La stagnation illibérale

Mardi 11 Avril 2017

Un quart de siècle après la fin de la guerre froide, la fracture entre Occident et Russie existe encore aujourd’hui. Cette fois-ci en revanche, du moins pour l’un des deux camps, le désaccord concerne plus ouvertement les questions de puissance géopolitique que les considérations idéologiques. De diverses manières, l’Occident a soutenu les mouvements démocratiques de la région post-soviétique, dissimulant à peine son enthousiasme pour les différentes « révolutions de couleur » qui ont permis de remplacer des dictateurs longtemps au pouvoir par des dirigeants plus réceptifs – bien que tous ne se soient pas révélés les démocrates engagés qu’ils prétendaient être.


Trop de pays de l’ancien bloc soviétique demeurent sous le contrôle de dirigeants autoritaires, dont certains, à l’instar du président russe Vladimir Poutine, ont appris à afficher un simulacre d’élections plus convaincant que sous leurs prédécesseurs communistes. Ces dirigeants vantent leur système de « démocratie illibérale » davantage sur la base d’un pragmatisme que de quelque théorie historique universelle. Ils affirment être tout simplement plus efficaces lorsqu’il s’agit de produire des résultats.
Pour ce qui est d’attiser le sentiment nationaliste et d’asphyxier la dissidence, leur efficacité ne fait aucun doute. Ils se montrent en revanche moins performants dans la dynamisation d’une croissance économique à long terme. Autrefois deuxième superpuissance mondiale, la Russie enregistre aujourd’hui un PIB environ équivalent à 40 % de celui de l’Allemagne, et à un peu plus de 50 % de celui de la France. L’espérance de vie des Russes se classe en 153e position mondiale, juste derrière celle des habitants du Honduras et du Kazakhstan.
S’agissant du revenu par habitant, la Russie figure en 73e position (en termes de parité de pouvoir d’achat) – bien en dessous des anciens États satellites de l’Union soviétique en Europe centrale et orientale. Le pays est par ailleurs désindustrialisé : ses exportations proviennent désormais en grande majorité de ressources naturelles. La Russie n’a pas évolué jusqu’au statut d’économie de marché « normale », mais plutôt vers une forme de capitalisme étatique de connivence.
Certes, la Russie boxe encore avec les poids lourds dans certains domaines, tels que les armements nucléaires. Elle conserve par ailleurs un pouvoir de veto au Nations Unies. Et comme l’a illustré le récent piratage du Parti démocrate américain, le pays dispose de cybercapacités qui lui permettent de s’immiscer profondément dans la tenue des élections occidentales.
Tout porte à croire que les intrusions de ce type se poursuivront. Compte tenu des relations étroites qu’entretient le président américain Donald Trump avec plusieurs personnalités russes peu recommandables (elles-mêmes proches de Poutine), les Américains s’inquiètent sérieusement des possibles influences exercées par la Russie sur les États-Unis – affaires sur lesquelles les enquêtes actuellement menées permettront peut-être de faire la lumière.
Beaucoup nourrissaient de plus hauts espoirs pour la Russie, et plus largement pour l’ex-Union soviétique, lorsque le Rideau de fer est tombé. Après soixante-dix ans de communisme, la transition vers une économie de marché démocratique s’annonçait bien entendu difficile. Mais compte tenu des avantages évidents que représentaient le capitalisme et la démocratie pour un système qui venait tout juste de s’effondrer, tous s’attendaient à voir l’économie prospérer, et les citoyens aspirer à se faire entendre davantage.
Pourquoi cela n’a-t-il pas fonctionné ? Qui sont les éventuels responsables de cet échec ? La transition post-communiste de la Russie aurait-elle pu être mieux gérée ?
Il n’est jamais possible de répondre à de telles interrogations de manière tranchée : l’histoire ne peut être réécrite. Je crois cependant qu’une partie du problème réside dans l’héritage légué par un Consensus de Washington défaillant, qui a façonné la transition russe. Les influences issues de ce cadre se sont illustrées par l’accent considérable que les réformateurs ont placé sur les privatisations, quelles qu’en soient les modalités, qui ont été effectuées à un rythme effréné et qui ont primé sur toute autre chose, notamment sur la création des infrastructures institutionnelles nécessaires au fonctionnement d’une économie de marché. 
Il y a quinze ans, dans mon ouvrage intitulé La Grande Désillusion , j’expliquais déjà pourquoi cette « thérapie de choc » en matière de réforme économique était vouée à l’échec. Les défenseurs de cette doctrine préconisaient de leur côté une certaine patience : nul ne saurait formuler de tels jugements sans un recul à plus long terme.
Aujourd’hui, plus d’un quart de siècle après le début de la transition, mes prévisions à l’époque qualifiées de trop précoces se sont confirmées, et ceux qui affirmaient que les droits de propriété privée, une fois créés, feraient naître une plus forte aspiration à l’État de droit doivent reconnaître qu’ils avaient tort. La Russie et plusieurs autres pays en transition sont plus à la traîne que jamais par rapport aux économies développées. Le PIB de certains pays en transition est inférieur aux niveaux atteints précisément au début de cette transition.
De nombreux Russes sont persuadés que le Trésor américain a œuvré pour que les politiques du Consensus de Washington affaiblissent leur pays. Formulées dans un écrit détaillé  publié en 2006, les révélations autour d’une grave corruption dans l’équipe de l’Université d’Harvard désignée pour « appuyer » la transition russe ont renforcé cette conviction.
Je pense néanmoins que l’explication est moins sinistre : des idées défaillantes, même avec les meilleures intentions, peuvent engendrer de graves conséquences. Et les opportunités d’enrichissement personnel offertes par la Russie étaient tout simplement trop tentantes pour que tous y résistent. De toute évidence, la démocratisation de la Russie exigeait que soient fournis des efforts visant à assurer une prospérité partagée, plutôt que la mise en œuvre de politiques qui ont fait naître une oligarchie.
Les échecs passés de l’Occident ne doivent pas affecter sa détermination à œuvrer pour l’existence d’États démocratiques respectueux des droits humains et du droit international. L’Amérique se bat actuellement pour que l’extrémisme de l’administration Trump – interdiction d’entrée des musulmans, politiques environnementales fixées au mépris des données scientifiques, et autres menaces de non-respect de certains engagements commerciaux internationaux – ne devienne pas la nouvelle norme. Mais les violations du droit international que perpétuent d’autres pays, comme la Russie sur le territoire ukrainien, ne doivent pas non plus être « normalisées ».
Traduit de l’anglais par Martin Morel
Joseph E. Stiglitz, prix Nobel d’économie, est professeur à l’Université de Columbia, et économiste en chef à l’Institut Roosevelt. Son ouvrage le plus récent s’intitule L’euro : comment la monnaie unique menace l’avenir de l’Europe .
© Project Syndicate 1995–2017
 
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1.Posté par hounon le 13/04/2017 16:58
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