Chine: pas-si-nouveau-pas-si-normal

Lundi 13 Avril 2015

HONG KONG – Je viens de passer une semaine en Chine où je participais au Forum Boao Asia, une conférence similaire à la réunion annuelle du Forum économique mondial de Davos. Le sujet de mon intervention concernait ce que le président Xi Jinping a appelé la « nouvelle normalité » de l’économie chinoise : une ère de croissance relativement lente, après trois décennies d’une expansion économique à deux chiffres.


Jim O’Neill, ancien directeur de la gestion d’actifs chez Goldman Sachs
Jim O’Neill, ancien directeur de la gestion d’actifs chez Goldman Sachs
Mais ce qui m’étonne le plus concernant l’économie chinoise est à quel point elle est remarquable. Ses performances continuent effectivement de me surprendre. Indubitablement confrontée à de nombreux défis, la question essentielle reste de savoir jusqu’à quel point ces derniers sont susceptibles de ralentir l’économie.
Des quatre pays BRIC – Brésil, Russie, Inde, et Chine – celui de Xi est le seul à avoir rempli mes attentes en matière de croissance au cours de la décennie écoulée. De 2011 à 2014, l’économie chinoise a progressé à un taux annuel moyen de 8% par an. Si elle continue de progresser de 7% durant le reste de la décennie ainsi que l’envisagent les autorités et de nombreux observateurs, elle atteindra un rythme moyen de croissance de 7,5%, ce qui correspond à mes projections.
L’expression « nouvelle normalité » est une formule de langage intelligente de la part des dirigeants chinois, qui doivent expliquer au 1,4 million de citoyens du pays pourquoi l’économie ne connaîtra plus une croissance de 10% par an. Mais il n’y a rien de normal dans une économie qui est déjà deux fois plus importante que la deuxième plus importante, en l’occurrence le Japon, et qui dépassera probablement l’Union Européenne dans les cinq années à venir.
J’étais en Chine principalement en tant que directeur de la revue sur la résistance antimicrobienne du gouvernement britannique ; mais j’ai aussi cherché à évoquer les défis auxquels l’économie est confrontée. De nombreux observateurs internationaux se sont inquiétés du surplus de logements dans le pays et de la bulle du crédit qui en a résulté ; aurais-je été un peu trop sanguin à propos de ces risques ? Mes conversations m’ont convaincues que ces deux problèmes sont relativement gérables.
Le marché de l’immobilier est à l’évidence sinistré. Mais comme beaucoup me l’ont fait remarqué, ceci est en partie le résultat de mesures gouvernementales délibérées visant à freiner la tendance (et tout aussi rassurant, les consommateurs ne sont généralement pas surendettés). Certains promoteurs vont rencontrer des problèmes de crédit, comme certaines autorités locales. Mais les dépenses du gouvernement central représentant un pourcentage minime du PIB total du pays, il reste une large marche de manœuvre aux législateurs pour intervenir dans ces domaines si cela s’avérait nécessaire.
Les observateurs étrangers spéculent fréquemment sur la propension des autorités chinoises à délibérément gonfler la force de l’économie. Mais il est tout aussi possible que la taille de certains secteurs soit minimisée. Après ces quelques jours à Pékin, il est très clair que la Chine connaît une explosion de l’usage de l’internet, y compris comme plateforme de consommation. Le commerce en ligne compense certains autres secteurs plus faibles de l’économie, et il se peut que les statistiques officielles ne prennent pas la pleine mesure de son impact.
Je m’inquiète de ce que le gouvernement n’agisse pas assez rapidement pour donner aux millions de travailleurs migrants une résidence officielle dans les villes où ils travaillent et vivent. Les difficultés d’accès aux services publics pour ces migrants pourraient freiner lourdement la consommation en part de PIB. Mais comme on me l’a rappelé lors de ma visite, le gouvernement central n’avance pas plus vite sur les réformes pour ne pas imposer de pressions budgétaires trop lourdes aux autorités locales.
Un autre domaine d’inquiétude est celui de la santé. Le gouvernement central devra inévitablement répondre aux déficiences du secteur. Dans mes échanges sur la résistance microbienne, mes interlocuteurs m’ont cité un exemple intéressant. Le gouvernement a tenté de répondre à ce problème en limitant la quantité d’antibiotiques qu’un patient peut prendre. Le problème est que de nombreux hôpitaux et médecins dépendent pour une grande part des revenus issus de la vente de médicaments, ce qui crée de fortes incitations à contourner les règles.
La pollution constitue aussi un lourd défi. Mais il faut aussi noter que les émissions de dioxyde de carbone de la Chine  ont notablement baissé en 2014, offrant peut-être là une preuve tangible de la progression du pays dans ce domaine. L’efficacité énergétique et l’usage des énergies renouvelables sont en hausse.
Mais le plus important, et en dépit des défis qui l’attendent, la singulière importance de l’économie chinoise  est aujourd’hui largement reconnue. Les récentes réussites internationales du pays – particulièrement sa capacité à réunir le soutien de la Grande Bretagne, de la France, de l’Allemagne, et de l’Italie pour sa Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures malgré l’opposition des États-Unis – impliquent que la capacité de la Chine à répondre à ses problèmes avec succès inspire une confiance croissante.
Le rôle de la Chine dans les institutions financières internationales existantes pourrait aussi changer cette année. En décembre, le Fond Monétaire International va discuter de l’opportunité de rajouter le renminbi dans le panier de devises qui constitue l’unité de compte du FMI, soit les droits de tirage spéciaux (DTS), aux côtés du dollar, de l’euro, de la livre britannique, et du yen japonais.
Et le monde attend toujours que les États-Unis appliquent la réforme 2010 du FMI qui renforcerait la position de la Chine et d’autres grandes économies émergentes dans la structure de gouvernance de l’institution. Compte tenu du poids de l’économie chinoise, il serait tout à fait anormal de ne pas agir dans ce sens.
Jim O’Neill, ancien directeur de la gestion d’actifs chez Goldman Sachs, est chercheur associé au groupe de réflexion économique bruxellois Bruegel, et dirige la Revue britannique sur la résistance microbienne.
 
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