de la titrisation dans la zone. Car oui, on n’est JAMAIS à l’abri d’une mauvaise surprise !
  5. Les autorités de régulation devront mettre en place des procédures de contrôle très strictes afin de s’assurer que le processus de titrisation se fasse dans les règles de l’art.
  6. Il est indispensable que des solutions continuent d’être mises en place par les États, les structures d’aide au développement, les fonds d’investissement, etc. afin de résoudre les problèmes propres aux PME (secteur informel, gouvernance, stratégie, formation, etc.)
  7. A l’instar de PROPARCO qui a octroyé une garantie pour un fonds commun de placement action d’Ecobank, il serait judicieux que les États ainsi que les institutions de développement, telles que la BAD, la BOAD, la SFI, PROPARCO, etc. fournissent des garanties supplémentaires afin d’améliorer la qualité des pools de créances à titriser. Cela constituerait pour les investisseurs, une sécurité additionnelle aux techniques/mécanismes de rehaussement du crédit.
  8. Dernier point, et non des moindres : les investisseurs devront ABSOLUMENT prendre en compte à la fois, le risque et le rendement des produits titrisés, dans leur processus d’allocation d’actifs.
  Marième BA KANE
 Entrepreneur, Asset Manager, Risk Manager, Analyste Quantitatif
 
Contributions



1.Posté par Ahmadu le 29/12/2017 00:59
ALAS something very smart said.

Je vais ajouter que notre pseudo bank centrale doit enfin jouer son role.Par ailleurs, nos Tresors doivent aussi jouer le role de garant de la Monnaie,au lieu de verser nos devises au tresor francais pour une soit-disant garantie qui n'est pas neccessaire pour une monnaie fiduciare.
Les banques privees n'ont pas le choix que d'etre prudentes quand la Banque Centrale leur transfert tout le risque inherent au credit.
Les reserves sont trop elevees et le Ratio doit etre revu...On aquand meme plus de 80% de chomage...cela devrait etre la priorite.
Mon dernier point,les banques privees doivent etre admise dans les decisions de credit et de circulation monetaire de la BECAO....On ne sait pas pour qui cette derniere travaille.

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