Crise grecque : l'intraitable Wolfgang Schäuble

Dimanche 12 Juillet 2015

Le ministre allemand des Finances souhaite un Grexit temporaire. Retour sur le numéro d'équilibriste de l'austère gardien de la rigueur monétaire.


Fidèle à lui-même, Wolfgang Schäuble  ne cédera pas. Alors que les ministres des Finances de l'Eurogroupe siègent à nouveau dimanche à Bruxelles pour analyser les nouvelles propositions déposées par le Premier ministre grec Alexis Tsipras, le ministre allemand crée la surprise en proposant deux scénarios. Le premier, radical, qui - Wolfgang Schäuble ne s'en cache pas - a sa préférence : un Grexit temporaire. La Grèce  serait suspendue de la zone euro pendant au moins 5 ans, le temps de restructurer sa dette. Le pays resterait cependant membre de l'Union européenne. Le second scénario, à peine plus conciliant : tout en revoyant, rapidement et en profondeur, ses propositions de réformes avec l'appui de son Parlement, le gouvernement grec transfère à l'étranger le siège du fonds chargé de gérer les revenus des privatisations pour être sûr que ceux-ci soient exclusivement réservés au remboursement de la dette.
Voilà cinq ans que Wolfgang Schäuble, austère gardien de la rigueur monétaire, gère la crise grecque aux côtés d'Angela Merkel. Cinq ans qu'il oppose un « non » ferme aux dérives budgétaires, qu'il ne cesse de répéter que sans volonté crédible de réformes en profondeur l'Europe ne déliera pas pour la troisième fois les cordons de sa bourse pour venir en aide à la Grèce. Cinq ans que le ministre allemand des Finances s'attire les foudres des Grecs et le respect de ses propres compatriotes. Avec Angela Merkel, Wolfgang Schäuble est l'homme politique le plus respecté des Allemands, dans le peloton de tête de tous les sondages d'opinion. Pour les Allemands, une annulation pure et simple d'une partie de la dette grecque est absolument impensable. Angela Merkel jouerait sa survie politique si elle cédait aujourd'hui à Tsipras.

« Cavalier seul »

Pour Wolfgang Schäuble, connu pour être l'un des Européens les plus fervents et les plus profondément convaincus au sein de la classe politique allemande, les négociations autour de la dette grecque ressemblent à un très délicat numéro d'équilibriste : il faut, d'un côté, assurer la solidité financière de la maison européenne, et, sur ce point-là, il n'est pas question de lâcher du lest. Mais un Grexit, personne ne l'ignore à Berlin, risquerait non seulement de conduire la Grèce à une catastrophe humanitaire, mais également de déstabiliser la zone euro tout entière et d'entraîner d'autres pays, ceux du Sud, dans son sillage. Pourtant, Wolfgang Schäuble ne s'en cache pas : il a du mal à faire confiance aux nouveaux dirigeants grecs. Le départ de Yanis Varoufakis a été accueilli avec un soulagement extrême en Allemagne. Depuis des années, la presse populaire est remontée contre ces « paresseux » et ces « filous » de Grecs. Sceptique, Wolfgang Schäuble en a assez des vagues promesses. Il veut des engagements concrets.
Chez les sociaux-démocrates qui dirigent l'Allemagne en tandem avec la CDU d'Angela Merkel et de Wolfgang Schäuble au sein de la « Grande Coalition », la réaction ne s'est pas fait attendre : nous n'étions au courant de rien, protestent plusieurs dirigeants spécialistes de la politique européenne ! Nous condamnons cette manœuvre en « cavalier seul » du ministre chrétien-démocrate qui ne nous a pas consultés au préalable ! Seul Sigmar Gabriel, vice-chancelier et ministre de l'Économie, dit avoir été informé de cette initiative. Au-delà du test politique pour le gouvernement d'Angela Merkel, il y va de la vision de l'Europe, cette construction à laquelle les Allemands ont contribué avec enthousiasme et qui leur a apporté de nombreux avantages. Si, officiellement, la Chancellerie s'est réjouie de l'aide apportée aux Grecs par les Français pour la rédaction et la formulation des nouvelles propositions de réformes qu'Alexis Tsipras vient de déposer sur la table des négociations à Bruxelles, il n'est un secret pour personne à Berlin que l'empressement du président français à se féliciter de ses suggestions « sérieuses » et « crédibles » a quelque peu irrité la chancelière. La question grecque n'a donc pas fini de diviser Paris et Berlin.
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